Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 17h00
Commission des affaires économiques

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

Je suis ravie de revenir dans cette belle maison ! Vous avez voulu m'auditionner au sujet des enjeux énergétiques auxquels notre pays fait face. La situation est assez simple : personne ne peut plus ignorer le dérèglement climatique. Personne ne peut plus nier qu'il nous reste encore quelques années – et seulement quelques années – pour en atténuer l'ampleur et diminuer drastiquement nos émissions. Tout le monde sait que la décennie que nous vivons est décisive. Nous n'avons pas droit à l'erreur. Fermer les yeux et continuer comme avant serait inacceptable et coupable. Notre jeunesse ne nous le pardonnerait pas et elle aurait raison.

C'est pourquoi, à la tête de ce beau ministère de la transition écologique, j'ai deux priorités absolues. La première vise à baisser nos émissions de gaz à effet de serre pour atténuer le changement climatique. C'est la mère de toutes les batailles. La seconde priorité, aussi importante, consiste à préparer notre pays à l'inévitable, puisque le changement climatique est déjà là. Ce sont des canicules, des sécheresses et des inondations de plus en plus fréquentes et intenses chaque année. La question de la gestion de l'eau devient plus cruciale, année après année. La crise sanitaire inédite que traverse notre pays appelle d'autant plus à cette refondation écologique. Une France neutre en carbone, une France avec un mix énergétique diversifié sera une France plus résiliente, respectueuse de la planète, capable de faire face aux défis de notre siècle. Pour y parvenir, nous avons un objectif – la neutralité carbone en 2050 –, une feuille de route – la stratégie nationale bas carbone – et les moyens de nos ambitions, avec la programmation pluriannuelle de l'énergie, la PPE, et le plan de relance que le Gouvernement a présenté. La PPE, qui a été adoptée avant que ce ministère change de main, est un pilier d'une France plus résiliente. Avec ce texte, nous nous tournons résolument vers l'énergie de demain. Le premier objectif, à court terme, est un taux de 27 % d'énergies renouvelables en 2023. Je ne referai pas un long discours sur les crédits que la PPE prévoit pour la transition énergétique de notre pays – un soutien public de 9 à 10 milliards d'euros jusqu'en 2023 pour les énergies renouvelables électriques, par exemple. C'est considérable.

Je souhaite profiter de l'occasion de cette rencontre pour aborder deux sujets sensibles de la PPE. Le premier est celui du biogaz. Je suis heureuse de pouvoir répondre aux inquiétudes qui s'expriment : nous réfléchissons à des mécanismes de soutien non budgétaires. Je pense, par exemple, à une piste à creuser avec les acteurs de la filière et à l'obligation d'incorporer du biogaz dans le gaz. Nous lancerons une concertation avec les professionnels dans les prochaines semaines.

L'autre sujet sensible est celui du nucléaire. Comme nombre d'entre vous, j'ai la conviction que notre pays ne peut plus dépendre à 70 % d'une seule industrie. J'ai la conviction que ramener la part du nucléaire à 50 % en 2035 est bien le moins. C'est même le choix du bon sens. C'est aussi permettre – j'insiste sur ce point – un véritable choix démocratique quant à l'avenir du nucléaire dans notre pays, en ouvrant largement le champ des possibles pour les décisions qui devront être prises en 2022-2023 concernant l'avenir du parc. La PPE fixe un calendrier progressif de fermeture de 14 réacteurs, et nous accompagnerons chacun des territoires et chacun des salariés concernés dans la reconversion, comme nous le faisons déjà à Fessenheim. Toujours dans ce domaine, un autre chantier mobilisera mon action dans les mois à venir : la régulation du nucléaire existant, notamment la réforme de l'ARENH, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique. Le nucléaire occupe une place très spécifique dans le mix énergétique français et européen, compte tenu de sa taille et de sa structure de coûts. Du fait de sa proportion dans notre mix électrique, il joue un rôle non négligeable dans la sécurité et l'approvisionnement. Dans la mesure où il a été historiquement et majoritairement financé par la collectivité nationale, il est normal que celle-ci puisse continuer à en bénéficier. Ce sujet est en discussion avec la Commission européenne. La position de mon ministère est inchangée. Nous avons trois ambitions : garantir une protection des consommateurs contre les hausses de prix dans la durée, leur faire bénéficier en retour de l'avantage lié à l'investissement dans le parc nucléaire historique, et donner à EDF la capacité financière d'assurer la pérennité de son outil de production, notamment dans ses dépenses de sûreté. Ainsi, avec la PPE, nous plaçons notre pays dans la trajectoire de la neutralité carbone et nous le rendons plus résilient.

Mais notre action va au-delà. À côté de la transition énergétique de notre pays, mon autre priorité est la décarbonation de tous les secteurs de l'économie. Le plan de relance représente une occasion inédite de redémarrer notre pays en changeant ce que l'on peut appeler « l'ADN du système ». L'État va injecter 100 milliards d'euros dans l'économie, dont 30 milliards seront dédiés à l'écologie. C'est une victoire, et c'est surtout l'occasion de faire un bond vers neutralité carbone. Avec ce plan, nous répondons à l'appel des experts en mobilisant les financements nécessaires pour mettre notre pays dans la trajectoire de l'accord de Paris. Les experts de I4CE, par exemple, ont confirmé que c'était ce qu'il convenait de faire en termes de moyens. C'est un choix de cohérence, de responsabilité et d'ambition. Avec les 30 milliards d'euros de la relance, nous décarbonerons quatre secteurs économiques qui représentent à eux seuls 80 % de nos émissions carbone – l'industrie, le bâtiment, le transport et l'agriculture.

Dans le secteur de l'industrie, les émissions baissent beaucoup trop lentement. C'est pourquoi nous déployons 1,2 milliard pour agir dès aujourd'hui. Décarboner notre pays, c'est aussi accélérer les technologies de rupture dont nous avons besoin pour construire et structurer les filières de demain. Je pense notamment à l'hydrogène, une révolution du XXIe siècle qui peut être française. C'est le pari que nous avons décidé de faire en mobilisant 7,2 milliards d'euros pour la décennie, afin de changer d'échelle. Accélérer la décarbonation de l'industrie, déployer les solutions qui existent déjà, investir pour inventer celles qui nous manquent, voilà notre feuille de route. Et si nous décarbonons notre production industrielle, ce n'est pas pour mieux réimporter des émissions de l'étranger. J'ai donc l'ambition que nous puissions mettre rapidement un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Europe.

Dans le secteur du bâtiment, le plan de relance propose un grand coup d'accélérateur en faveur de la rénovation. Mme Emmanuelle Wargon et moi-même sommes à la tâche pour que chaque euro des près de 7 milliards d'euros mobilisés en plus des crédits habituels change concrètement notre habitat, en rénovant les bâtiments publics, en accélérant la rénovation globale des logements et en accompagnant les bailleurs comme les copropriétaires. Je suis fière que dès le 1er janvier, le dispositif MaPrimeRenov' soit enfin ouvert à tous les Français, car nous gagnerons à bataille de la rénovation maison par maison, appartement par appartement, cage d'escalier par cage d'escalier.

Décarboner notre pays constitue aussi un effort inédit dans les transports. Nous y consacrons près de 11 milliards d'euros dans le plan de relance, dont près de la moitié pour le ferroviaire. Je pense aux petites lignes, au développement du fret et aux transports en commun, mais aussi à l'aide à la conversion vers des véhicules moins polluants, aux bornes de recharge accessibles partout, à l'innovation et aux mobilités de demain, plus douces et plus propres. Nous avons d'ailleurs annoncé, avec M. Jean-Baptiste Djebbari, que nous pérenniserions la dynamique du coup de pouce vélo – cette aide de 50 euros par vélo décidée au moment du déconfinement – en la renforçant de 20 millions d'euros. Ainsi, avec les 620 000 réparations qui ont déjà eu lieu, nous espérons atteindre le million d'ici la fin de l'année. Ces réalisations sur le terrain sont les succès au quotidien des Françaises et des Français qui se remettent en selle et lâchent la voiture pour pédaler. C'est aussi cela, la décarbonation de notre pays.

Enfin, nous consacrons 1,2 milliard d'euros à la transition agricole, pour aider les agriculteurs à renouveler les équipements, pour réduire l'utilisation de pesticides – j'y travaille avec mon collègue Julien Denormandie –, mais aussi pour aider nos forêts à s'adapter au nouveau climat. Dans la lutte contre le dérèglement planétaire, celles-ci constituent un puits de carbone naturel particulièrement précieux et méritent toute notre vigilance.

Changer l'ADN du système et décarboner notre pays, c'est aussi l'ambition des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. C'est le sens même de la question qui lui a été posée : comment réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030, dans un esprit de justice sociale ? Je rends hommage aux 150 citoyens qui ont travaillé d'arrache-pied durant neuf mois, et qui y ont répondu avec sérieux, avec rigueur et avec passion. Je suis très attachée à ce que leur travail se concrétise, comme le Président de la République s'y est engagé et comme le Premier ministre et l'ensemble du Gouvernement y travaillent. J'en suis la garante. Depuis juillet, de premières mesures ont été adoptées – interdiction des terrasses chauffées, ou de l'installation de chaudières au fioul ou au charbon neuves. Ces premières étapes concrètes, opérationnelles, contribuent à la décarbonation de notre pays. Le plan de relance répond aussi à bon nombre des propositions des 150, dans le ferroviaire ou la rénovation, mais aussi pour le développement de l'hydrogène ou l'électrification des ports. Mais nous devons aller plus loin. C'est l'ambition du projet de loi qui s'annonce. Je sais pouvoir compter sur votre mobilisation pour faire vivre pleinement les promesses de cet exercice démocratique inédit.

Décarboner notre pays n'est plus une question réservée aux seuls écologistes. C'est l'affaire de tous. Comme je vous l'ai dit, nous avons le cap et nous avons les moyens. À nous de réussir. Je vous remercie pour votre invitation et me réjouis de notre échange. Je sais que vos questions seront nombreuses, tant l'agenda des mois à venir est dense, avec la Convention citoyenne dont j'ai parlé, le projet de loi sur les néonicotinoïdes ou encore celui d'accélération et de simplification de l'action publique, dit projet de loi ASAP, en discussion actuellement et qui sera bientôt en séance. Soyez rassurés, je suis prête à répondre à tout !

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