Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 17h00
Commission des affaires économiques

Barbara Pompili, ministre :

Ce sont celles que j'ai.

Monsieur Villani, vous m'avez demandé de présenter toute la stratégie nucléaire du pays en deux minutes ! Je vais dire l'essentiel. Pour que le nucléaire fonctionne, nous avons des décisions à prendre concernant l'après-2035. Nous les prendrons en 2022-2023. Il s'agit notamment de décider si nous voulons continuer avec une part de nucléaire sensiblement similaire à celle qui sera à l'œuvre en 2035, c'est-à-dire aux alentours de 50 % – auquel cas il faut prévoir des investissements pour de nouveaux réacteurs, ou si nous baissons cette part, éventuellement jusqu'à arriver à 100 % de renouvelable en 2050. Telles sont les options qui sont sur la table. Ma mission, en tant que ministre chargée de l'énergie, consiste à faire en sorte que le choix puisse se faire entre des alternatives qui tiennent la route. Un travail de préparation de ces alternatives doit donc être effectué pour que les citoyens, par le biais de leurs représentants ou un autre biais, puissent se prononcer. EDF travaille à un scénario de relance du nucléaire, avec des EPR ou autres. Il travaille aussi, avec RTE et l'AIE, à un scénario de baisse progressive de la part du nucléaire pour arriver à 100 % de renouvelable. Je souhaite que ces deux scénarios soient suffisamment renseignés, scientifiquement, économiquement et en termes de prospective, pour que le choix puisse être fait de manière démocratique. Il ne sera effectué ni par moi, ni par EDF, mais par la représentation du peuple – c'est bien normal.

En attendant, notre parc nucléaire doit fonctionner correctement et en toute sûreté pour apporter l'alimentation en électricité pour nos concitoyens à un tarif à peu près raisonnable. Il faut aussi qu'il soit en capacité de faire face aux investissements à engager. S'agissant du prix, des négociations sont en cours avec la Commission européenne concernant l'ARENH et une éventuelle restructuration d'EDF. S'agissant des installations nucléaires, dont certaines ont un âge respectable, des investissements de sûreté doivent être engagés. Les négociations sur l'ARENH doivent aussi nous permettre d'assurer une rémunération d'EDF suffisante pour permettre ces investissements. Les investissements post-Fukushima sont lourds. Nous serons là pour qu'ils puissent être engagés. En effet, que l'on soit pour ou contre le nucléaire, on veut pouvoir se sentir en sécurité à côté d'une centrale.

Le plan de relance nous aidera aussi à avancer concernant la question du nucléaire. À la grande surprise de beaucoup, j'ai été d'accord pour dédier 400 millions d'euros à la filière Ce montant couvrira plusieurs besoins, à commencer par le renforcement des compétences. Nous financerons des formations afin de développer la filière du nucléaire. Il convient également de développer la recherche – sur la sûreté, mais aussi sur la gestion des déchets puisque le PNGMDR, le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, a fait l'objet d'un débat public dans lequel il a été demandé de travailler davantage les alternatives. Le plan de relance financera aussi le travail de préparation du démantèlement des réacteurs d'un certain âge, ainsi qu'une recherche sur les SMR, les small modular reactors. J'essaie d'être la plus droite possible dans ce que je fais et je veux qu'il y ait des alternatives crédibles aux EPR pour le choix démocratique qui devra être fait en 2022-2023.

La multiplicité d'acteurs est ce qu'elle est. Je me félicite que nous ayons l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui est un très bon outil d'expertise, de même que l'ASN, qui garantit un minimum d'indépendance dans le travail sur la sûreté – je l'en remercie, parce que nous en avons besoin.

Concernant le tourisme durable, les mesures annoncées par le Gouvernement comportent des outils consacrés à la transition écologique du secteur touristique, afin de préparer son avenir. Il s'agit donc d'un soutien à la transition vers un tourisme plus durable et digitalisé, qui sera le critère de sélection du montant de 1,350 milliard qui sera investi en fonds propres et quasi-fonds propres par la Banque des territoires et BPIfrance, pour un effet attendu en matière d'investissement de 6,7 milliards d'euros. Ces aides toucheront des très petites entreprises (TPE) jusqu'aux grands groupes. Les aides du plan de relance destinées au tourisme social sont, elles aussi, assorties de conditions de transition durable.

Parallèlement, le plan de relance crée un fonds pour le tourisme durable doté de 50 millions d'euros et confié à l'ADEME pour accompagner la transition écologique des hôtels et des restaurants en milieu rural. Ces fonds seront attribués à des porteurs de projets. Les critères fixés par les appels à projets sont en train d'être définis, pour un lancement en 2021 après le vote de la loi de finances. La transition durable de l'offre touristique sera aussi incluse dans les contrats de plan État-région 2021-2027 en cours de négociation.

Le plan de relance ne sera ce sera un aspect de la transition écologique du tourisme, qui est d'ores et déjà engagée. L'ADEME effectue actuellement, avec le cabinet Carbone 4 et la SCET, une mesure des émissions de gaz à effet de serre liées au tourisme en France. Cette étude devrait être disponible début 2021. Le comité de la filière « Tourisme », qui rassemble de nombreux professionnels du tourisme depuis sa création à la mi-2019 réalise pour sa part un travail de prospective très approfondie de quatre thématiques, dont le tourisme durable, en vue d'alimenter la stratégie touristique de la France.

Je précise que l'impact carbone du tourisme mondial représente 8 % des émissions de gaz à effet de serre, dont 75 % sont dus au transport, 21 % aux hébergements et le reste aux activités touristiques. Il existe aussi d'autres impacts, comme les déchets, la pression sur la ressource en eau, l'artificialisation des sols, la sur-fréquentation de zones fragiles ou la pression sur l'immobilier de centre-ville. Nous prendrons tous ces éléments en compte, pour que le tourisme s'adapte. De nombreux chantiers sont ouverts.

S'agissant des constructions neuves et de la rénovation du parc social, le pacte d'investissement passé en 2019 entre l'État et les bailleurs prévoit l'engagement de 125 000 rénovations énergétique par an entre 2020 et 2022 pour un total de 5 millions de logements. Le plan de relance prévoit 500 millions d'euros pour la rénovation du parc social, avec des critères d'exigence, de performance énergétique qui seront fixés. Il faut aussi noter le fort engagement des bailleurs pour réduire les passoires énergétiques, qui leur a permis de n'avoir que 7 % de logements classés en catégories F et G, contre 19 % dans le parc privé. Ce meilleur point de départ devrait permettre d'avancer plus vite.

Sachez, M. Serge Letchimy, que je n'en peux plus que l'excellent travail des parlementaires serve à « caler des meubles ». Vous pouvez donc compter sur moi. Je n'étais pas encore au courant de l'existence du rapport dont vous avez parlé sur le chlordécone. Je vais le trouver, le sortir de là où il est et je peux vous garantir que nous verrons comment y apporter des suites. De manière générale, ces rapports portent des propositions très intéressantes et qui peuvent servir. Pour ce qui est du chlordécone, un plan d'action existe. Nous en reparlerons, mais lorsqu'un travail a été effectué, il doit avoir des suites – a fortiori lorsqu'il concerne un sujet aussi douloureux que celui-ci.

J'en viens aux questions relatives à l'hydrogène. Il est vrai que les électrolyseurs dépensent beaucoup d'énergie. La production d'hydrogène, notamment d'hydrogène décarboné, n'est pas encore rentable. Le principe même des investissements que nous avons prévus vise à rendre la filière mature, pour qu'elle devienne rentable. Par ailleurs, une partie de l'hydrogène fabriqué aujourd'hui l'est à partir d'énergie fossile, ce qui n'est pas très intéressant d'un point de vue environnemental. Nous voulons fabriquer de l'hydrogène décarboné par électrolyse, ce qui impose de développer les électrolyseurs dans notre pays, pour le fabriquer en France. Or l'électrolyse est obtenue avec de l'électricité, laquelle est fabriquée à 70 % par du nucléaire dans notre pays. De fait, une partie de l'hydrogène viendra du nucléaire. Une autre partie viendra des énergies renouvelables. Mais vous pouvez compter sur moi pour que nous respections la PPE, donc pour que la part des énergies renouvelables – et de toutes les énergies renouvelables – augmente, de manière concertée et intelligente. La part de l'hydrogène vert, produit à partir de renouvelables, augmentera. Nous pouvons tous nous en féliciter. En tout cas, je m'en féliciterai.

Concernant l'industrie automobile, nous soutiendrons la recherche sur les véhicules électriques et sur les véhicules à hydrogène et nous aiderons nos concitoyens à s'équiper, grâce au bonus/malus et à toutes les mesures déjà lancées.

Il y a bien de l'argent pour le bâtiment, puisque le plan de relance prévoit 7 milliards d'euros.

Le plan Protéines est important. Il est sur le bureau de M. Julien Denormandie, dont je sais qu'il le développera parce que c'est aussi une partie de la réponse à la question de la stratégie nationale contre la déforestation importée. Le plan de relance prévoira des investissements pour aider les agriculteurs à passer en HVE3.

Les contrats de transition écologique (CTE) seront transformés en CRDE, contrats de relance et de développement écologique. Par ailleurs, un soutien de l'Agence nationale de la cohésion des territoires est prévu, en association les services de notre ministère. Le Commissariat général au développement durable, notamment, prendra part au pilotage.

S'agissant de la méthanisation, nous sommes partis vite et nous avons beaucoup avancé. Certaines filières sont matures, d'autres moins. Un travail est en cours, pour réajuster les tarifs, pour aider les acteurs les plus petits afin qu'ils ne soient pas pénalisés, mais aussi pour mettre un terme aux dérives qui nous ont été signalées. La méthanisation est plutôt porteuse d'avenir. Mais comme toute filière qui démarre, il faut faire attention à ne pas déraper.

J'en viens aux moratoires sur le e -commerce.

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