Intervention de Huguette Tiegna

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Tiegna, rapporteure pour avis :

La mission Investissements d'avenir est une mission originale, créée en 2017 pour budgétiser les crédits du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3). Elle est pilotée par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI), dont la vocation interministérielle répond à une doctrine d'investissements particulière. Cette doctrine permet le financement des projets innovants, risqués et d'intérêt stratégique concernant la transition énergétique, la compétitivité économique et la résilience des écosystèmes économiques et de santé. Elle a pour objectif d'avoir un fort effet de levier.

La mission Investissements d'avenir comprend cinq programmes, dont trois sont dévolus au PIA 3 et deux au PIA 4. L'ensemble de la mission comprend 16,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 3,5 milliards en crédits de paiement (CP) pour l'année 2022, ce qui correspond à la moitié du plan d'investissements France 2030, qui prévoit 30 milliards d'euros sur cinq ans.

La présente mission déroge néanmoins aux règles budgétaires de droit commun. Ainsi, pour le PIA 3, sur une enveloppe initiale de 10 milliards d'euros ouverte en 2017, toutes les AE ont été consommées. Pour la période 2018-2021, 6,1 milliards d'euros ont été ouverts en CP et 1,5 milliard sont inscrits en projet de loi de finances (PLF) pour 2022 – un montant inférieur à la trajectoire initialement prévue en 2017, de 2 milliards. Le PIA 4 est doté d'une enveloppe de 20 milliards d'euros, soit le double des crédits alloués au PIA 3, pour la période 2021-2025, dont 16,6 milliards au titre de la présente mission et 3,4 milliards au titre des intérêts générés par les dotations non consommables (DNC) ouvertes dans le cadre des PIA 1 et 2 et des revenus annuels générés par le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

Les particularités budgétaires de la mission Investissements d'avenir ne sont pas sans conséquences sur le contrôle parlementaire. En effet, il est difficile de mesurer, par une simple analyse budgétaire annuelle, des investissements pluriannuels. En outre, certains financements sont également croisés au sein de plusieurs missions. Le PIA 4 participe ainsi, à hauteur de 11 milliards d'euros, à la mission Plan de relance, sans qu'il soit facile de distinguer quels programmes et quelles missions auront l'effet de levier le plus important sur les projets financés.

En outre, des crédits en provenance du plan d'investissements France 2030, dont il convient de saluer l'importance, abonderont, sous la forme d'amendements en séance publique, la présente mission.

Il pourrait être utile de prévoir une nouvelle maquette budgétaire pour le projet de loi de finances initiale pour 2023. Cette nouvelle maquette simplifierait l'architecture des différents plans d'investissements en une seule mission, en regroupant leurs crédits lorsque leurs logiques d'investissement sont identiques. Toutefois, leurs logiques d'investissement ne sont pas toujours identiques, et l'urgence de la relance et de l'investissement dans des secteurs critiques peut s'accommoder de telles imperfections, d'autant plus que la gouvernance renouvelée du secrétariat général pour l'investissement – et donc de l'évaluation à venir des PIA – devrait permettre d'éviter les écueils rencontrés par le passé.

Parce qu'elle autorise des investissements importants dans des secteurs risqués et non encore rentables, la mission Investissements d'avenir est un instrument indispensable à la stratégie d'investissements de l'État en matière industrielle. Oui, c'est un instrument indispensable pour construire, voire reconstruire une France industrielle, compétitive, et entièrement engagée dans l'excellence académique et la sobriété carbone.

Dans un référé publié le 28 juillet 2021 et intitulé La mise en œuvre du programme d'investissements d'avenir (2010-2020), la Cour des comptes, tout en soulignant l'importance des PIA, a critiqué leur manque d'évaluation. Je ne partage pas vraiment cette analyse. Le PIA 4 a été l'occasion d'une doctrine d'investissement renouvelée, d'une réduction du nombre d'opérateurs et d'une réforme du secrétariat général pour l'investissement. Désormais, seuls quatre opérateurs sont chargés de la mise en œuvre des crédits PIA : la Caisse des dépôts et consignations (CDC), BPIFrance, l'Agence nationale de la recherche et l'Agence de la transition écologique (ADEME).

Le PIA 4 présente une structure particulière, en deux volets. Le premier volet, qui est dit « dirigé », correspond au programme 424, Financement des investissements stratégiques, doté de 12,5 milliards d'euros. Il finance des investissements exceptionnels dans des secteurs stratégiques ou des technologies émergentes prioritaires : c'est le cas, par exemple, des stratégies d'accélération étudiées dans la partie thématique de cet avis. Le deuxième volet, dit « structurel », correspond au programme 425, Financement structurel des écosystèmes d'innovation, doté de 4,1 milliards d'euros. Il garantit aux écosystèmes d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation un financement structurel pérenne et prévisible.

La gouvernance du SGPI a été renouvelée. Le secrétaire général pour l'investissement préside désormais le comité exécutif du Conseil de l'innovation, sous l'égide du Premier ministre. Il devient donc, selon les mots mêmes du Premier ministre, le coordinateur de la politique d'innovation dirigée de l'État.

Le PIA est un outil précieux pour préparer l'économie de demain, un outil dont la Cour des comptes relève toute la pertinence et le succès, puisqu'il n'a pas été remis en cause, depuis 2009, par les alternances politiques successives.

Vous l'aurez compris, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Investissements d'avenir.

J'ai souhaité, dans la partie thématique de mon rapport, analyser deux activités industrielles d'avenir, soutenues par les crédits de la présente mission : le plan « batteries » et la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné, lancée le 8 septembre 2020. Ces deux projets présentent des réussites majeures.

Le plan « batteries », d'abord, a permis de financer des projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC). La Commission européenne autorise à déroger au droit commun de la concurrence en matière d'aides d'État. Elle a ainsi accepté deux PIIEC dans le domaine des batteries. Le projet de la société Automotive Cells Company (ACC), qui permettra de construire une usine de production de cellules et modules de batteries pour les véhicules électriques – une « gigafactorie » – à côté du site PSA de Douvrin, est l'un d'entre eux. Autre réussite à souligner : le développement de la start-up NAWA Technologies. La levée de fonds opérée grâce au PIA et son corollaire, l'effet levier, lui ont permis de continuer à développer ses innovations concernant les matériaux de base de nanotubes de carbone utiles aux performances des électrodes pour les batteries de nouvelle génération.

Une stratégie d'accélération consacrée aux batteries poursuivra et amplifiera les actions du premier plan « batteries ». Selon les informations dont je dispose, elle devrait être annoncée courant novembre et représenter, sur la période 2021-2024, un effort financier de l'État de l'ordre de 1,8 milliard d'euros, dont 1,13 milliard au titre du PIA. Je me réjouis de cette décision qui concerne un secteur où la France fait jeu égal avec l'Allemagne et qui est crucial pour l'économie verte : les batteries représentent le cœur de la valeur du véhicule électrique et des mobilités embarquées.

Quant à l'hydrogène, il est aujourd'hui identifié comme une énergie innovante, tant du point de vue de sa production que de ses usages. En effet, l'hydrogène décarboné est une énergie propre, produite par l'électrolyse de l'eau à partir d'électricité décarbonée ou renouvelable. Produisant trois fois plus d'énergie que l'essence, il apparaît donc comme le « carburant du futur ». Plusieurs technologies sont en compétition, qui jouent sur la nature des électrodes et sur les conditions thermochimiques utilisées dans les électrolyseurs. Les principales d'entre elles sont la technologie alcaline, la membrane échangeuse de protons (PEM), la membrane échangeuse d'anions (AEM) et l'électrolyseur à oxyde solide (SOEC). Identifié dès 2018 comme une filière d'avenir par le plan « hydrogène », l'hydrogène décarboné a déjà fait l'objet de financements dans le cadre de la mission Investissements d'avenir, à hauteur de 100 millions d'euros.

Le Président de la République a indiqué le 12 octobre, lors de la présentation du plan France 2030, qu'une priorité était accordée à la production d'hydrogène décarboné, l'hydrogène vert. Le deuxième des dix objectifs de ce plan est de faire de la France le leader de l'hydrogène vert. Pas moins de 8 milliards d'euros, sur les 30 milliards d'euros annoncés, y seront consacrés. En 2030, la France devrait ainsi compter au moins deux gigafactories d'électrolyseurs et produire l'ensemble des technologies utiles à l'utilisation de l'hydrogène vert.

Représentant 7 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2030, la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné comprend trois priorités : décarboner l'industrie en faisant émerger une filière française de l'électrolyse ; développer une mobilité lourde à l'hydrogène décarboné ; soutenir la recherche, l'innovation et le développement de compétences afin de favoriser les usages de demain.

Le PIA soutient la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné à hauteur de 922 millions d'euros à travers plusieurs actions, selon la répartition indicative suivante : 90 millions au titre des programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) ; 30 millions au titre de l'action relative à la formation ; 70 millions au titre du développement du secteur aéronautique ; 62 millions au titre du développement du secteur ferroviaire ; 350 millions – dont 90 millions alloués par le PIA 3 – au titre de l'appel à projets « briques technologiques et démonstrateurs hydrogène » ; 300 millions au titre de projets pouvant faire l'objet d'un PIIEC – ce PIIEC permettra de faire émerger en France des projets de gigafactories et de décarbonation de l'industrie par l'hydrogène dès 2022 ; enfin, 20 millions ont été alloués aux « concours d'innovation ».

Ainsi, au titre du PIA, le soutien à l'aéronautique et au train hydrogène a été entièrement engagé. L'appel à projets « briques technologiques et démonstrateurs hydrogène », qui comprend des crédits issus des PIA 3 et 4 a été lancé en octobre 2020 et il est ouvert jusqu'au 31 décembre 2022. Le PEPR a été lancé en juillet 2021 et les projets seront engagés jusqu'en 2023.

Dans le domaine de la recherche sur l'hydrogène, la France dispose d'un avantage comparatif au niveau mondial. Je préconise que, comme pour les batteries, le PEPR soit l'occasion de créer un labex, un laboratoire d'excellence, une partie de l'innovation en matière d'hydrogène décarboné reposant sur de nouveaux procédés en matière d'hydrolyse, donc sur de la recherche en chimie. C'est le sens de mon premier amendement.

Quant aux appels à projet « formation » et « concours d'innovation », ils seront lancés d'ici la fin de l'année. J'ai tenu une réunion publique à Figeac, dans ma circonscription, la semaine dernière : j'ai pu constater que l'écosystème territorial se mettait en place. Il est important de réunir les filières et les entreprises travaillant dans ce domaine. Certaines entreprises ont fait valoir la difficulté d'accès à ces financements pour les plus petites d'entre elles ou pour des start-up. Même si des succès sont à retenir, comme celui de l'entreprise McPhy, start-up développée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), en passe de devenir une entreprise de taille intermédiaire dans le domaine de la production d'électrolyseurs et de stations de recharge, je préconise une évolution des critères de sélection dans les appels à projet. Je propose également de sanctuariser 10 millions d'euros d'aides pour les petites entreprises et start-up les plus innovantes pour l'appel à projets « concours d'innovation ». C'est le sens de mon second amendement.

Pour conclure, j'apporte un plein et entier soutien à cette vision stratégique d'investissements en matière industrielle. À ce titre, je me félicite particulièrement de l'annonce du plan France 2030, qui viendra abonder la présente mission, ainsi que de l'annonce à venir de la future stratégie d'accélération consacrée aux batteries. Cette vision stratégique en matière industrielle devrait également permettre de développer des filières industrielles territoriales.

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