Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du vendredi 15 décembre 2017 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous nous retrouvons donc pour les nouvelles lectures du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et du projet de loi de finances pour 2018.

Je tiens tout d'abord à saluer le travail effectué par le Sénat, qui s'est pleinement saisi de l'ensemble des sujets abordés dans ces textes, et notamment de quatre sujets de haute importance. Il a supprimé les nouveautés envisagées en matière de taxe d'habitation, de même que l'impôt sur la fortune que le Gouvernement veut transformer en impôt sur la fortune immobilière. Il a également modifié les règles relatives au contrôle des dépenses des collectivités, qui étaient inacceptables. Enfin, il est revenu sur les mesures négatives contenues dans le PLF en matière de logement.

En jouant son rôle de chambre représentant les collectivités territoriales, le Sénat a compris que ces dernières pâtiraient de la suppression de la taxe d'habitation. Il a surtout compris que la baisse de 30 % de cette taxe, que le Gouvernement veut mettre en oeuvre dès 2018, allait priver les finances des collectivités d'une ressource dynamique. Finalement, cette mesure correspondrait à une mise sous tutelle extrêmement préoccupante des collectivités territoriales, alors que de nombreuses décisions prises par le Gouvernement traduisent une véritable volonté jacobine et centralisatrice.

Les évolutions de dépenses proposées dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 en témoignent. Là encore, s'agissant de la méthode, il est inacceptable d'adopter de manière unilatérale des dispositions contraignantes et conditionnant la vie des collectivités sans concertation ni dialogue avec ces dernières.

Certes, après la Conférence nationale des territoires qui s'est tenue hier à Cahors, quelques aménagements nous seront proposés. Nous attendons donc de savoir précisément comment le Gouvernement envisage de modifier l'article 10 du PLPFP limitant la hausse des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités. Nous verrons également si le Gouvernement semble vouloir revenir sur la règle d'or renforcée qui, en mettant sous surveillance les collectivités dont le rapport entre l'encours de dette et l'épargne brute dépasse 11 ou 13 ans, ne prend pas en compte les situations particulières qui peuvent exister, notamment lorsque les collectivités détiennent certains actifs.

En matière de méthode, il y a d'autres choses à redire : le Gouvernement vient de porter à notre connaissance, il y a quelques instants, un amendement no 31 réécrivant l'article 24 d'une longueur de six pages.

Les collectivités territoriales sont déjà soumises à bien des rudesses, notamment économiques. Il est donc important d'aborder toutes ces questions avec sérénité et en prenant notre temps.

Alors que le Gouvernement n'a cessé de nous dire que la taxe d'habitation était injuste, il paraît incompréhensible d'accentuer cette injustice en concentrant cette taxe sur une minorité représentant 20 % des Français. Le Président de la République lui-même a d'ailleurs reconnu cette injustice consistant à faire supporter par quelques-uns le poids de cet impôt : il a donc esquissé la promesse de supprimer totalement la taxe d'habitation.

En supprimant l'IFI, le Sénat a également empêché que seuls les investissements immobiliers fassent l'objet d'une taxe sur la fortune, ce qui aurait constitué une véritable iniquité devant l'impôt, une aberration fiscale et une injustice sociale quand on sait que les grandes fortunes sont très majoritairement mobilières – elles auraient donc été exonérées demain – alors que les petites fortunes voire les classes moyennes supérieures auraient dû s'acquitter de l'IFI. Quand un nouvel impôt ne respecte pas les capacités contributives des contribuables, c'est un mauvais impôt, monsieur le ministre.

Enfin, le Gouvernement prétendait, lors de la première lecture du projet de loi de finances à l'Assemblée, que la transformation de l'ISF en IFI ne ferait pas de perdants. Le Sénat a démontré que c'est faux : en raison des moindres déductions de charges, certains contribuables seront davantage touchés par l'IFI qu'ils ne l'étaient par l'ISF. J'espère que vous vous expliquerez sur ce point, monsieur le ministre.

Le Sénat est également revenu sur les dispositions introduites par des amendements du Gouvernement visant – par manière de compensation – à augmenter la fiscalité sur les signes extérieurs de richesse. Il ne s'agissait là que de communication, d'affichage politique, au mépris de toute notion – même la plus élémentaire – d'efficacité de l'impôt. Compte tenu du rendement dérisoire de ces taxes, il est bien difficile de les justifier par la seule morale !

Je tiens également à évoquer les conditions dans lesquelles les parlementaires ont dû travailler, marquées par la contrainte et l'urgence. La procédure législative a souffert de la brièveté du délai accordé pour le dépôt des amendements, ainsi que d'une discussion précipitée. Nous avons examiné en séance des amendements déposés à la dernière minute, sans qu'ils aient pu être examinés par la commission.

Nous connaissons bien les impératifs de la procédure d'examen du budget, et la nécessité d'une navette rapide entre l'Assemblée et le Sénat, mais cet empressement – voire cette course contre la montre – ne servent pas le travail parlementaire et n'améliorent en rien la qualité de nos débats.

Le Gouvernement apparaît d'ailleurs bien pressé de faire adopter son premier budget en refusant toute amélioration, tous compromis avec l'opposition. Il ne cherche pas le consensus et préfère passer en force en supprimant purement et simplement le travail accompli par les sénateurs. Hier, en commission des finances, j'ai pourtant suggéré moi-même à M. le rapporteur général d'entendre raison, d'accepter certaines propositions des sénateurs, par le moyen de sous-amendements. Mais la majorité ne cache pas son désintérêt pour ce qui ne va pas dans son sens : c'est dire le peu de considération qu'elle a pour les autres parlementaires !

Déjà, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2017, plus de trente amendements du Gouvernement avaient été déposés sans que la commission des finances puisse les examiner. Et nous avons assisté hier, en commission des finances, à un détricotage en règle de l'ensemble des avancées du Sénat, qui a eu manifestement le grand tort de ne pas partager la ligne inflexible imposée par l'exécutif.

Comment pouvez-vous prétendre être constructifs, modernes, respectueux des institutions, alors que vous opérez un tel passage en force ? Vous avez méthodiquement et cyniquement démoli, amendement après amendement, tout ce que le Sénat a proposé !

Comment pouvez-vous prétendre être respectueux de la représentation nationale, alors que vous avez réduit l'assemblée à une chambre d'enregistrement et court-circuité le Sénat ? Aucun droit inconditionnel ne vous est pourtant accordé : prenez garde à ne pas en venir à dénier le bicamérisme.

Vous ne mentiez pas, monsieur le ministre, lorsque vous parliez d'un budget en rupture complète avec ce qui a été fait depuis trente ans. Malheureusement, je ne crois pas que cette affirmation vantarde soit positive !

Nous ne cessons de vous appeler à engager des réformes structurelles. Je vous le rappelle pour la énième fois : tous les indicateurs économiques sont favorables à un renouveau structurel, mais rien n'y fait, vous ne voulez rien entendre. Vous n'avez pas hésité à reprendre à votre compte certaines de nos propositions – comme celle, formulée par Gilles Carrez, de réviser le taux des intérêts moratoires. Qu'attendez-vous pour reprendre nos autres suggestions, notamment celles du Sénat ?

Nous l'avons répété durant l'ensemble de la discussion budgétaire : votre budget n'est ni courageux, ni juste. Mais rien n'y fait : vous ne tenez compte d'aucune de nos remarques. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

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