Intervention de Bruno Parent

Réunion du mercredi 10 janvier 2018 à 17h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance

Bruno Parent, directeur général des finances publiques :

Vous connaissez le grand débat sur les effets sur la natalité de la conjugalisation ou de la familialisation de l'impôt. Cela paraît éloigné de la fiscalité stricto sensu mais en réalité s'il y a un quotient familial, c'est qu'il existe une politique familiale ancienne dans notre pays. Les avantages fiscaux pour les territoires ultramarins renvoient eux aussi à une politique de soutien ancienne, à laquelle s'attachent de grands enjeux économiques. Il en va de même pour l'environnement et le logement.

J'en viens au prix du temps. Le taux d'intérêt de retard était auparavant différent suivant que l'État était débiteur ou créditeur puis il a été décidé d'unifier les taux, peut-être dans une logique de confiance assez proche de celle qui vous occupe aujourd'hui, si vous me permettez un tel carambolage temporel. Depuis le mois de novembre dernier, un taux réduit de moitié, fixé à 2,4 % ; s'applique aux intérêts de retard dus par les contribuables et aux intérêts moratoires dus par l'État. Dans les deux cas, les remboursements sont assez rapides.

Vous avez soulevé une autre difficulté, madame la présidente, en évoquant les factures. La DGFiP acquitte aussi bien celles des collectivités que celles de l'État. Les délais de paiement dépendent non seulement du comptable mais aussi de l'ordonnateur. Il faut par définition que l'administration concernée, qu'il s'agisse de la commune, du département, de la région, déclare le service fait pour que se déclenchent la liquidation et le paiement. Nous suivons de très près les délais de paiement. Selon les indicateurs, ils s'améliorent : ils sont même inférieurs à ce que la loi prescrit. Autrement dit, l'État paie peu d'intérêts moratoires car il paie rapidement. Il s'agit bien sûr de moyennes – je ne suis pas en train de dire que nous sommes dans un monde idéal où tout est parfait, il y a des accidents et des différences selon qu'il s'agit d'établissements hospitaliers ou de collectivités territoriales.

Pour être tout à fait complet, j'ajouterai qu'il n'y a pas de mécanismes de compensation entre les impôts et les factures même si notre administration est compétente dans ces deux domaines. La loi ne permet pas qu'une entité qui devrait acquitter un impôt auprès de l'État puisse le voir alléger des sommes que l'État lui doit au titre de telle ou telle prestation.

Vous avez aussi appelé mon attention sur les contrôles fiscaux menés dans les entreprises créées depuis moins de trois ans, question intéressante qui nous place au coeur des difficultés de compréhension entre l'administration fiscale et les entreprises. Pour caricaturer, je dirai que les responsables d'une entreprise contrôlée au bout de six ans nous reprocheront de ne pas leur avoir signalé avant les imperfections et les erreurs que nous avons mises au jour quand ceux d'une entreprise contrôlée au bout de trois ans nous opposeront qu'ils ont autre chose à faire et qu'il faudrait intervenir plus tard. Rien n'est simple !

Les remboursements de crédits de TVA sont un sujet à part. Des dizaines de milliards d'euros sont en jeu chaque année et nous sommes forcément attentifs aux fraudes. Ces remboursements peuvent en effet aboutir pour l'État à des décaissements nets, autrement dit à faire sortir du bon argent budgétaire.

C'est une bonne illustration du fait qu'en matière de contrôle fiscal, il n'y a pas de règle absolue. Décider de ne contrôler aucune entreprise ayant moins de x années serait contre-performant. Cela reviendrait à donner un blanc-seing qui entraînerait du laxisme. Je ne dis pas que le contrôle fiscal est une pure joie mais il contribue à l'application de la loi. Sur les trois millions d'entreprises que compte notre pays, nous en contrôlons moins de 50 000 chaque année et nous nous concentrons sur les plus grosses. L'une des difficultés de compréhension les plus récurrentes que nous avons avec les entreprises, c'est qu'elles trouvent injuste que nous les sanctionnions pour des fautes qu'elles n'auraient pas commises si nous les avions portées à leur connaissance avant. Elles nous demandent de passer l'éponge sur le passé mais la loi, bien sûr, ne le permet pas.

Tout cela peut vous paraître « vaseux », mais la relation entre le fonctionnaire des impôts et l'entreprise contrôlée repose beaucoup sur la psychologie, dimension très importante dans la confiance.

S'agissant enfin du rescrit dynamique, nous n'aurons effectivement pas les moyens de répondre à la demande d'accompagnement de toutes les entreprises, monsieur Mazars. Il peut paraître paradoxal que l'on ne puisse pas offrir le même « service » – si j'ose dire – à tout le monde mais on ne peut pas vouloir à la fois que la direction générale des finances publiques rende de l'emploi public, dans des proportions que nulle autre administration ne parvient à atteindre – 35 000 emplois rendus en une quinzaine d'années –, que le contrôle fiscal continue à assurer l'égalité de nos concitoyens et de nos entreprises devant l'impôt – ce qui suppose des moyens humains importants –, et accompagner la totalité des 3 millions d'entreprises. Pour sortir de cette impasse, le Gouvernement propose dans ce texte d'identifier le plus intelligemment possible les vrais enjeux de développement économique. Les spécialistes décrivent très bien les phases les plus cruciales du développement des entreprises, phases au cours desquelles ces dernières sont confrontées à des problèmes qui ne se posaient pas quand elles étaient plus petites et où l'on enregistre en France un taux de mortalité important des entreprises. On vante les ETI allemandes et l'on se plaint en France de ne pas en avoir assez – ce qui, statistiquement, est tout à fait juste. Nous vous proposons donc de « mettre le paquet » sur l'accompagnement des entreprises et de cibler nos actions. Mais vous avez raison : on ne peut pas tout faire.

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