Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 23 janvier 2018 à 15h00
État au service d'une société de confiance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Nous aurons l'occasion d'en discuter en séance publique.

S'agissant du droit à l'erreur, nous avons présenté quelques propositions. Quatre amendements ont malheureusement été déclarés irrecevables : l'un proposait un numéro vert pour les lanceurs d'alerte ; un autre prévoyait que l'État soit l'employeur en dernier ressort – les gens peuvent être dans l'erreur et se voir offrir une deuxième chance ; les deux derniers concernaient la rétroactivité des aides personnalisées au logement – lorsque vous avez oublié de faire la déclaration pour en bénéficier – et l'automaticité du revenu de solidarité active à titre expérimental. Évidemment, l'article 40 de la Constitution nous a été opposé.

Il ne faut pas être naïf sur les comportements de certaines entreprises et de certaines personnes, qui se jouent des règles et sauront encore plus tirer parti de leur absence – les Paradise Papers ou l'affaire Lactalis en sont la preuve.

Poursuivant la libéralisation lancée par les gouvernements précédents, ce projet de loi occulte sciemment la question des moyens, pourtant centrale, dans un objectif de précarisation et de casse des services publics. Comment offrir plus de conseil et de service aux usagers en supprimant 120 000 postes de fonctionnaires ? C'est un beau défi ! Plutôt qu'un défi, en réalité, c'est une casse en règle de l'État.

Sans les moyens nécessaires, l'administration ne pourra ni contrôler ni conseiller. Elle peine déjà le faire dans de nombreux domaines. Les représentants de la CFDT Fonctions publiques ont ainsi déclaré lors de leur audition : « les services publics se voient confier de nouvelles missions par la loi, mais quels moyens l'État mettra-t-il en oeuvre pour les assumer ? Les réformes à moyens constants n'ont jamais donné de résultats probants. »

Les effectifs dédiés au contrôle dans les administrations sont en baisse depuis des années. Monsieur le ministre, vous avez dit votre fierté d'être à la tête d'une grande administration. Or, entre 2007 et 2017, l'administration des finances publiques a perdu 22 000 équivalents temps plein – ETPT – , devenant ainsi un peu moins grande. En 2018, le nombre d'ETPT baissera de 1 613. Il faudra conseiller davantage, être plus présent auprès des entreprises avec moins de moyens, et moins de personnes. Je ne sais pas comment vous comptez résoudre cette équation.

Il s'agit d'un projet déséquilibré à l'avantage des grandes entreprises et des riches. Le groupe La France insoumise n'est pas le seul à le noter. En effet, le Conseil d'État a souligné le risque d'effet d'aubaine pour les grandes entreprises et les riches qui disposent, eux, de conseils juridiques.

Jacques Toubon, lors de son audition, s'est interrogé en ces termes : « Ne contribuez-vous pas en fait, à travers ce projet de loi, à un État au service d'une société de croissance plutôt qu'à un État au service d'une société de confiance ? » Je parlerai pour ma part d'une société de croissance au profit de quelques-uns et pas du plus grand nombre.

Ce projet de loi crée très clairement une rupture d'égalité sociale entre les petits et les grands. Finalement, il renforce les inégalités – sans doute l'assumez-vous. Après avoir réduit les droits des salariés, vous vous apprêtez à autoriser qu'ils soient bafoués sans risque de sanctions s'agissant d'éléments aussi essentiels que la durée maximale de travail, les temps de repos, les salaires minima prévus par la loi et par les conventions collectives. Ce ne sont pas les inspecteurs du travail dont le nombre est en baisse qui pourront résoudre cette équation.

Le texte comporte peu de mesures pour les classes moyennes et populaires. Jacques Toubon, toujours, considère que, « sur les quarante articles du projet, vingt-six, soit 65 %, visent les usagers sous le seul angle de leur activité économique : contribuables, entrepreneurs, employeurs, agriculteurs, associations cultuelles, etc. Ces dispositions ne vont donc bénéficier qu'à certaines catégories d'usagers, dont a priori les plus vulnérables ne font pas partie. »

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