Intervention de Alain Bruneel

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Bruneel, rapporteur :

La commission examine ce matin la proposition de loi relative à la gratuité des transports scolaires. D'autres commissions auraient pu être saisies de ce texte qui a trait aux transports mais il me semble particulièrement utile que ce soit la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation qui ait la tâche de se prononcer sur ses articles. En effet, la question de l'accès à l'école est en réalité au coeur des ambitions de cette proposition de loi : c'est l'égalité des chances qu'il s'agit de favoriser ici.

Vous le savez comme moi, le coût des transports scolaires représente, pour beaucoup de familles, un budget significatif. Lorsque la gratuité du transport n'est pas assurée, c'est un sacrifice financier non négligeable qui est exigé des familles, et qui n'est pas sans conséquence sur le déroulement de la scolarité de leurs enfants, comme sur leurs choix d'orientation. Je pense notamment aux lycées professionnels qui sont généralement éloignés des domiciles des élèves, et qui entraînent de ce fait des coûts supplémentaires, notamment l'internat et le transport, qui peuvent faire échec à un projet scolaire et professionnel.

C'est donc l'égal accès au service public de l'éducation qui est ici en jeu. L'école est gratuite, de la maternelle à la classe préparatoire, et nous considérons tous cela comme un acquis social. Mais nous pouvons encore aller plus loin, dans le prolongement du Préambule de la Constitution de 1946, et assurer la traduction concrète du principe de gratuité en l'appliquant aux transports scolaires. Permettre à chaque enfant d'accéder à son lieu d'enseignement, au moins jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge où la scolarisation n'est plus obligatoire, cela revient presque, de mon point de vue, à combler un vide juridique. Bien sûr, les apprentis doivent être également concernés par cette mesure.

Il est évident que cette proposition de loi n'a pas vocation à régler, dans le détail, les contours de cette gratuité. Nous pouvons toutefois débattre de certains points qu'il faudra trancher au niveau réglementaire ou local. À partir de quelle distance entre le domicile et l'école peut-on bénéficier du transport scolaire gratuit ? Une contribution minimale doit-elle être exigée des familles ? Faut-il intégrer le quotient familial à l'équation ? La proposition de loi reste ouverte sur ces différents points, et a pour vocation première d'ériger la gratuité en principe.

Du reste, il me semble que la loi NOTRe a renforcé la nécessité d'une telle évolution législative. En effet, depuis le 1er septembre 2017, la compétence en matière de transports scolaires a été transférée des départements aux régions. Ce sont ainsi 2,1 millions d'élèves qui sont transportés chaque année par les régions en dehors de l'Ile-de-France, et environ 4 millions au total. Pour autant, les tarifs qui leur sont appliqués sont extrêmement variables, y compris au sein d'une même région.

Les régions ont certes hérité en grande partie des politiques départementales dans ce domaine, mais il importe aujourd'hui de les pousser à harmoniser, dans leur territoire, le coût et la qualité des transports scolaires qui relèvent de leur compétence. En Occitanie, par exemple, les transports scolaires sont gratuits dans le Lot ou en Haute-Garonne, mais coûtent jusqu'à 220 euros dans le Gard. Une telle situation ne me paraît pas acceptable dès lors que la compétence a été unifiée au niveau régional.

Comment sortir de cette incohérence territoriale autrement que par le haut, en rendant les transports scolaires gratuits dans l'ensemble du territoire ? Il faut profiter de la convergence territoriale que les régions vont bientôt s'attacher à rechercher pour assurer la gratuité, comme l'a fait la région Centre-Val-de-Loire.

Bien sûr, une fois que l'on a fait ce choix, la question du financement d'une telle mesure se pose. Les transports scolaires coûtent entre 600 et 1 100 euros par enfant et par an aux régions. Les rendre gratuits aura, dans certains territoires, des conséquences financières importantes, d'autant que la TVA ne pourra plus être récupérée sur un service qui sera devenu gratuit. La perte est donc double pour les collectivités qui font aujourd'hui le choix de la gratuité totale : elles perdent à la fois des recettes et de la TVA.

L'article 3 de la proposition de loi offre une première piste pour compenser les effets de la gratuité des transports scolaires. Il généralise le versement destiné au transport sur l'ensemble du territoire et crée une part régionale spécifiquement affectée au financement des transports régionaux. Cette ressource dynamique, qui n'est pas sans lien avec la démographie du territoire, est d'ores et déjà affectée au financement des transports, y compris au niveau régional en Île-de-France ; c'est pourquoi il nous a paru judicieux de l'étendre à l'ensemble des régions.

La question de la TVA se pose également avec une certaine acuité, et j'interpellerai le Gouvernement en séance à ce sujet. Vous le savez, les services fiscaux considèrent aujourd'hui que l'on ne peut pas récupérer la TVA sur une activité de transports scolaires lorsque la participation des usagers est inférieure à 10 % du coût de revient. En dessous de ce seuil, ils estiment que le service n'est pas rendu à titre réellement onéreux, du fait de la déconnexion entre la contribution de l'usager et la contrepartie reçue. Beaucoup d'acteurs demandent à ce que ce seuil soit abaissé à 5 % car, pour un transport qui coûte environ 800 à 1 000 euros par an et par enfant, 80 ou 100 euros représentent encore une somme trop importante à la charge des familles. Je déposerai donc un amendement en ce sens d'ici la séance publique.

Mes chers collègues, je me réjouis du débat que nous allons avoir sur les objectifs de cette proposition de loi comme sur les moyens proposés pour les atteindre. Nous souhaitons avant toute chose ouvrir des pistes sur un sujet important, et j'ai la conviction que la proposition, dans les buts qu'elle poursuit, ne pourra que trouver un écho favorable auprès des membres de cette commission.

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