Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du jeudi 22 février 2018 à 9h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) :

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d'abord de nous avoir invités à être auditionnés par cette commission ; c'est un devoir et un honneur de vous rendre compte de nos activités et de répondre à vos questions.

Je suis accompagné par le président du conseil d'administration de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), M. Laurent Moché, qui a pris par intérim la succession de Mme Dominique Le Guludec, nommée présidente de la Haute Autorité de santé (HAS), par M. Georges-Henri Mouton, directeur général adjoint, chargé des missions relevant de la défense, qui interviendra avec moi, et par Mme Audrey Lebeau-Livé qui suit les relations avec le Parlement.

Avant de revenir rapidement sur les missions et les priorités de l'IRSN comme vous m'y invitez, je voulais vous rappeler qu'à la création de l'Institut, le Parlement et le Gouvernement ont souhaité que, pour des raisons liées à la sensibilité de la matière traitée, des dispositions spécifiques soient prises pour la mise en oeuvre des missions de l'IRSN relevant de la défense et la sécurité. Comme le prévoit le décret de création de l'Institut, et dans ce cadre-là, en particulier, le directeur général de l'IRSN est donc assisté par un directeur général adjoint, poste aujourd'hui occupé par M. Mouton. Ce directeur général adjoint, nommé par décret pris sur rapport des ministres de la défense et de l'énergie, est chargé de mettre en oeuvre les missions de l'établissement dans les domaines de la défense et de la sécurité. C'est donc M. Mouton qui vous répondra sur ces questions.

Comme vous l'avez rappelé, l'IRSN est l'expert public du risque radiologique et nucléaire. C'est un établissement public doté de cinq tutelles : environnement, défense, énergie, recherche et santé ; vous comprendrez pourquoi en m'écoutant. C'est un organisme qui rassemble 1 800 personnes et qui traite de sûreté nucléaire, ce qui inclut la prévention des accidents nucléaires et la limitation de leurs conséquences, au cas où ils se produiraient néanmoins ; la sécurité nucléaire, c'est-à-dire tout ce qui a trait à la prévention des actes de malveillance ; la radioprotection, c'est-à-dire la protection des personnes –travailleurs, public ou patients – contre les usages des rayonnements ionisants. En effet, si on a tendance, en matière de risque nucléaire, à ne considérer que les grosses installations, au premier rang desquelles les réacteurs d'EDF, le champ d'intervention de l'Institut couvre également les rayonnements ionisants dans le domaine médical et leurs conséquences sur les soignants ou les patients.

Nous assurons, comme vous l'avez également mentionné, deux missions essentielles. D'abord une activité d'expertise au profit des autorités, qui consiste à mobiliser les connaissances existantes à l'appui d'une décision. L'IRSN procède donc à une évaluation des risques en toute indépendance par rapport à l'autorité, qui, en fonction de ses conclusions, prendra sa décision : c'est un schéma assez proche de celui des agences sanitaires, dans lequel les fonctions d'évaluation et de décision sont très nettement séparées. Cette séparation, voulue par le législateur, a été confirmée par la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte.

Les autorités pour lesquelles nous rendons des avis sont l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l'Autorité de sûreté nucléaire défense (ASND), le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère de la transition écologique et solidaire, ainsi que toutes les institutions ayant à traiter du risque radiologique ou nucléaire. Ainsi, le ministre de l'environnement peut-il nous interroger sur des sites pollués par la radioactivité, le ministère de la santé se tourner vers nous pour certaines questions d'ordre médical, le ministère de l'intérieur pour ce qui a trait à la gestion de crise ; je pourrais également citer le ministère du travail ou le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), bref : toute institution qui a à connaître de sujets concernant la radioactivité.

Nous rendons un peu plus de huit cents avis par an, la majeure partie – à peu près cinq cents – au profit de l'ASN, une centaine pour l'ASND et une centaine pour le haut fonctionnaire de défense et de sécurité.

Cette mission d'expertise se complète d'un accompagnement des inspections. Nous n'avons évidemment pas compétence pour mener des inspections mais avons la faculté d'accompagner les inspecteurs, à qui nous apportons notre connaissance de ce que sont les installations et des risques potentiels. Nous disposons également d'un centre de crise, permettant de pratiquer l'expertise en temps réel, soit dans le cadre d'exercices, soit lorsque survient une crise du type de l'accident de Fukushima.

J'ajouterai à cette mission d'expertise, la surveillance de l'environnement, directement confiée à l'IRSN par la loi et le règlement : nous gérons ainsi un réseau de balises ou d'instruments de mesure de la radioactivité, grâce auquel nous avons notamment pu mesurer, fin septembre début octobre, la pollution au ruthénium, dont il a beaucoup été question.

Nous avons également pour mission de surveiller l'ensemble des doses radioactives reçues par les 370 000 travailleurs exposés à la radioactivité, employés pour la plupart dans le secteur médical. La réglementation oblige ces travailleurs à être surveillés. Les doses qu'ils reçoivent sont enregistrées dans une grande base de données, dont nous avons la responsabilité. Chaque année, nous produisons un rapport sur le bilan des doses reçues.

Nous avons enfin la responsabilité du suivi des sources radioactives au titre de la protection contre les rayonnements ionisants.

En ce qui concerne les enjeux en terme de sûreté nucléaire, ils concernent notamment la prolongation de l'exploitation des réacteurs au-delà de quarante ans, la mise en service d'installations comme le réacteur européen pressurisé – European Pressurized Reactor (EPR) – ou le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), ou encore les démantèlements en perspective.

La seconde activité importante de l'Institut est la recherche, dont la vocation est avant tout d'alimenter notre expertise, laquelle doit être la meilleure possible, sachant que si la recherche alimente l'expertise, l'inverse est également vrai.

Quelque 40 % du budget de l'IRSN sont consacrés à la recherche, ce qui nous permet d'attirer les profils de haut niveau dont nous avons besoin. Pour l'essentiel, nos travaux de recherche se font en partenariat avec d'autres institutions en France, en Europe ou dans le monde : avec des homologues étrangers ou des Technical Safety Organizations, dont la plupart des pays sont désormais dotés ; avec les organismes de recherche comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), avec lequel nous avons amorcé un rapprochement, en particulier sur le site que nous partageons à Fontenay-aux-Roses, où nous animons un laboratoire de radiobiologie ; avec enfin les laboratoires académiques et les industriels, qui doivent être parties prenantes de cette recherche, sachant que, dans ce dernier cas des précautions déontologiques sont nécessaires pour que cette collaboration n'interfère pas avec notre expertise. Nous travaillons activement à renforcer ces partenariats au niveau national et international, notamment autour des plateformes techniques dont dispose l'IRSN, certaines de ces plateformes étant récentes et donc particulièrement intéressantes pour la recherche des années à venir.

À titre d'exemple de nos travaux de recherche, nous travaillons actuellement sur un programme destiné à étudier le comportement accidentel du combustible nucléaire. Nous avons donc élaboré un réacteur, baptisé Cabri, sur lequel, dans quelques semaines, nous allons simuler un accident pour observer le comportement du combustible. Les données que nous récupérerons iront alimenter des codes qui nous permettront d'affiner notre expertise.

J'insisterai enfin sur le souci d'ouverture qui nous anime, dans le respect, naturellement, des règles de confidentialité qu'exigent certains sujets. C'est dans cette optique que nous dialoguons notamment avec l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI) et les experts non institutionnels. Ces dialogues ont notamment eu lieu lorsque se posait la question de la prolongation d'un réacteur au-delà de quarante ans, à propos de la cuve de l'EPR ou à propos de Cigéo. Dans ce dernier cas, la démarche a été assez novatrice puisque le dialogue a eu lieu en cours d'expertise.

Cette démarche d'ouverture à la société s'applique évidemment à l'expertise, mais elle s'applique également à la recherche, grâce à une structure très originale dont l'IRSN est l'un des rares établissements, avec l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), à disposer : il s'agit du Comité d'orientation des recherches (COR), qui rassemble des élus, des associations, des industriels et des institutionnels en vue de réfléchir sur les enjeux sociétaux liés à la recherche.

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