Intervention de Pierre Mongin

Réunion du jeudi 8 mars 2018 à 14h30
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Pierre Mongin, directeur général adjoint du groupe Engie :

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je suis accompagné de M. Philippe Van Troeye, le patron des opérations du groupe Engie au Benelux, de M. Thierry Saegeman, directeur des activités nucléaires en Belgique et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles du groupe Engie. Nous vous remercions de l'attention que vous portez aux activités de cette grande entreprise française, qui se trouve avoir des responsabilités d'opérateur nucléaire en Belgique.

Electrabel gère en effet un parc de sept réacteurs nucléaires, tous en activité, quatre sur le site de Doel, à la frontière néerlandaise, dans l'estuaire de l'Escaut, et trois à Tihange, en Wallonie, sur la Meuse. Ces deux sites réunissent à eux seuls l'équivalent de 6 gigawatts de capacité de production électrique et couvrent plus de 50 % de la production d'électricité consommée en Belgique.

Les premières décisions de construction remontent à 1968 ; Doel 1 et Doel 2 ont été mises en service en 1975, juste avant Thiange 1. Pour ces trois unités de plus de 40 ans, le groupe Engie a signé un accord il y a deux ans avec le Premier ministre, permettant de prolonger leur exploitation de dix ans en contrepartie de la réalisation de travaux très importants, à hauteur de 1,3 milliard d'euros.

Les puissances additionnées de Doel 1 et de Doel 2 atteignent 500 mégawatts - ce que l'on appelle communément une tranche nucléaire. Les autres réacteurs ont été mis en service entre 1982 et 1985, pour Doel 4 et Tihange 3. Ils appartiennent à la deuxième génération.

Jusqu'à présent, ces installations ont donné entière satisfaction. Elles n'ont connu aucun incident sérieux. Elles ont fonctionné continûment, avec un taux de disponibilité très élevé – parmi les meilleurs en Europe. Enfin, elles ont répondu à leur mission, fournir de l'électricité à des conditions de prix très favorables.

Il n'existe, en Belgique, aucune régulation de l'électricité. Nous évoluons dans un univers totalement libéral ; les tarifs réglementés ont disparu, tout comme le monopole historique d'Electrabel, qui avait pour mission de produire et de vendre l'électricité aux industriels et aux particuliers.

Le groupe affronte cependant un contexte général difficile, celui de la baisse des prix. Nous sommes au coeur de la « plaque de cuivre » européenne de l'électricité et devons faire face à la concurrence de la production électrique issue des énergies fossiles, massive dans une partie de l'Europe, notamment en Allemagne. En outre, le niveau élevé de subventionnement des énergies renouvelables – qui se développent bien en Belgique, quoique trop lentement au goût d'Engie, champion dans ce domaine – contribue à l'affaissement des prix.

Le lien entre le prix de marché et l'avenir de la production électrique nucléaire est une question délicate. En tout état de cause, nous ne pouvons nous engager dans des investissements de longue durée qu'en contrepartie d'un environnement régulatoire plus stable.

Il faut rappeler qu'Electrabel n'assure plus les missions de transport et de distribution de l'électricité. Après avoir cédé ces activités, Electrabel est devenue Pure player en production électrique.

La sûreté de nos installations, au coeur de vos interrogations, est contrôlée par une autorité de régulation et de surveillance, l'Agence fédérale de la sécurité nucléaire – AFCN. Elle a été créée en 1994, trois ans après la loi Bataille en France et la naissance de la Direction de la sûreté des installations nucléaires, qui deviendra en 2006 l'Autorité de sûreté nucléaire – ASN. Il se trouve qu'occupant alors quelque responsabilité à Matignon, j'ai suivi la modernisation de cette autorité.

En Belgique, l'AFCN a des compétences beaucoup plus larges que l'ASN ; il est raisonnable de concentrer ainsi les moyens dans un pays qui ne compte que sept réacteurs, sachant que la compétence nucléaire est rare, et qu'elle se cultive au fil de l'expérience.

J'ai coutume de dire à mes équipes que l'AFCN a pouvoir de vie et de mort sur nos activités. C'est une bonne chose, et la garantie que nous sommes protégés au mieux. Exigeante, l'agence a suivi pas à pas les évolutions qui ont permis le prolongement de dix ans des centrales, imposant, après la survenue de l'accident de Fukushima, des conditions du meilleur niveau aux standards internationaux.

Electrabel emploie 2 000 personnes sur les sites et on dénombre environ 4 000 emplois indirects. À l'échelle de la Belgique, il s'agit d'une activité industrielle très importante, où les employés occupent des postes hautement qualifiés et jouent un rôle important dans l'environnement économique.

Les prix de marché de l'électricité, un peu bas par rapport aux investissements, sont très compétitifs pour l'industrie belge. La centrale de Doel se trouve au milieu de la zone industrielle portuaire d'Anvers, avec ses énormes complexes pétrochimiques et chimiques et différentes industries manufacturières. Disposer d'une source d'électricité régulière, sûre, et stable à un prix extrêmement compétitif est très important pour la Belgique.

Enfin, élément très mal valorisé en Europe aujourd'hui, l'électricité produite par ces centrales permet d'économiser les émissions de CO2. Engie se positionne pour obtenir une meilleure valorisation des coûts évités ou générés en matière de carbone, alors que le marché du carbone demeure très déprimé, compte tenu des allocations trop larges décidées par l'Europe. Ce n'est pas un élément assez discriminant dans la préséance économique, le merit order, l'ordre dans lequel on appelle les différents moyens de production, au fur et à mesure, en fonction de leurs coûts marginaux croissants. Il est certain que la non-émission de carbone, un élément très important lorsqu'il s'agit, par exemple, de comparer l'industrie avec celle du charbon allemand, n'est pas du tout – ou si peu – valorisée dans les choix collectifs. Nous le déplorons et espérons que les choses s'inverseront d'ici à quelques années.

Tel est le tableau de cette activité, très significative en Belgique. Le groupe Engie est fier d'être responsable, avec nos collègues belges, de la gestion de ces unités.

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