Intervention de Sébastien Jumel

Réunion du mardi 3 avril 2018 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine partage l'idée que cette réforme est adossée à une vision idéologique, qui consiste à épouser avec béatitude et enthousiasme les projets de Mme Thatcher, comme si une telle politique n'avait pas produit dans d'autres pays les conséquences que l'on sait.

Pour justifier cette approche idéologique, vous avez posé un diagnostic reposant sur des fakes news. La situation s'aggraverait de jour en jour à la SNCF et coûterait de plus en plus cher. Or, la SNCF a réalisé un chiffre d'affaires de 33,5 milliards d'euros en 2017 et un bénéfice net de 679 millions, soit trois fois plus qu'en 2016. La dette de la SNCF, nous dit-on – les ministères le répètent sans cesse sur les ondes –, augmenterait de 5 000 euros par minute. Cela revient à oublier les décisions prises par l'État, par exemple lorsque M. François Fillon a annoncé la réalisation de 2 000 kilomètres supplémentaires de TGV : on a creusé la dette de la SNCF en prévoyant des investissements non adossés à des financements. Autres fake news, on nous dit que le contribuable paie cher pour la SNCF – cela ne tient pas la route lorsque l'on regarde les investissements réalisés chez nos voisins européens – et on nous explique que le nombre de cheminots est trop élevé, ce qui coûterait cher à la SNCF, outre la question du statut. On compte pourtant 5 salariés pour 100 kilomètres de lignes en France, contre 6 en Allemagne – la compétitivité n'est pas de ce côté-là !

Sur la base de ce faux diagnostic, vous présentez l'ouverture à la concurrence comme l'alpha et l'oméga pour résoudre les maux de la SNCF. Vous oubliez de dire quels sont les problèmes : le sous-investissement, qui est notoire, la mise en miette de l'unicité de la SNCF et la désorganisation causée par les différentes mesures libérales que les sociolibéraux que vous êtes soutiennent depuis des décennies. Non, la SNCF ne saigne pas le contribuable. Non, elle n'a pas vocation à être inefficace en raison de son statut. Non, le statut des cheminots ne ruine pas la SNCF. Il y a aussi l'exemple de l'ouverture du fret à la concurrence, dont j'aimerais bien que l'on évalue le coût. On compte 45 000 décès prématurés liés aux émissions de gaz à effet de serre par an et 650 000 arrêts de travail liés à la pollution dans nos villes. En quinze ans, le nombre de camions a augmenté de 39 % à cause de l'abandon de la politique du fret. Il n'y a que 3 % de fret ferroviaire dans nos ports, notamment au Havre – je cite cet exemple parce vous êtes normand, Monsieur le rapporteur, ou du moins apparemment… – contre 30 % à Hambourg. L'ouverture à la concurrence du fret démontre que votre approche idéologique ne fonctionne pas.

Vous essayez de présenter les défenseurs du service public comme des partisans du statu quo. Nous allons tenter de montrer avec nos amendements à quel point ce n'est pas le cas : nous partageons avec les usagers du train l'idée qu'une telle galère au quotidien ne peut pas durer. La perte des savoir-faire a contribué à dégrader le service public ferroviaire et l'abandon des gares de triage, comme celle de Sotteville en Normandie, a contribué à la dégradation du service public. Nous allons proposer des solutions pour préserver nos lignes de vie, pour renforcer l'unicité de la SNCF, pour la désendetter et pour financer des investissements – je pense notamment à la mise à contribution des produits pétroliers et à l'élargissement du versement transport. Voilà autant d'amendements démontrant que l'on peut être attaché au service public sans être en faveur du statu quo pour ce qui va mal – c'est-à-dire ce qui résulte de vos politiques libérales.

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