Intervention de Daniel Fasquelle

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 10h40
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Au nom du groupe Les Républicains, je remercie à mon tour les administrateurs, dont le travail de très grande qualité a permis l'élaboration d'un rapport intéressant et bien écrit, dont je suis certain qu'il sera utile. Mais je m'étonne que ce document, dans ses grandes lignes, ait été diffusé dans la presse alors même que nous siégeons ce matin pour l'examiner. Nous devons tirer de ce manque de respect envers les membres de la commission d'enquête les enseignements nécessaires.

Le groupe approuve la philosophie générale du rapport, selon laquelle la présence de l'État est nécessaire quand il est question de la politique de la concurrence et de la politique industrielle. Lorsqu'est en jeu une infrastructure essentielle, on ne peut tout confier au marché : l'intervention de l'État est indispensable dans certains secteurs stratégiques. On le voit actuellement dans les débats relatifs à la SNCF et cela vaut ailleurs aussi. Nous ne devons pas pécher par naïveté mais savoir nous défendre. Cela suppose une politique industrielle en France et donc un État stratège, et aussi une politique industrielle européenne – laquelle doit être créée avant que l'on songe à la renforcer, puisqu'en l'état, elle n'existe pas.

Les propositions d'amélioration formulées pointent en creux les faiblesses du passé qu'ont été le manque de transparence et le manque de contrôle, ce que nous n'avons cessé de dire au long de nos débats, et déjà les années précédentes, notamment dans le dossier Alstom. Le groupe Les Républicains votera donc le rapport, dont il approuve la philosophie générale, les conclusions et ce qu'il laisse entendre – mais la contribution du groupe, factuelle, précise et argumentée, portera sur ce que le rapport ne dit pas !

Existait-il une solution alternative à celle qui a été retenue ? Oui. Nous démontrons que l'on aurait pu trouver un partenaire qui, ayant racheté les actions détenues par Bouygues, serait devenu l'acteur stratégique grâce auquel on aurait pu préserver ce fleuron de l'industrie française, le point d'appui permettant de construire ensuite des partenariats français ou européens. C'était possible, et j'ai toujours reproché au Gouvernement d'avoir été acculé, faute d'avoir anticipé, alors que la caractéristique d'un État stratège est précisément la capacité d'intervenir suffisamment en amont pour éviter que certaines situations ne se créent donc ne pas se trouver pris dans une nasse, incapable de trouver les bonnes solutions.

Nous traitons également des pressions de la justice américaine. M. Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, avait reconnu, en réponse à une question que je lui avais posée, avoir été très troublé par l'enchaînement des faits. Nous mettons l'accent dans notre contribution sur les contradictions apparues dans certaines déclarations – celles de M. Kron notamment – faites devant la commission d'enquête, pourtant toutes sous serment. Nous avons dans notre contribution la liste des entreprises étrangères que General Electric a rachetées à la suite de procédures lancées par des juridictions américaines. Vous y lirez encore le rôle joué par les services de renseignement américains, et aussi que des informations étaient déjà parues dans un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2012. Tout cela est très troublant. Je n'ai aucune appétence pour les thèses complotistes, mais nous ne devons pas être naïfs et les faits doivent être relevés.

Nous soulignons enfin l'invraisemblable campagne de communication lancée pour faire croire aux Français que l'on sauvait l'entreprise Alstom alors qu'on la bradait. On expliquait à cor et à cri combien l'opération était formidable : grâce à l'État, on allait créer des co-entreprises, préserver Alstom Énergie et surtout Alstom Transport pour très longtemps. La solution retenue était la seule, proclamait-on, qui permettait de sauver Alstom Transport. Le résultat réel de cette manoeuvre mirifique est qu'Alstom Énergie a été absorbée par General Electric et Alstom Transport par Siemens, avec pour résultat la disparition d'un fleuron français d'importance stratégique.

La seule question qui vaille est celle-ci : dans le dossier Alstom et dans les autres dossiers évoqués, l'État – Élysée, conseillers de la présidence de la République, ministres successifs – a-t-il ou non protégé les intérêts nationaux dans les domaines stratégiques de l'énergie, du transport et du nucléaire où la France, leader mondial, a développé un formidable savoir-faire ? Pour notre groupe, la réponse est « non ». M. le rapporteur a exposé une vision comptable de ce dossier. Mon approche, plus politique, me conduit à considérer qu'il y a eu un très regrettable fiasco, et je suis malheureux que l'État n'ait pas été capable de protéger ce fleuron industriel. Nous risquons d'en payer le prix très longtemps.

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