Intervention de Denis Sommer

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 10h40
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Sommer :

Je remercie à mon tour le président, le rapporteur et l'équipe qui nous a accompagnés. Ma première remarque porte sur l'état d'esprit qui a prévalu au sein de la commission d'enquête. Mon expérience de député est récente, mais j'ai un peu d'expérience professionnelle par ailleurs et j'ai été surpris par le ton parfois violent et parfois irrespectueux employé à l'égard de certaines des personnes auditionnées. J'ai eu le sentiment que certaines questions servaient un scénario pré-écrit qu'il fallait essayer de démontrer à tout prix ! Ces pratiques me mettent mal à l'aise. Je ne suis pas particulièrement naïf, j'ai été responsable syndical pendant de longues années, et dans cette fonction on m'a appris à respecter les gens que nous invitions à venir nous rencontrer. Au-delà des responsabilités exercées, ceux que nous avons reçus sont des êtres humains ; les considérer a priori comme des coupables et les traiter comme tels est injuste et souvent inconvenant. En bref, il m'a paru parfois que le scénario pré-écrit par quelques-uns a pris le pas, en entraînant une manière de questionner qui aurait pu être plus mesurée et plus objective.

Sur le fond, mes relations avec les chefs d'entreprise, depuis de très longues années, m'ont appris que l'entreprise ne fonctionne qu'avec la confiance. Et pour qu'il y ait confiance, les chefs d'entreprise souhaitent que les responsables politiques mettent un terme à leurs querelles permanentes : l'essentiel, disent-ils, c'est l'avenir de nos entreprises et, au-delà des alternances démocratiques, nous devons pouvoir compter sur une vision partagée par le plus grand nombre. Prenons donc garde à ne pas tomber dans des excès, dans un sens ou dans l'autre. L'industrie représente maintenant 11 % du PIB, alors que sa part était supérieure à 20 % il n'y a pas si longtemps ; c'est une responsabilité collective donc largement partagée. Les résultats enregistrés en 2017 tiennent vraisemblablement à la confiance retrouvée et aux premières décisions prises par cette majorité. Mais des mesures telles que le Pacte de responsabilité et la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), prises au cours du précédent mandat, ont aussi porté leurs fruits. L'enjeu, considérable, était de permettre aux entreprises de reconstituer des marges largement perdues entre 2007 et 2012 pour pouvoir investir ; nous avons l'ambition de pérenniser le CICE.

S'agissant du rapprochement entre Alstom et General Electric, il ne faut pas réécrire l'histoire. J'ai sous les yeux un communiqué signé en 2014 par Damien Meslot, alors député de Belfort, Cédric Perrin, sénateur, et Florian Bouquet, président du conseil général du Territoire de Belfort, dans lequel ils rappellent avoir soutenu depuis le début la candidature de General Electric, disant qu'elle est synonyme d'avenir pour Belfort et son territoire. Aux côtés de Jean-Pierre Chevènement, qui soulignait la complémentarité entre General Electric et Alstom, Damien Meslot réaffirmait être favorable sans réserve à l'offre de General Electric, expliquant que Belfort allait devenir un pôle d'excellence mondiale en matière d'énergie.

Ce qui compte, pour la suite, c'est le respect des engagements pris par General Electric. Les organisations syndicales que nous avons entendues ne cherchaient pas à réécrire l'histoire. Chacun en a écrit une partie, à un moment donné, quand il fallait faire des choix qui n'étaient pas aussi larges qu'on veut bien le dire : certes, les actions Bouygues étaient cessibles, mais les « clients » ne se sont pas précipités pour les acheter. La question fondamentale, c'est le respect des engagements pris. J'étais à Belfort lorsque, après le rachat, nous avons reçu Jeff Immelt, le patron de General Electric à cette époque, et l'une de ses phrases est restée dans la mémoire de tous : « On va bien s'amuser ensemble », a-t-il dit aux salariés. C'était la conclusion d'un discours qui traduisait la vision d'une grande politique industrielle, très largement soutenue et qui a créé de la confiance. Mais nous avons à faire à un groupe international, et la tradition, aux États-Unis, est que le niveau de rémunération du capital investi peut être extrêmement élevé. Nous sommes à la merci d'un changement de direction du groupe, et c'est là qu'est la vraie difficulté future. Aussi les organisations syndicales incitent-elles à se préserver et à préparer l'avenir, parce que la stratégie de General Electric peut changer radicalement, ce qui peut avoir une forte incidence à Belfort. Nous devons nous rassembler. La nécessité vitale de relancer notre industrie a été soulignée, et parce que cela concerne l'État dans son ensemble, les organisations syndicales et toute la représentation nationale devront être aux côtés du Gouvernement pour défendre une politique industrielle ambitieuse portée par General Electric dans notre pays.

Enfin, nous avons besoin d'une politique industrielle européenne, on le constate chaque jour. Cela est particulièrement sensible en matière d'énergie : les réseaux sont interconnectés et le seront toujours davantage. Produire de l'énergie verte ne signifie pas la même chose au Portugal, en Espagne ou en Autriche. Nous avons donc besoin d'une politique industrielle européenne en ce domaine, non seulement pour installer des éoliennes mais aussi pour les fabriquer sur nos territoires, et pour cela nous avons besoin d'acteurs comme General Electric et comme Siemens, à condition, évidemment, de maintenir des bases industrielles compétitives sur nos territoires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.