Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 10 avril 2018 à 16h15
Commission des affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

La première et la dernière question portent sur la simplification du plan de formation qui devient le plan de développement des compétences. Le plan de formation actuel comporte quatre catégories et il est devenu un exercice très administratif dans les entreprises. En fait, ceux qui connaissent le monde de l'entreprise voient bien que les sujets se sont rejoints au fil du temps. Le système avait du sens au moment où il a été créé mais il n'en a plus beaucoup à présent. Sacrifier les catégories du plan va, au contraire, permettre le dialogue social.

Nous voulons simplifier la définition de l'action de formation. Actuellement, il existe des définitions différentes qui obligent à faire entrer les actions dans des cases, ce qui contribue à bloquer l'innovation. Notre pays est l'un de ceux qui ont le moins développé des systèmes hybrides où les formations peuvent être dispensées en partie à distance, comportent des phases très pratiques et d'autres plus théoriques. Nous devons faciliter ces innovations.

Qu'en est-il de la proximité des opérateurs de compétences ? La proximité est l'un des critères de leur agrément. L'État, les régions et les partenaires sociaux veilleront à un maillage très fin du territoire. Pour être efficace, ce service doit être de proximité. Cette réforme va donc simplifier le système, mais aussi apporter un soutien aux salariés et aux TPE et PME sur lesquelles portait la première question.

Nous allons instaurer une mutualisation des moyens qui vont aller des grandes vers les petites entreprises. Toutes les entreprises vont cotiser pour constituer une dotation qui sera affectée aux entreprises de moins de cinquante salariés. Compte tenu de la mutation des métiers, nous craignons en effet que de très nombreuses PME ne parviennent pas à prendre le virage et ne se trouvent en grande difficulté, au risque de menacer leur activité et leurs emplois. Il est donc essentiel d'anticiper. Une entreprise ne se développe pas dans un désert ; elle fait partie d'un écosystème constitué de fournisseurs et de distributeurs de proximité. C'est la raison pour laquelle nous allons demander à toutes les entreprises d'aider les plus petites d'entre elles.

Dans la liste des choses dont vous pourriez être choqués, j'aurais pu ajouter le fait que la mutualisation fonctionne actuellement à l'envers : les grandes entreprises récupèrent en moyenne plus d'argent qu'elles n'en ont mis dans les OPCA alors que c'est l'inverse pour les petites entreprises. Dans ce système de mutualisation un peu aberrant, des petites entreprises payent pour des grandes, sans forcément le savoir. Nous allons faire en sorte que la mutualisation soit à sens unique, des grandes vers les petites entreprises.

À cela, il faut ajouter que les opérateurs de compétences auront plus de temps pour développer un service de proximité auprès des TPE-PME, faire des ingénieries, monter des plans de formation pour une entreprise ou un groupement d'entreprises d'un même secteur ou d'un même bassin d'emploi. Quoi qu'il en soit, l'un des points essentiels est que les salariés des PME aient enfin accès à la formation.

Monsieur Viry, je partage votre intérêt pour l'IAE qui a fait ses preuves auprès de certains publics : les demandeurs d'emploi très peu qualifiés, très éloignés de l'emploi ou pas en mesure de prendre tout de suite le rythme d'un poste de travail à temps plein. L'IAE permet de procéder par étapes. Il est vrai qu'il faut parfois des compléments de formation. Dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences, une enveloppe sera réservée aux compléments pour l'IAE. Pour l'instant, nous n'avons pas prévu d'inscrire des mesures particulières dans la loi, mais je suis prête à y réfléchir : nous avons un grand réseau d'IAE mais le volet des compléments de formation pèche souvent car les OPCA ont tendance à considérer que les personnes concernées ne sont pas prioritaires car elles ne sont pas des salariés comme les autres. Cela va changer. Dans le cas des apprentis, des financements pourront aussi être accordés en fonction du coût contrat de chaque diplôme.

Madame Vainqueur-Christophe et madame Bénin, vous m'avez interrogée sur les outre-mer. Vous avez raison, c'est un sujet très important sur lequel les idées peuvent aussi venir des Assises des outre-mer qui se déroulent en même temps que les autres concertations.

Dans l'avant-projet de loi, il est prévu que les dispositifs puissent être adaptés en fonction des besoins de chaque territoire des outre-mer car entre la Guadeloupe et la Guyane, La Réunion et Saint-Martin, les situations sont assez différentes. Il faut pouvoir adapter certains dispositifs. Le caractère insulaire et éloigné de la métropole de ces territoires crée des contraintes et l'offre est moins mobile. Nous avons prévu d'en tenir compte.

Vous posez, à juste titre, la question de la représentation ou de la représentativité des branches professionnelles. Nous avons commencé à y travailler. Si madame la présidente en est d'accord, je souhaiterais aussi travailler avec les députés qui sont experts de ce sujet, afin de déterminer par avance quelles mesures devront être adaptées. La réforme de l'apprentissage va beaucoup aider au développement de ce type de formation outre-mer car le coût contrat sera garanti, alors que les financements sont actuellement très faibles dans certains territoires. Restera à régler le problème de l'offre et de la qualité des formations.

L'Accord national interprofessionnel, conclu par les partenaires sociaux, a abouti à l'idée de remplacer le FONGECIF par le CPF de transition professionnelle, sorte de complément du CPF. Il faut garder un dispositif – également géré par les partenaires sociaux – pour les formations qui sont trop longues et trop coûteuses pour entrer dans le cadre du CPF. Actuellement, le FONGECIF prend aussi en charge des formations courtes mais refuse un dossier sur deux. À l'avenir, les salariés n'auront plus ce frein pour les formations courtes dont ils pourront décider eux-mêmes. L'enveloppe dédiée aux formations les plus longues sera discutée au niveau territorial.

Nous avons repris une autre bonne idée émise par les partenaires sociaux : cesser d'obliger un salarié à faire toute une formation quand il maîtrise déjà une partie des savoirs dispensés, ce qui est assez décourageant pour lui et coûteux pour le système. Nous devons développer la validation des acquis avant formation afin de personnaliser et de raccourcir le parcours.

En ce qui concerne les montants alloués, j'aimerais insister sur le fait que le plan de développement des compétences est un tout qui peut être alimenté de diverses manières : par le salarié via son CPF, par l'entreprise sous forme d'accord de branche, d'accord collectif ou d'accord individuel avec son salarié. Pour en avoir discuté avec les responsables de la plupart des branches, je ne doute pas qu'ils seront prêts à financer tout ou partie des formations longues, certifiantes, très chères mais nécessaires à la profession. En revanche, ils seront moins intéressés par les formations qui n'ont pas d'utilité économique, qui ne seront pas reconnues ensuite dans l'entreprise et qui ne déboucheront pas sur un emploi.

Il faut que les mentalités changent en même temps que le système. Nous donnons plus de responsabilités et de liberté à l'entreprise mais les salariés et les demandeurs d'emploi peuvent aussi avoir leur avis. Dans un contexte où les métiers évoluent et où les salariés ne passent plus toute leur vie professionnelle dans une même entreprise, il n'est pas possible de s'en tenir au seul plan de formation d'entreprise. Seulement un salarié sur trois accède à une formation qui dure en moyenne trente-cinq heures. Il n'est pas possible de faire une formation longue, certifiante et qualifiante en trente-cinq heures.

Nous allons changer le paysage et les comportements en créant un double droit, l'un pour l'entreprise, l'autre pour le salarié qui aura aussi son mot à dire tout en étant accompagné. Pour décrire l'individualisation, je dirais que l'entreprise et le salarié seront dans le siège du conducteur. Pour le moment, les salariés se plaignent de ne pas avoir leur mot à dire et de devoir attendre qu'on leur propose éventuellement une formation. À l'avenir, l'entreprise et le salarié pourront exprimer leurs besoins. C'est une vision moderne du sujet, fondée sur une logique d'acteur. En adoptant cette démarche nous prendrons une longueur d'avance car elle préviendra beaucoup de ruptures sur le marché du travail. Les nombreux salariés qui ont envie d'évoluer pourront changer de métier et anticiper les mutations au lieu de les attendre passivement.

Monsieur Michels, vous m'avez interrogée sur l'orientation, sujet très important auquel je travaille avec Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal. Nous voulons que les régions puissent développer les échanges entre les établissements scolaires et les entreprises, et généraliser les nombreuses initiatives qui existent déjà, afin que les élèves puissent découvrir concrètement différents métiers par le biais de rencontres et de visites. Les régions pourront s'appuyer sur les directions régionales de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) pour créer des documents en ligne ou des supports papier adaptés au plan territorial. Dans les régions qui le souhaitent, des expériences seront menées pour faire évoluer les relations qu'elles entretiennent avec les services d'orientation.

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