Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du jeudi 15 mars 2018 à 10h05
Commission des affaires européennes

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

En réponse à la question de M. Pont, je confirme que, dès lors que la Grande-Bretagne sort de l'union douanière, objectif annoncé et confirmé par Theresa May, les duty free seraient susceptibles de réapparaître, y compris à Boulogne ; c'est une des conséquences induites par le positionnement britannique.

S'agissant de l'accord passé entre l'Union européenne et le Japon, nous avons des intérêts offensifs, dans la filière du boeuf notamment. Cet accord ouvre également de nouvelles perspectives pour la viande de porc, le fromage ainsi que les vins et spiritueux. Il faut conserver à l'esprit que le marché japonais, du fait de sa taille, est passablement important, et que ses consommateurs ont un haut niveau d'exigence. Je pense que, compte tenu de notre système d'indications géographiques protégées (IGP) et de la qualité de certaines de nos filières alimentaires, nous sommes particulièrement bien placés pour répondre à cette demande. Au-delà de ces filières, l'accès aux marchés publics, qui constituent un volet important de l'accord, sera facilité grâce à une plus grande réciprocité dans l'ouverture des marchés  ; non seulement à l'échelon national, mais aussi à l'échelon local. Dans le secteur ferroviaire par exemple, de nouvelles perspectives s'ouvrent aux entreprises européennes.

Concernant le volet investissement, nous souhaitons tenter de mettre en oeuvre le système mis en place dans le cadre du CETA, qui est une amélioration des systèmes précédents, à savoir l'Investor-State Dispute Settlement (ISDS) puis l'Investment Court System (ICS), ce qui implique des juges nommés pour une période assez longue et astreints à des règles de déontologie précises ; c'est un système qui va bien au-delà du pur arbitrage ponctuel. Toutefois, cela ne constitue pour nous qu'un système transitoire puisque, à terme, nous souhaitons aller vers une véritable cour permanente des investissements. Pour l'instant le Japon se montre réticent devant ce nouveau modèle, considérant le coût même du dispositif excessif et les procédures lourdes. Nous ne renonçons pas à les convaincre, mais telle est la nature de leurs réticences à ce stade.

Pour sa part, le taux d'utilisation des contingents applicables à la filière bovine est très faible  ; de l'ordre de 1 %. Il n'y a donc pas d'évolution significative par rapport à ce qui se faisait auparavant, à l'inverse nous avons nous-mêmes quasiment saturé les contingents laitiers en utilisant pratiquement 95 % de notre quota ; ce qui montre que nos producteurs utilisent bien les marges de manoeuvre nouvelles ainsi créées.

Jean-Louis Bourlanges a abordé le sujet des études d'impact portant sur les accords commerciaux passés par l'Union européenne avec ses partenaires. À cet égard, dans le cadre du mandat de négociation des prochains accords commerciaux avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande adopté par le Conseil, la Commission européenne réalise une première étude d'impact. Il est positif de disposer très en amont des premiers éléments d'appréciation, mais effectivement, dans une négociation, il ne faut pas abattre toutes ses cartes, et nos objectifs majeurs ne doivent pas apparaître trop clairement. Dans tous les cas, en termes de procédure, cette solution est préférable, et nous nous réjouissons de sa systématisation.

S'agissant de la mixité des accords commerciaux couplés avec des accords d'investissement, je rappelle que la France y a toujours été favorable : d'une part pour faire place à l'expression de la représentation nationale, et aussi parce que nous avons des intérêts offensifs à privilégier dans le domaine de la protection des investissements. En outre, il est souvent plus facile d'obtenir ce que l'on souhaite en couplant ce sujet avec les négociations commerciales qu'en passant un accord d'investissement « sec ».

Nous plaidons donc pour le maintien de la mixité, toutefois, les rapports de force au sein du Conseil n'y sont pas favorables, ce qui conduit à négocier au cas par cas. Mais la mixité peut être regardée d'une autre façon : lorsqu'un accord commercial est adossé à un accord politique, car cette situation implique la mixité.

Si les équilibres retenus devaient empêcher la poursuite de la mixité, effectivement, il faudrait trouver une nouvelle articulation très en amont, et je crois que nous sommes en train de la mettre en place à tâtons. L'idée, c'est que cette démarche fasse place à un plus grand systématisme et que des clauses de rendez-vous très régulières soient instituées afin que l'exécutif prenne en compte l'avis du Parlement national lorsqu'il se présente devant les instances européennes.

À ce stade, je ne peux guère aller plus loin, si ce n'est pour vous dire que nous sommes attachés à la mixité, mais que, les rapports de force étant ce qu'ils sont au sein des instances européennes, nous n'avons pas de garantie quant à sa pérennité.

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