Intervention de Richard Abadie

Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 14h00
Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Richard Abadie, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) :

En introduction, pour présenter un peu plus précisément l'ANACT et vous permettre de contextualiser les réponses que nous sommes susceptibles d'apporter à vos questions, je vous propose de développer très rapidement les trois postulats identifiés en 2013 par les membres d'un groupe de travail tripartite qui avait été chargé de réfléchir au repositionnement de l'ANACT et de son réseau, dans le prolongement de la grande conférence sociale de l'été 2012.

Ensuite, pour illustrer concrètement la contribution qui peut être celle de l'ANACT sur le champ plus spécifique de la commission d'enquête, M. Mériaux, directeur technique et scientifique de l'ANACT, fera une présentation rapide de deux dossiers : l'un axé sur la prévention de l'usure professionnelle ; un deuxième qui vise à se projeter sur l'industrie du futur, à travers une expérimentation menée en région Auvergne-Rhône-Alpes.

Nous continuons à travailler sur des sujets tels que l'évaluation. J'ai évoqué les conclusions d'un groupe de travail tripartite de 2013. Ces conclusions ont de fait été prises en compte dans la rédaction du décret du 31 juillet 2015, qui a refondé et précisé les missions de l'Agence et de son réseau, conduisant à sa réorganisation.

Dès sa création, l'Agence a été spécialisée sur les conditions de travail, mais l'objectif qui lui est plus précisément fixé est de conduire des actions visant à agir sur les éléments déterminants des conditions de travail. Cette approche a d'ailleurs été reprise pour l'élaboration du troisième plan consacré à la santé au travail (PST 3), qui affiche l'ambition de s'intéresser aux déterminants des conditions de travail, et non seulement aux effets comme le fait une approche par les risques – qui reste bien entendu nécessaire.

Le premier postulat identifié par le groupe de travail est un postulat de fond : l'organisation du travail et les relations de travail sont des déterminants majeurs des conditions de travail. Il importe donc de travailler le plus en amont possible sur l'organisation et la conception des systèmes de travail. Si une organisation est mise en place sans prendre en compte les réflexions utiles, par la suite l'approche ne sera que corrective.

Le deuxième postulat pourrait être qualifié de postulat de méthode : en matière d'amélioration des conditions de travail, seules les démarches participatives, à savoir le dialogue social et, plus largement, le dialogue professionnel, permettent d'obtenir des effets durables. D'où l'importance du paritarisme et des démarches de co-construction, puisque, sans implication des principaux acteurs concernés, il est très difficile de prévenir les risques professionnels. Le travail ne se prescrit pas de manière unilatérale. Les conditions dans lesquelles le travail se réalise sont souvent contredites dans la réalité. Comme nous l'enseigne l'ergonomie, un écart existe nécessairement entre le travail réel, tel qu'il a été pensé, et le travail prescrit. La parole des travailleurs, au sens des directives européennes qui ne font pas de distinction de statut dans la définition de cette notion, est donc nécessaire pour élaborer des modalités de travail satisfaisantes, qui aillent à la fois dans le sens des employeurs, en favorisant la productivité, mais aussi dans le sens des salariés, en améliorant le bien-être et la santé au travail. Toute démarche unilatérale, réduite à elle seule, est vouée à l'échec.

Le troisième postulat concerne l'existence d'une synergie entre conditions de travail, qualité de vie au travail et performance de l'entreprise. Pour pouvoir concilier leurs enjeux économiques et sociaux, les entreprises doivent être amenées à considérer les conditions de travail comme un paramètre stratégique, à côté de leurs paramètres techniques et économiques.

Ces trois postulats justifient que l'agence ne soit pas exclusivement positionnée sur le champ de la prévention des risques professionnels stricto sensu, mais soit plutôt à l'interface avec d'autres champs, tels que l'emploi – qu'il s'agisse du développement des compétences ou de l'égalité professionnelle –, le dialogue social ou encore la performance globale et durable des entreprises.

Pour mener à bien ses missions, l'agence dispose d'un budget de moins de 15 millions d'euros et emploie un peu moins de 80 agents. Basée à Lyon, elle peut s'appuyer sur réseau territorial de dix-sept associations régionales, associations privées paritaires, établies dans les chefs-lieux de région. Le réseau s'appuie ainsi sur les 80 agents de l'ANACT et sur 200 agents répartis dans les associations régionales.

Si le réseau fonde la légitimité de ses productions sur l'intervention en entreprise, il n'est donc pas crédible d'imaginer qu'il puisse intervenir dans toutes les entreprises du territoire – et ce n'est pas son modèle.

L'organisation de l'agence en découle, autour d'un cycle non impératif se subdivisant en quatre étapes : un travail de veille et de prospective pour formuler des hypothèses ; une expérimentation de ces hypothèses en entreprise, grâce à notre réseau régional, et dans la perspective d'une capitalisation et modélisation de l'expérience, conduite dans un cadre participatif et paritaire – les enseignements tirés sont ainsi considérés, avec l'accord de l'entreprise, comme un bien commun ou un bien public dont tout le monde peut profiter ; le développement d'outils et de méthodes visant à élaborer des solutions de transfert, qu'il s'agisse de guides pratiques ou de jeux pédagogiques ; la diffusion des solutions de transfert, avec l'appui de partenaires relais identifiés et formés au développement des outils développés par l'ANACT et par son réseau.

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