Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mardi 10 juillet 2018 à 22h15
Démocratie plus représentative responsable et efficace — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, selon le professeur Pactet, le droit constitutionnel est un droit vivant, un droit en mouvement qui évolue au cours du temps. Il nous incombe d'améliorer la Constitution en l'adaptant à l'évolution de notre société plurielle et complexe.

Le projet de révision de la majorité chercherait à atteindre une meilleure efficacité de la procédure législative mais, au lieu de s'intéresser véritablement à l'organisation du temps de discussion, problème récurrent du Parlement dès son origine, cette révision constitutionnelle fragilise l'Assemblée nationale en revenant sur les droits de l'opposition qui avaient été renforcés en 2008. La restriction arbitraire du droit d'amendement, la confiscation de l'ordre du jour par l'exécutif mettent un terme au Parlement comme lieu de l'épreuve de la discussion. Attention à ne pas faire de la loi la norme de la technostructure française, dont le contenu serait le seul produit d'une vision unilatérale et opaque de l'administration et de l'exécutif !

La loi a besoin de discussions publiques et parlementaires pour représenter l'ensemble des courants d'opinion et d'expression de notre société. Les abus d'amendements que nous avons parfois constatés et dénoncés doivent trouver une solution de bon sens dans le règlement et des règles déontologiques admises par tous les parlementaires.

La préservation de l'environnement est un enjeu vital pour les générations présentes et futures. Un pas en avant a été effectué à travers l'inscription à l'article 1er de la Constitution de la protection de l'environnement et de la diversité biologique, ainsi que de la lutte contre les changements climatiques. Cet article est, en effet, la clef de voûte de notre loi fondamentale, consacrant les grands principes de la République. Or le principe de non-régression, essentiel pour débattre sereinement des progrès en matière de protection de la nature, n'a aujourd'hui qu'une simple valeur législative. Il apparaît essentiel qu'il figure désormais à l'article 1er . Pourquoi, d'ailleurs, ne pas ajouter le terme « écologique » ? Parmi l'énumération solennelle des caractères de notre République, loin d'être incantatoires, ces modifications constitueraient, comme le souligne Yann Aguila, une nouvelle avancée, en permettant d'inscrire la protection de l'environnement au coeur même de l'identité de notre République.

La participation citoyenne est un deuxième enjeu que le projet de révision n'a pas pris à bras-le-corps. Alors qu'un sentiment de « mal-représentation », comme le soutient Pierre Rosanvallon, ronge notre démocratie, il faut permettre au peuple de prendre une figuration concrète pour l'action.

La réforme du Conseil économique, social et environnemental ici proposée constitue un contournement malheureux des pouvoirs du Parlement. C'est au sein de celui-ci que doivent être initiées et développées des procédures participatives. Il nous revient d'engager la discussion et de faire ressortir toutes les énergies et l'inventivité de notre société. La proximité avec le citoyen est une exigence de l'élection au suffrage universel ; elle est mise à mal par la réduction radicale et tragique du nombre de députés et cette absence d'ouverture du Parlement au citoyen. Rappelons-nous : la politique ne doit pas être l'art d'empêcher la population de se mêler de ce qui la regarde, selon la formule de Paul Valéry.

Dans le même sens, la transparence et la déontologie, qui garantissent l'impartialité et la lutte contre les conflits d'intérêts, sont des éléments constitutifs des valeurs de notre République et devraient trouver toute leur place au sein de ce projet de révision. Dans un XXIesiècle qui doute tant de ses élus, il en va de la confiance citoyenne que de pouvoir contrôler ceux qui agissent en son nom et lui imposent le respect de nouvelles règles. Le citoyen exige un droit de regard sur le travail de ceux qui le gouvernent, et l'on peut le comprendre. Dans le but de parachever les efforts entrepris depuis plusieurs années, il est essentiel que les mécanismes de contrôle de la probité des responsables publics, de prévention des conflits d'intérêts et de transparence de la vie publique soient inscrits au coeur du texte fondamental qui représente nos valeurs communes.

De même, le numérique constitue un défi majeur pour la société mondiale, tant il bouleverse les droits et les libertés fondamentales. Soyons un peu audacieux, chers collègues, et soyons parmi les premiers États du monde à inscrire dans notre texte suprême certains grands principes comme la protection des données personnelles ou encore le droit d'accès à internet.

Je terminerai par la question des biens communs. Il s'agit de l'ascension irréversible d'une ancienne et nouvelle catégorie juridique, qui contient entre autres la dimension individuelle des droits de propriété tels que définis par le code civil. Réfléchissons à notre Constitution dans la perspective d'y inscrire les valeurs et les principes dont notre vie commune, notre collectivité dépendent. Faisons en sorte que les dispositions législatives prises au soutien de ce patrimoine commun ne puissent plus faire l'objet de la censure du Conseil constitutionnel. Faisons en sorte que la Constitution soit ainsi le socle de nos valeurs communes et universelles.

Pour conclure, nous voudrions souligner qu'en rejetant systématiquement nos amendements, en particulier ceux visant à garantir des droits et libertés supplémentaires des citoyens, la majorité semble avoir oublié que la Constitution, comme l'affirmait Benjamin Constant, est la garantie d'un peuple. Il est de notre devoir de le lui rappeler et nous le ferons tout au long du débat. Nous sommes encore là, nombreux, pour cela.

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