Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mardi 10 juillet 2018 à 22h15
Démocratie plus représentative responsable et efficace — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous abordons ici une réforme constitutionnelle, acte ultime que puisse accomplir un Parlement. J'aimerais vous dire dans quel état d'esprit, nous, qui sommes identifiés comme « Corses », abordons ce marathon.

Je me référerai – je ne serai sûrement pas le seul – à Montesquieu à travers deux citations. L'une invite à ne toucher à la loi « que d'une main tremblante ». Cette prudence dans la réforme, cette modération doivent nous inspirer sans nous faire oublier une autre phrase de ce grand homme : « une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi [… ] mais elle doit être loi parce qu'elle est juste. » Voilà ce qui dicte nos convictions : avancer avec un esprit de responsabilité, mais aussi avec la volonté d'aller vers une adaptation positive du cadre constitutionnel.

C'est dans cet esprit que nous porterons notre participation à ce débat. Pour nous, cette réforme devra être respectueuse des grands principes démocratiques, bien sûr, mais aussi des droits du Parlement, de l'équilibre des pouvoirs, de la diversité des territoires. Le débat est éternel : la France est-elle un bloc monolithique, sans nuance géographique, démographique ou culturelle ou est-elle une mosaïque, diverse et unie par un sentiment d'appartenance et par une adhésion à des principes communs ? Faut-il ou non prendre en compte la réalité des choses ou s'accrocher à des principes juridiques pour ne pas dire technocratiques ? Je sais que beaucoup d'entre nous voient ces questions avec une infinie réserve, certains même avec hostilité. Pourtant, il ne s'agit pas ici d'affaiblir la France et encore moins de la démanteler. Il s'agit d'en reconnaître les réalités, de les prendre en compte, de les inscrire dans la loi fondamentale.

Je voudrais poser une seule question : en quoi la prise en compte de la diversité de citoyens enracinés dans leur territoire personnalisé et librement associés autour de principes fondamentaux serait-elle un facteur de faiblesse ? En d'autres termes, conduirait-elle à la rupture ou bien, au contraire, à un renforcement du ciment commun ? Nous pensons, quant à nous, qu'il faut avancer dans ce sens. La démocratie, l'esprit démocratique consiste à prendre en compte les choses telles qu'elles sont et non à les appréhender au travers de présupposés idéologiques. Il ne faut pas confondre, comme beaucoup font semblant de le faire, unité et uniformité. L'égalité de tous face à la loi est une base incontournable de la construction démocratique. Nul ne doit toucher à ce principe. Mais, pour nous, la reconnaissance de la diversité des territoires est également un principe de justice qui a sa place comme fondement de la structure d'État.

Je voudrais terminer sur la Corse. Vous trouverez que nous mettons outrancièrement les problématiques de notre île en avant. Il vous faudra considérer avant tout que nous avons été mandatés pour cela, que les Corses, par leurs votes répétés et convergents, demandent une réelle reconnaissance de leurs spécificités, géographiques bien sûr, mais surtout historiques, culturelles et donc politiques. Démocratiquement, cela a un sens sacré, qu'il nous faut prendre en compte.

Cette réforme constitutionnelle est, par conséquent, l'occasion d'apporter un début de solution à ce qu'il convient d'appeler depuis des lustres le « problème corse », de conforter définitivement la paix civile, d'améliorer les conditions sociales, d'enrayer l'acculturation et la spéculation, qui font tant de mal, de commencer à solder positivement tant d'années de tant de sacrifices consentis au nom de ce peuple corse, petite parcelle d'humanité.

Considérez que, depuis des siècles, tant d'hommes et de femmes sont venus des horizons les plus divers se fondre dans un sentiment d'appartenance commun, dont nous sommes fiers et que nous entendons préserver. Je voudrais vous le dire : nous sortirions grandis si, pour la première fois en deux siècles, la Corse était reconnue pour ce qu'elle est dans son âme et respectée dans sa volonté démocratiquement exprimée.

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