Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du vendredi 14 septembre 2018 à 21h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Article 14 sexies a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Il convient de refaire l'histoire de cette proposition, qui rassemble un grand nombre de députés. Au départ, des paysans, victimes de l'usage des pesticides, analysent les causes de leurs maladies, se regroupent et forment, il y a une dizaine d'années, une association, Phyto-Victimes, que, partout en France – en Bretagne, en Lorraine, au Centre – rejoignent des salariés et des exploitants autour d'un leader, Paul François.

Nous devons avoir conscience ici que, durant des années, courageusement, sans moyens, ils ont documenté leur situation personnelle tout en étant dans une situation économique, sociale et humaine difficile, puisqu'ils subissent les conséquences de leur maladie. En cet instant singulier, nous devons rendre hommage au courage et au militantisme de ces lanceurs d'alerte et de ces bâtisseurs de solutions que sont Paul François et ses amis qui, partout en France, avec une grande pudeur et beaucoup de détermination, nous ont permis de prendre conscience de ce grave sujet. Ils forcent notre respect.

Ensuite, les sénatrices Nicole Bonnefoy et Sophie Primas ont été chargées d'une mission d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l'environnement, dont le rapport formule des propositions innovantes sur la protection des travailleurs de la terre et la prévention. Ces mesures seront reprises dans le cadre d'Écophyto et inscrites dans différentes lois. Elles ouvrent tout un champ permettant d'engager, pour la première fois, les réparations.

D'autres travaux parlementaires ont été conduits, notamment sous l'avant-dernière majorité. Sous la précédente majorité, j'ai remis à Stéphane Le Foll et au ministre chargé de l'environnement, sous l'autorité du Premier ministre de l'époque, un rapport qui a permis d'approfondir encore la question de l'exposition des victimes aux produits phytosanitaires en vue d'établir le plan Écophyto II. Des parlementaires se sont donc investis, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, pour mener un travail de fond sur le sujet. Je pense également au rapport récent que vous avez rendu, madame Toutut-Picard. Tous ces parlementaires dialoguent avec l'association Phyto-Victimes et cherchent des solutions, parce qu'ils ont conscience de la gravité du problème. C'est la rencontre de la société civile et des parlementaires.

Parallèlement, l'État a commandé un rapport à trois inspections, qui a permis d'explorer et de quantifier le sujet en établissant le nombre de personnes potentiellement exposées et le nombre de personnes exposées, en qualifiant les maladies et en étayant les liens de causalité établis par l'expertise collective de l'INSERM. Ce rapport a également formulé des propositions.

Je tiens à saluer le fait qu'au Sénat, grâce à l'engagement de Bernard Jomier et de Nicole Bonnefoy, ce travail ait fait l'objet d'un vote à l'unanimité, réunissant donc toutes les familles politiques, allant des Républicains aux communistes en passant par les socialistes et les écologistes. Ce vote est le fruit, je le répète, du dialogue entre Nicole Bonnefoy et Sophie Primas, dans le cadre d'une mission d'information parlementaire. J'aime un parlement dans lequel des personnes d'horizons différents se saisissent d'un sujet et s'arment de courage pour convaincre leurs collègues.

Delphine Batho et moi-même, qui avons abordé le sujet sous des angles différents – la proximité géographique, la sensibilité à la question de la santé publique et à celle des pesticides – avons repris le flambeau en faisant la passerelle avec le Sénat. Nous connaissons également tous les deux Paul François. Je suis fier du travail que nous avons réalisé. Nous sommes allés voir humblement les sénateurs, pour leur demander comment ils avaient bâti leurs propositions et construit une majorité. Nous les avons également invités à la questure pour un petit déjeuner réunissant une vingtaine de députés, dont certains sont ici présents, de tous horizons politiques, parce que nous ne voulions pas politiser ce débat. Nous avons ce jour-là comme prêté le serment de porter ce combat jusqu'à son terme.

C'est que le temps est venu de créer un fonds. Vous avez rappelé les étapes qu'il est nécessaire de franchir. Un premier tuyau a été créé par Stéphane Le Foll, qui n'a pas pu terminer son ouvrage : l'extension de la taxation sur les entreprises phytopharmaceutiques pour financer ce fonds. Celui-ci le serait en effet par trois canaux différents : la Mutualité sociale agricole, qui est prête à s'engager sur ce terrain, l'État, et cette taxe sur les entreprises phytopharmaceutiques. Un canal financier a été créé, sans être exploité dans le cadre d'une loi. La création du fonds est la deuxième étape, la troisième consistant dans la détermination des modalités : le tableau des maladies professionnelles – Delphine Batho connaît ce sujet parfaitement – pourra être établi dans le temps.

Nous ne demandons pas des décisions immédiates et définitives, mais, en hommage à tous ceux qui combattent depuis des années sur le terrain et qui souffrent, il convient de prévoir une mesure de réparation intégrale, préparée avec des comités d'éthique dans le respect des différentes spécialités. Je le répète : le moment est venu de créer un fonds et il n'y a pas de meilleur texte pour le faire que le présent texte ÉGALIM. Notre insistance n'est que la traduction de l'urgence morale qu'il y a à créer aujourd'hui ce fonds tout en donnant le temps au Gouvernement, dans le dialogue avec la société civile, pour créer les modalités de son financement et déterminer l'affectation des ressources que ce fonds aura collectées au bénéfice des victimes.

Sur le terrain, des personnes souffrent, et nous attendent. Il sera temps d'apporter toutes les précisions nécessaires dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale mais, je le répète, le moment est venu d'agir, de nous rassembler et de faire face avec courage, en l'honneur de ceux qui nous ont précédés.

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