Intervention de Philippe Laville

Réunion du jeudi 13 septembre 2018 à 10h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Philippe Laville, membre du comité central de la Ligue des droits de l'homme et coresponsable du groupe de travail Santé-bioéthique :

La question de l'articulation entre la protection des données personnelles de santé et l'avantage que leur partage peut apporter au patient est complexe. La position de la LDH n'est pas complètement arrêtée mais, dans le prolongement des principes qui sous-tendent notre action, nous ne sommes pas favorables à ce qui se fait déjà : permettre que les données recueillies soient vendues à des compagnies d'assurance et des opérateurs commerciaux. Nous considérons qu'il faut éviter toute dérive marchande et aussi le risque de réidentification des personnes. Le contrôle préalable par des instances telles que la CNIL ou l'Agence de biomédecine nous semble indispensable pour garantir que l'accès à ces données soit réservé à des recherches à caractère public, sous maîtrise d'opérateurs publics. La Ligue souhaite donc que l'on revienne sur des pratiques que l'on a laissé se développer ces dernières années.

Il est vrai que, dans le même temps, de grands progrès ont eu lieu dans le prolongement des études réalisées. Mais si le risque de réidentification des données personnelles est très faible lorsqu'elles sont agrégées dans des ensembles très larges, il n'en va pas de même quand les données traitées sont en faible nombre : en ce cas, la possibilité de réidentification par croisements est réelle et il faut donc être très vigilant.

Je ne suis pas convaincu que de lourdes pénalités ex post seraient dissuasives, à la fois parce que cette approche n'a pas toujours très bien fonctionné dans d'autres domaines et parce que les données numériques peuvent se promener à l'échelle internationale. La Ligue a co-édité un petit guide intitulé Quels risques pour le citoyen ? qui traite de la finalité et des dangers des fichiers. Nous avons proposé qu'à l'échelle européenne le dossier médical électronique soit réservé aux patients dont l'état demande des traitements lourds, coûteux et de longue durée. Nous demandons, comme toujours, le respect du consentement du patient, que l'on ne fasse pas de ce dossier une règle absolue et que l'on n'accroisse pas le nombre de fichiers relatifs à la personne quand cela ne s'impose pas. Principalement, il est nécessaire, je l'ai dit, que chaque citoyen ait un droit d'accès, de rectification et de refus de communication de ses données à tous les niveaux. La durée de conservation des données personnelles de santé collectées sur papier était de dix ans en France. On parle de s'aligner sur les durées de conservation plus longues en vigueur dans d'autres pays européens, au motif que cela permettrait des études au long cours. Là encore, il ne peut s'agir que d'études sur des données agrégées en très grand nombre mais même en ce cas, la vigilance s'impose en amont car, en dépit des garanties données, des études montrent que la possibilité de réidentification existe.

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