Intervention de Anne-Marie Leroyer

Réunion du jeudi 6 septembre 2018 à 10h20
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Anne-Marie Leroyer :

Madame Thill, vous posez une question récurrente quant au principe même de l'accès à l'assistance médicale à la procréation pour les couples de femmes, mais également la question du désir d'enfant et du droit à l'enfant.

Le désir d'enfant n'est pas une question juridique. Le droit ignore bien volontiers le « désir », contrairement aux psychiatres ou aux psychanalystes qui l'abordent plus volontiers. Le juriste est plutôt centré sur le droit. Vous avez donc bien formulé la question parfois brandie comme un étendard contre les possibilités d'ouverture : en droit positif, personne n'a « droit » à un enfant. Le droit à l'enfant n'existe donc pas et consacrer l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes ne consacrera pas un droit à l'enfant.

La question se pose de la même façon dans le cas de l'adoption : souvenez-vous des débats liés à l'adoption lors du vote de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Déjà, la question du droit à l'enfant avait été brandie contre l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe. Le Conseil constitutionnel, amené à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi, a bien rappelé dans sa décision que l'ouverture de l'adoption aux couples de même sexe ne consacrait pas un droit à l'enfant, car ces couples étaient soumis aux mêmes conditions que les autres pour adopter.

De la même façon, la loi posera des conditions à l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes célibataires, la condition supprimée étant simplement celle de l'hétérosexualité.

Si la question que vous posez est essentielle, elle est politique et personnelle, et non juridique : l'hétérosexualité est-elle une condition juridique suffisante pour estimer que l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux homosexuels consacrerait un droit à l'enfant ? L'orientation sexuelle consacrerait une différence selon la nature du droit.

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