Intervention de Sylvain Fernandez-Curiel

Réunion du jeudi 13 septembre 2018 à 11h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Sylvain Fernandez-Curiel, coordinateur national de France Assos Santé :

Je vous remercie pour votre invitation. M. Yann Mazens, qui m'accompagne, est chargé de mission produits et technologies de santé à France Assos Santé où je suis pour ma part coordinateur national après y avoir été chargé de mission santé.

Vous avez indiqué que France Assos Santé fédérait les associations agréées d'usagers du système de santé. Elle est plus exactement une union d'associations et il est à mon avis important que vous auditionniez également celles de ces associations qui en ont fait la demande, comme Renaloo et France Rein au sujet du don d'organes, ou l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) sur la fin de vie. En effet, en tant qu'union d'associations, France Assos Santé prend position sur les questions de bioéthique qui font consensus parmi ses membres. Mais il n'est pas rare que, sur certains sujets, des associations membres aient des positions plus précises ou plus avancées que celles que nous soutenons, voire que leur opinion soit divergente. Ces différences, inévitables dans une union regroupant près de 80 associations, sont à mon avis une richesse.

Yann Mazens abordera les questions de bioéthique relatives au don d'organes. Je vais quant à moi envisager les questions concernant la fin de vie sur lesquelles nous avons réalisé un travail collectif au printemps dernier, au moment des États généraux de la bioéthique. Les associations de France Assos Santé qui, je le répète, ont souvent des positions différant fortement, se sont accordées sur plusieurs recommandations dont je me fais l'écho.

Il a d'abord été proposé que la fin de vie donne lieu à plus d'évaluations. La loi du 2 février 2016 a eu pour principaux effets de renforcer le rôle des directives anticipées et de consacrer le droit à une sédation profonde et continue. Nous nous étions alors étonnés que ne soient prévues d'évaluations ni du nombre de demandes de sédation profonde et continue, ni du nombre de réponses données à ces demandes. Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) a fait paraître récemment une étude sur ce sujet mais cette enquête aurait besoin d'être complétée et, surtout, d'être réalisée en routine.

Concernant l'offre de soins palliatifs, évaluer non seulement la demande mais aussi le recours qui y est fait apparaît nécessaire. D'après les témoignages portés à notre connaissance, ce n'est que trop tardivement, lors des derniers jours de vie, que les usagers ont connaissance des soins palliatifs et recourent à cette forme d'accompagnement. Dans quelle mesure l'offre de soins palliatifs est-elle insuffisante ? Répondre à cette question ne peut qu'être très difficile en l'absence d'évaluations, et c'est pourquoi le travail interassociatif que nous avons réalisé insiste sur ce manque. Avant d'envisager de nouvelles évolutions législatives, il nous a semblé qu'il faudrait pouvoir disposer de données sur l'effet des lois existantes, et particulièrement celle de 2016 sur la fin de vie.

Des propositions plus précises, que je vais présenter sans entrer dans les détails, ont également été faites sur plusieurs sujets. L'une de ces propositions concerne les patients dans un état végétatif chronique ou dans un état pauci-relationnel. L'affaire Vincent Lambert, qui continue de faire l'actualité, illustre le cas où n'ont pas été rédigées de directives anticipées et où aucune personne de confiance n'a été désignée. Il faudrait trouver le moyen d'associer très en amont les proches à la décision sur la fin de vie. Et, quand ceux-ci sont en désaccord, pouvoir recourir à une médiation extérieure. Actuellement, les textes prévoient que, dans ces cas, la décision revienne aux médecins, ce qui n'est pas satisfaisant ainsi que l'expérience l'a montré.

La loi de 2016 a par ailleurs rendu contraignantes les directives anticipées sauf lorsque les médecins jugent manifestement inapproprié de les suivre. Il serait nécessaire de préciser en quoi consiste ce caractère manifestement inapproprié, par exemple en demandant à la Haute Autorité de santé (HAS) un travail scientifique sur ce sujet. Nous pensons également qu'il conviendrait de consulter les proches afin qu'ils concourent à déterminer si les directives anticipées sont manifestement inappropriées. Certes, la loi prévoit qu'ils puissent donner leur avis, mais il serait préférable qu'ils soient systématiquement consultés dans la mesure où ils portent un regard différent sur les intentions qui étaient celles du patient quand il a rédigé ces directives.

Enfin, je voudrais présenter la proposition que nous avons faite sur un sujet annexe qui concerne également les proches. Depuis 2011 existe une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie, qui est limitée aux situations où la personne est à domicile, mais qui peut continuer à être attribuée si elle est par la suite hospitalisée. Par contre, les proches ne peuvent toucher cette allocation si la personne se trouve d'emblée à l'hôpital. Nous trouvons cette restriction regrettable car une personne en fin de vie, qu'elle soit à domicile ou à l'hôpital, a besoin de la présence d'un proche. La distinction qui est faite entre ces situations laisserait presque entendre qu'à domicile le proche serait un peu plus qu'un proche et participerait par exemple aux soins, alors que tel n'est pas son rôle. Lorsque cette mesure avait été mise en place, on nous avait déclaré que son extension aux proches de toutes les personnes en fin de vie serait trop lourde financièrement, les patients concernés demeurant le plus souvent à l'hôpital. Or, on ne dispose aujourd'hui que de peu d'informations sur l'utilisation qui est faite de cette enveloppe budgétaire alors que ces données permettraient de savoir si elle est utilisée à la hauteur de ce qui était prévu, ce qui ne semble pas être le cas. Nous estimons qu'il est certainement possible d'étendre cette allocation aux proches de l'ensemble des personnes en fin de vie, afin qu'il puissent plus facilement interrompre leur activité et se trouver aux côtés des leurs dans ces moments où leur présence revêt une si grande importance.

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