Intervention de Sylvain Fernandez-Curiel

Réunion du jeudi 13 septembre 2018 à 11h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Sylvain Fernandez-Curiel, coordinateur national de France Assos Santé :

Vous avez évoqué la décision médicale partagée dont j'aurais aimé pouvoir parler lors de notre exposé liminaire. Mais, par manque de temps, nous avons dû nous limiter aux propositions sur lesquelles nous avons travaillé avec les associations que nous représentons. La décision partagée est cependant au coeur des préoccupations de France Assos Santé et de toutes nos associations. Parce qu'elle relève du principe d'autonomie, elle possède un enjeu éthique fort.

La loi « Kouchner » de 2002 a constitué une grande avancée mais les pratiques ne progressent pas toujours à la même vitesse que la loi. Aussi menons-nous depuis quinze ans un travail afin que la loi de 2002 s'inscrive dans les pratiques médicales. Nous avons en effet noté une dérive qui a consisté à susbtituer à la décision partagée ce qu'on pourrait appeler une décision informée. Les professionnels de santé ont ainsi pu donner à signer aux patients des formulaires de consentement, ce qui n'était pas prévu par la loi. Et, une fois les formulaires signés, ces professionnels considéraient que les patients étaient consentants, sans même vérifier que ceux-ci avaient compris l'information qui leur avait été transmise.

Plus que la loi, ce sont donc les pratiques qu'il faut modifier. L'évolution des pratiques passe par la formation et, à ce sujet, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous avez dit en faveur d'une formation des usagers. La formation des professionnels est elle aussi décisive. On note d'ailleurs des progrès puisqu'une formation portant sur la vie avec la maladie, notamment la maladie chronique, qui fait intervenir des patients enseignants est désormais assurée lors de la formation initiale des professionnels de santé.

La décision médicale emporte en effet de nombreux enjeux. D'abord, celui de la pertinence des soins, que le patient peut contribuer à déterminer, car les professionnels de santé décident des soins dans une perspective très médicale mais en n'envisageant pas toujours la qualité de vie et sans forcément donner toutes les informations souhaitables. La question de l'adaptation de l'information aux personnes constitue un autre enjeu important. Tous les patients ne sont pas à même de recevoir une information identique et il faut donc à chaque fois adapter les informations données. Ces évolutions ne sauraient être inscrites dans une loi, aussi nous efforçons-nous de faire évoluer les pratiques sur ces sujets centraux pour la démocratie sanitaire.

Je souhaiterais élargir le champ de votre question. Vous avez parlé du paternalisme médical qui perdure malgré la loi de 2002. Des progrès ont eu lieu depuis, mais les efforts doivent être poursuivis : les patients, particulièrement les malades chroniques qui sont très informés sur leur maladie, souhaiteraient avoir avec les professionnels une relation beaucoup plus équilibrée. Mais la question que je souhaite soulever est celle d'un paternalisme, je dirais presque institutionnel, de la part non des professionnels de santé mais des pouvoirs publics. Car les lois sont souvent faites sans que la population ou les associations soient associées à leur élaboration. Ce fut le cas, par exemple, pour les groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui devaient répondre aux besoins de la population mais qui ne l'ont pas associée à leur mise en oeuvre.

De même que le partenalisme médical, ce paternalisme institutionnel tient à ce que d'aucuns considèrent qu'ils agissent pour le bien d'autrui car ils savent ce qui est bon pour lui. Mais la population, lorsqu'elle est interrogée, exprime parfois un point de vue très différent. C'est pourquoi il est souvent utile de prendre le temps de l'associer aux projets la concernant directement. Lors de la mise en place des GHT, le CISS a donc insisté pour que les usagers y soient plus associés. J'ai choisi cet exemple parce qu'il est récent, mais je pourrais en donner beaucoup d'autres qui montrent l'intérêt de parvenir à une décision partagée tant dans la relation au système de soin, au niveau individuel, que pour la constitution et l'évolution de notre système de santé. Il faudrait associer beaucoup plus fortement les associations mais aussi la population au processus de décision. Pour reprendre l'exemple des GHT, la population a peu entendu parler de ce dispositif qui va pourtant modifier profondément l'organisation de la santé dans les territoires. Nous devons donc nous nous demander comment l'informer et, encore une fois, comment l'associer.

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