Intervention de Huguette Bello

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Madame la ministre, je ferai tout d'abord trois remarques. La première porte sur la prétendue augmentation de la mission « Outre-mer ». Tant que les graphiques de présentation restaient muets, nous n'avons rien dit. Mais voici que, depuis la semaine dernière, le ministre de l'action et des comptes publics s'est lancé dans des démonstrations en vue de faire croire que les outre-mer échappaient à la rigueur budgétaire et que seul leur budget était à ce point privilégié. Écoutons M. Darmanin dire, le 18 octobre dans l'hémicycle : « Nous nous engageons à ne pas diminuer les crédits des outre-mer, ils augmentent même de 20 %, passant de 2 milliards d'euros à 2,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 400 millions d'euros... […] Ces 400 millions d'euros, obtenus par Mme Girardin, représentent la plus importante augmentation des crédits des outre-mer… » Et le même M. Darmanin d'ajouter, plus loin : « J'ignore quel autre ministère voit ses crédits augmenter de 20 % dans le PLF ; il n'y en a aucun… »

Qui le ministre veut-il tromper ? Et pourquoi vouloir ainsi jeter la confusion dans les esprits ? Nous savons tous, ici, que ces 400 millions ne sont que des redéploiements issus de trois réformes concernant l'abattement de l'impôt sur le revenu, la suppression de notre TVA NPR et celle de la défiscalisation qui finance le logement social. Bref, il s'agit, si j'ose dire, d'un simple rapatriement budgétaire, en aucun cas d'une augmentation réelle au bénéfice de nos territoires. Cette réalité-là, le Gouvernement et sa majorité doivent l'assumer, en toute transparence et en toute responsabilité.

Ma deuxième remarque concerne le grand retour de la thématique de la solidarité nationale, qui procède de la même logique que le montage précédent. Ce que le Gouvernement appelle solidarité nationale, c'est tout simplement la présence de l'État dans les territoires de la République. Que les outre-mer soient plus éloignés géographiquement, qu'ils soient plus fragiles, qu'ils soient plus pauvres, qu'ils souffrent de grands retards ne change rien à l'affaire. Si l'on évoque la solidarité nationale, il faut immédiatement évoquer Kourou et le centre spatial, le domaine maritime, la biodiversité, tant d'autres choses et même, hélas, les essais nucléaires. Mais raisonner de la sorte relève davantage de la logique des comptabilités des multinationales que des fondements de la République française.

Ma troisième remarque est d'ordre méthodologique. Le Gouvernement a fait le choix d'une consultation citoyenne directe à travers les Assises, synthétisée dans le Livre bleu. Vous y puisez, madame la ministre, la légitimité de vos décisions. Tout cela n'appelle aucune remarque de notre part. Les difficultés surgissent et surgiront de plus en plus puisque, désormais, rien ne paraît opposable au Livre bleu. C'est oublier un peu vite que ce que les Assises ont permis pendant huit mois, les parlementaires, eux, le vivent quotidiennement : nous sommes en dialogue constant avec nos concitoyens dans nos permanences. Les Assises, pour nous, c'est tous les jours ! Les limites de cette approche « disruptive » sont apparues dès la semaine dernière, quand, de manière inédite, des mesures concernant exclusivement les outre-mer ont été adoptées malgré l'opposition unanime des députés ultramarins. Nous avons été interpellés en urgence par le monde économique sur les risques que la réforme des exonérations de cotisations sociales fait peser sur l'emploi et sur les stratégies de spécialisation, dans les secteurs à forte valeure ajoutée. Le petit charpentier des Hauts de La Réunion, celui que vous avez peut-être entendu, s'inquiète de la suppression des zones de revitalisation rurale (ZRR).

J'en viens à présent au budget lui-même, et plus précisément à deux lignes. Les crédits pour le logement ne retrouvent pas leur niveau d'il y a deux ans en autorisations d'engagement et continuent de diminuer en crédits de paiement : moins 4 millions d'euros. La sanctuarisation de la ligne budgétaire unique (LBU) est-elle définitivement abandonnée ? Ce montant intègre-t-il le premier acompte de 20 millions d'euros issu de la cession des parts de l'État au sein des sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM) ? Vous nous annoncez maintenant, concernant l'APL-accession, une décision que vous-même jugiez impossible l'an dernier ; nous sommes fondés à nous demander quelles seront les modalités précises.

S'agissant des crédits de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), et en particulier de ceux qui sont prévus pour la formation professionnelle et la mobilité, la forte diminution de 13 % subie l'an dernier n'est pas remise en cause, alors même qu'une nouvelle action est lancée en faveur de Mayotte. Nous parlons ici de jeunesse, de formation, d'où notre vigilance, notre inquiétude.

Pour terminer, je rappelle simplement l'étude réalisée en 2012 par l'Agence française de développement (AFD), selon laquelle le niveau actuel de développement de La Réunion accuse un retard de vingt-cinq ans par rapport à la France continentale et se situe tout juste devant celui de la Guyane. Ce constat est toujours d'actualité.

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