Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau, rapporteur pour avis :

Par ailleurs, nous l'avons vu ces derniers jours, les aléas climatiques tels que les inondations et la sécheresse se multiplient, ils nous affectent tous et touchent encore plus durement le monde paysan. Ces drames humains et économiques ont un lourd impact sur l'agriculture française.

Les attentes des consommateurs ont par ailleurs changé. Notre modèle agricole et alimentaire français doit évoluer, d'une part pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur métier, d'autre part pour faire de la transition agro-écologique une priorité.

Ces deux objectifs économiques et écologiques doivent être pensés ensemble dans nos politiques : il est tout à fait possible de mieux rémunérer les paysans tout en assurant la transition vers une agriculture plus durable, qui utilise moins de produits phytopharmaceutiques et monte en gamme pour faire rayonner nos produits français de qualité à l'export.

Je tiens à préciser que les crédits alloués au Fonds Avenir bio ont été doublés, passant de 4 millions d'euros à 8 millions d'euros afin d'atteindre l'objectif d'affectation de 15 % de la surface agricole utile (SAU) à l'agriculture biologique que nous nous sommes fixé dans le projet de loi EGALIM. Avec la fin progressive des aides au maintien à l'agriculture biologique, le Gouvernement entend se concentrer sur les aides à la conversion en agriculture biologique, afin de soutenir les changements de structure d'exploitation et de marché. Le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique sera notamment revalorisé.

Encore une fois, satisfaire nos objectifs environnementaux est notre priorité. C'est aussi la priorité des agriculteurs qui ont pris conscience de la hauteur des enjeux pour leur santé comme pour la survie de leur métier : si nous ne relevons pas ensemble le défi de produire de façon plus durable et de mettre sur le marché intérieur et à l'export des produits français plus sains et de meilleure qualité, l'économie de l'ensemble de nos territoires sera en péril

Nous avons bâti une loi à partir des contraintes des agriculteurs, c'est-à-dire de leurs coûts de production, et nous les avons fortement incités à se regrouper en organisations de producteurs. Le contrat et le prix associé seront désormais proposés par celui qui vend – c'est une révolution – pour rééquilibrer le rapport de forces entre les producteurs et la filière.

Grâce à cette mesure, les paysans pourront véritablement valoriser leur travail face à la grande distribution. Le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) de 10 %, couplé à l'encadrement des promotions sur les produits agricoles et alimentaires, devrait permettre d'éviter de faire de ces produits des variables d'ajustement des prix de la distribution. Ces ordonnances doivent être publiées au plus vite.

Je tiens à insister sur le caractère expérimental de ces mesures : au bout de deux ans, nous évaluerons leurs impacts sur les prix et le revenu des agriculteurs. S'il s'avère que le relèvement du SRP et l'encadrement des promotions ne conduisent pas les distributeurs à reverser aux producteurs la marge supplémentaire qu'ils auront dégagée et que les paysans n'arrivent toujours pas à tirer un revenu décent de leur activité, nous devrons penser à d'autres types de mécanismes.

La valeur dégagée par le relèvement du SRP devrait s'établir entre 0,7 % et 2 % de marge pour les produits alimentaires. C'est pourquoi je propose de profiter de cette valeur dégagée par l'aval pour créer un fonds de transition agricole alimenté par des fonds privés issus des industries agroalimentaires et des distributeurs, en contrepartie d'engagements agro-écologiques des producteurs. L'idée est de mieux partager la valeur ajoutée dégagée par le relèvement du seuil de revente à perte d'une part, et le développement des produits à forte valeur ajoutée et environnementale, d'autre part. Car pour l'heure, des freins financiers empêchent les agriculteurs d'investir dans la transition écologique : parmi eux, nous pouvons citer l'incertitude sur les débouchés commerciaux, ou les difficultés techniques liées à la modernisation des exploitations agricoles pour aller vers des pratiques agricoles plus durables.

Ces besoins financiers varient d'une filière à l'autre et s'inscrivent sur des horizons financiers longs, allant de cinq à dix ans. Certains agriculteurs ont donc des difficultés à les faire financer par les banques qui les considèrent trop risqués. Accompagner techniquement les agriculteurs dans la transition est un des objectifs des États généraux de l'alimentation ; c'est aussi le rôle du réseau des chambres d'agriculture, des coopératives et des organismes nationaux à vocation agricole et rurale.

Des démarches privées ont déjà été mises en place pour soutenir les agriculteurs dans la transformation de leur modèle agricole. Cela a bien fonctionné, par exemple, dans les pays en développement : ainsi, des producteurs de café africains ou sud-américains sont soutenus depuis plusieurs années par des fondations et des entreprises privées pour mettre en place des modèles de commerce équitable ou démarrer une production biologique. En Allemagne, l'initiative Tierwohl prévoit une meilleure rémunération des éleveurs ayant mis en oeuvre des mesures de protection animale. Pourquoi ne pas développer ces mêmes schémas pour soutenir et accompagner nos paysans français dans la transition écologique ? C'est le but du fonds que je propose de créer.

Ce fonds serait également porté par des crédits publics, dans la continuité du Grand plan d'investissement qui prévoit déjà divers mécanismes de garantie bancaire et de prêts aux agriculteurs. Il devra donc produire un effet levier de financement et, à la fois, assurer un débouché pour les produits français de qualité.

L'année prochaine, dans le budget du Grand plan d'investissement (GPI) consacré à l'agriculture, 216 millions d'euros seulement seront utilisés sur les 5 milliards d'euros mis à disposition jusqu'en 2022. À cet égard, Monsieur le ministre, je me permets de vous demander comment seront utilisés les montants engagés dans le cadre du GPI.

Nous devrons par ailleurs garder à l'esprit que le budget de l'agriculture française que nous allons discuter aujourd'hui est complètement inséré dans la PAC décidée au niveau européen. C'est pourquoi le prochain budget de la PAC devra absolument être préservé dans la future réforme malgré le Brexit. La nouvelle PAC devra intégrer les objectifs ambitieux des EGA en matière de rémunération des agriculteurs, de prise en compte des différents risques, et en matière de transition agricole vers un modèle plus durable et plus respectueux de l'environnement.

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