Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Baptiste Moreau, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

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Mes chers collègues, nous débutons l'examen des avis budgétaires sur les missions de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2019. Nous consacrerons quatre demi-journées, cet après-midi, demain matin et après-midi, et la matinée du mercredi 31 octobre, à l'examen de treize avis budgétaires se rapportant à huit missions. Notre commission des affaires économiques est ainsi la commission désignant le plus grand nombre de rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances.

Cette année, la procédure suivie connaît une importante évolution : la Conférence des présidents ayant décidé de mettre fin aux commissions élargies, nos avis budgétaires sont désormais examinés au sein de notre seule commission.

La nouvelle procédure doit répondre à plusieurs exigences : valoriser le travail des rapporteurs pour avis, ne pas recréer de nouvelles commissions élargies et organiser des réunions de durée raisonnable. Dès lors, l'examen des diverses missions n'est plus conçu comme une succession d'auditions des ministres. Ces derniers ne seront d'ailleurs pas systématiquement présents lors de ces réunions.

Notre commission ne recevra que deux ministres : M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, auquel je souhaite la bienvenue ; et Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Les questions que vous serez amenés à poser s'adresseront donc, la plupart du temps, au rapporteur pour avis. Même lorsqu'un ministre sera présent, vous pourrez vous adresser aussi bien au ministre qu'au rapporteur.

Dans le détail, nos réunions se dérouleront de la façon suivante : le ministre aura un temps de parole de quinze minutes ; les rapporteurs, dix minutes chacun ; les orateurs des groupes, quatre minutes chacun. Pour les séries de questions des députés, j'ai pris la décision de limiter le temps de parole à une minute, afin que chacun puisse s'exprimer.

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Je le sais, Monsieur Jumel, mais nous sommes à Paris. Il m'a d'ailleurs semblé qu'à Berlin, l'assemblée était très masculine. Et en tant que femme, j'utilise toutes mes prérogatives : ce sera une minute… (Sourires.)

Lorsque des rapporteurs spéciaux de la commission des finances souhaiteront participer à notre commission des affaires économiques, ils seront les premiers députés à intervenir dans ces séries de questions.

À l'issue de chaque débat sur une mission, la commission examinera les amendements déposés, et votera sur les crédits de la mission, et le cas échéant, sur les articles rattachés. Je rappelle que cet examen des amendements a lieu en dehors de la présence du Gouvernement.

Conformément à la pratique des années précédentes, seuls les amendements déposés par les membres de la commission des affaires économiques seront examinés. Si un député appartenant à une autre commission dépose un amendement auprès de la commission des affaires économiques, il sera invité à le retirer et à le déposer directement auprès de la commission des finances ou, s'il est trop tard, auprès du service de la séance.

Nous allons maintenant examiner les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2019, dont le rapporteur pour avis est notre collègue Jean-Baptiste Moreau.

Les crédits de cette mission s'élèveront en 2019 à 2,76 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,85 milliards d'euros en crédits de paiement. À périmètre constant, ces crédits sont stables. À périmètre constant, j'insiste, car cette mission ne porte plus sur les crédits compensant les allégements de charges sociales, désormais explicitement inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela promet d'ailleurs de riches échanges, notamment autour de certains amendements très attendus sur l'exonération de cotisations sociales pour les travailleurs occasionnels, demandeurs d'emploi (TODE).

Si l'on ajoute les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » rattachés à cette mission, et les crédits de l'enseignement agricole, hors périmètre de cet avis, les montants s'élèvent à 4,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 4,8 milliards d'euros en crédits de paiement.

Les crédits mobilisés en faveur de la modernisation des exploitations et de la gestion équilibrée et durable des territoires sont renforcés en accord avec les priorités de la politique agricole commune (PAC).

Les crédits du programme 206, « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » sont en hausse de 9 %, ce qui permettra de mettre l'accent sur la prévention et la réactivité face aux risques sanitaires qui ont fragilisé nos exploitations agricoles.

Ce budget ne comporte pas de transformation majeure pour le monde agricole, mais comme vous le savez, l'Assemblée nationale a débattu du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, et une alimentation saine, durable et accessible à tous – projet de loi dit EGALIM. Adopté en lecture définitive par l'Assemblée nationale le 14 septembre dernier, ce texte sera probablement promulgué avant la fin de la discussion du projet de loi de finances pour 2019. Dans la continuité de ce texte, le rapporteur pour avis vous proposera la création d'un fonds de transition agro-écologique, alimenté par l'aval de la filière au profit des producteurs s'engageant dans la transformation de leur exploitation. Ce fonds devrait produire un effet de levier de financement et offrir un débouché pour ces produits. Je laisserai le rapporteur pour avis vous le présenter.

Monsieur le ministre, j'aurais deux questions à vous poser : quelles sont les conséquences budgétaires de la loi EGALIM que nous venons d'adopter ? Où en sont les discussions institutionnelles européennes sur la réforme de la PAC, et pouvez-vous nous rappeler la position de la France et de ses alliés dans ce débat ?

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Madame la présidente, Monsieur le rapporteur pour avis, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous dire le plaisir que j'ai à être devant vous pour la première fois, une semaine après ma nomination. Je vous demanderai d'ores et déjà de bien vouloir excuser mes imprécisions ou incertitudes, n'étant pas encore au fait de l'ensemble de ces dossiers. Mais faute avouée étant à moitié pardonnée, nous devrions parvenir à nous entendre.

Je commencerai, Madame la présidente, par votre deuxième question qui me paraît essentielle. La réforme de la politique agricole commune qui va être discutée dans les mois qui viennent sera déterminante, aussi bien pour l'avenir de l'agriculture européenne que pour l'avenir de l'agriculture française. Le Président de la République a d'ailleurs été un des premiers à exprimer la volonté de conserver une politique agricole commune intégrée, forte, qui puisse permettre de redistribuer aux États un certain nombre d'aides.

Aujourd'hui, la position de la France est très claire : la proposition présentée par la Commission n'est pas acceptable : nous ne pouvons pas nous engager dans une politique agricole commune dont le budget serait réduit de 5 %. Nous avons notamment besoin de conserver un premier pilier avec des aides directes pour les exploitations françaises. Je l'évoquais tout à l'heure dans l'hémicycle en répondant à une des trois questions qui m'ont été posées : évidemment, les agriculteurs veulent vivre d'un meilleur revenu, et non de subventions ; mais aujourd'hui encore, s'il n'y avait plus de subventions, notamment européennes, c'est toute l'agriculture, et singulièrement l'agriculture française, qui en pâtirait.

Nous voulons une PAC plus forte, intégrée, et volontariste. Évidemment, des efforts devront être faits dans d'autres budgets – lutte contre le terrorisme, migrants, etc. Mais cela ne pourra se faire au détriment de la PAC, qui est une des premières politiques communes, totalement intégrée, pour laquelle nous devons continuer à nous battre.

Il se trouve que depuis quelques semaines, la situation a évolué. L'accord passé à Madrid – notamment sous l'autorité de mon prédécesseur M. Stéphane Travert – avec dix-neuf pays nous laisse penser que nous pourrons une forte majorité d'États membres disposés à aller dans la même direction. Tous les pays n'ont pas forcément la même vision de l'Europe et des aides, mais il nous semble important pour la France que le budget de la PAC soit le même que le précédent. Je me battrai avec Mme Nathalie Loiseau, le Président de la République et le Premier ministre pour y parvenir. Tel est notre objectif. Tel est le mandat qui m'a été fixé, dont je n'entends pas m'écarter.

Votre première question, Madame la présidente, portait sur les conséquences budgétaires de la loi EGALIM. Il y en aura en fait assez peu. En principe, cette loi sera publiée la semaine prochaine. Je serai tout particulièrement attentif aux ordonnances. Nous avons six mois pour les élaborer, mais je tiens à ce que le Parlement soit associé dans une discussion la plus large possible, même si la décision finale reviendra au Gouvernement.

Certains d'entre vous ont voté cette loi, d'autres ont voté contre. Certains se sont interrogés. Il n'empêche que c'est une des premières fois que l'on essaie vraiment d'augmenter les prix payés aux producteurs. EGALIM est ma troisième loi agricole. La première était la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de M. Bruno Le Maire, dont l'objectif était d'améliorer les revenus et le pouvoir d'achat des agriculteurs.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Puis il y a eu la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de M. Stéphane Le Foll, dont l'objectif était identique. J'en ai été le modeste rapporteur au Sénat, et M. Dominique Potier l'a porté à l'Assemblée nationale. Nous en sommes à la loi EGALIM de M. Stéphane Travert dont l'objectif est encore et toujours de donner du pouvoir d'achat et du revenu aux agriculteurs.

On voit bien que l'exercice est complexe, quelle que soit la majorité politique qui s'y prête. Mais pour la première fois, la loi EGALIM inverse la construction des prix, ce que nous n'avions pas réussi à faire dans les deux précédentes lois. Certes, il y avait eu des avancées, comme la mise en place de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires par M. Bruno Le Maire, ou la création d'un médiateur des relations commerciales dans la loi d'avenir. Mais ce n'était pas suffisant. Quand on voit le niveau de revenus des agriculteurs, dont certains vont jusqu'à se suicider, on se dit qu'il n'est pas possible de continuer ainsi. Sans parler de l'« agribashing » – nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir.

Il faut donc absolument, grâce à cette loi, gagner le pari de l'augmentation du revenu des agriculteurs. Pour ce faire, il faut que les filières « mettent le paquet », et notre rôle sera de les pousser à avancer. Il faudra aussi engager des discussions franches et fortes avec la grande distribution. J'ai bien entendu ce que disent un certain nombre de responsables de la grande distribution, mais on ne pourra pas s'en contenter.

Je crois que la première partie de la loi EGALIM produira des effets dans les semaines, dans les mois qui viennent, sur les revenus des agriculteurs. D'ailleurs, a-t-on le choix ? On pouvait espérer qu'il se passerait quelque chose après les deux dernières lois. Mais aujourd'hui, nous ne pouvons faire autrement que d'avancer résolument dans cette direction.

Si la loi EGALIM a peu de conséquences budgétaires, elle crée une palette d'outils au service de la transformation. Il en est de même du Grand plan d'investissement, dont les outils sont directement financés avec des crédits budgétaires, et du programme Ambition bio 2022. J'ai beaucoup défendu la transition agro-écologique, et je pense que l'avenir de l'agriculture française tient dans la transition économique, la transition sociale, la transition sanitaire, et la transition agro-écologique. On ne peut pas faire autrement ; d'abord, parce que nos concitoyens nous le demandent ; ensuite, parce que c'est indispensable. Ce programme Ambition bio, qui est doté de plus de 1 milliard d'euros, permettra d'avancer dans cette direction.

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Monsieur le ministre, Madame la présidente, mes chers collègues, après le vote final, le 2 octobre dernier, du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous que j'ai eu à coeur de porter, je suis honoré de reprendre la parole devant vous en qualité de rapporteur pour avis sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales du projet de loi de finances 2019.

En effet, le projet de loi EGALIM ne comporte pas de mesures fiscales ou budgétaires : il fait appel à la force de la loi et aux ressources privées et propres aux filières agricoles pour engager la transformation de l'agriculture française vers davantage de qualité et de compétitivité. Notre travail est donc loin d'être terminé.

Si le législateur a la responsabilité de traduire dans la loi les idées issues des États généraux de l'alimentation (EGA), c'est en modifiant nos pratiques que nous réussirons à changer les choses en profondeur. Cela implique la responsabilisation de tous les acteurs.

L'État devra d'abord assurer le suivi et un contrôle strict de la mise en place des mesures. C'est pourquoi je défendrai deux amendements pour que le nombre des agents chargés des contrôles soit augmenté, et que les moyens de FranceAgriMer et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) soient renforcés.

Mais tous les acteurs de la chaîne alimentaire doivent aussi prendre leurs responsabilités avec des agriculteurs qui doivent se regrouper en organisations de producteurs afin de peser face à la grande distribution, des consommateurs qui deviennent des « consom'acteurs » et traduisent dans leur acte d'achat leurs attentes, et des enseignes de la grande distribution qui s'engagent à mieux rémunérer les paysans. Ce n'est pas gagné d'avance : j'étais ce matin au Salon international de l'alimentation (SIAL) et à entendre les échos qui nous sont remontés des négociations qui s'engagent, on ne peut pas dire que la grande distribution montre l'exemple : un certain nombre de distributeurs persistent à vouloir s'enterrer dans une guerre des prix. Il nous faudra être très vigilants, Monsieur le ministre, pour éviter de repartir dans les mêmes délires que ceux qui ont marqué les négociations commerciales de l'année passée.

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Par ailleurs, nous l'avons vu ces derniers jours, les aléas climatiques tels que les inondations et la sécheresse se multiplient, ils nous affectent tous et touchent encore plus durement le monde paysan. Ces drames humains et économiques ont un lourd impact sur l'agriculture française.

Les attentes des consommateurs ont par ailleurs changé. Notre modèle agricole et alimentaire français doit évoluer, d'une part pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur métier, d'autre part pour faire de la transition agro-écologique une priorité.

Ces deux objectifs économiques et écologiques doivent être pensés ensemble dans nos politiques : il est tout à fait possible de mieux rémunérer les paysans tout en assurant la transition vers une agriculture plus durable, qui utilise moins de produits phytopharmaceutiques et monte en gamme pour faire rayonner nos produits français de qualité à l'export.

Je tiens à préciser que les crédits alloués au Fonds Avenir bio ont été doublés, passant de 4 millions d'euros à 8 millions d'euros afin d'atteindre l'objectif d'affectation de 15 % de la surface agricole utile (SAU) à l'agriculture biologique que nous nous sommes fixé dans le projet de loi EGALIM. Avec la fin progressive des aides au maintien à l'agriculture biologique, le Gouvernement entend se concentrer sur les aides à la conversion en agriculture biologique, afin de soutenir les changements de structure d'exploitation et de marché. Le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique sera notamment revalorisé.

Encore une fois, satisfaire nos objectifs environnementaux est notre priorité. C'est aussi la priorité des agriculteurs qui ont pris conscience de la hauteur des enjeux pour leur santé comme pour la survie de leur métier : si nous ne relevons pas ensemble le défi de produire de façon plus durable et de mettre sur le marché intérieur et à l'export des produits français plus sains et de meilleure qualité, l'économie de l'ensemble de nos territoires sera en péril

Nous avons bâti une loi à partir des contraintes des agriculteurs, c'est-à-dire de leurs coûts de production, et nous les avons fortement incités à se regrouper en organisations de producteurs. Le contrat et le prix associé seront désormais proposés par celui qui vend – c'est une révolution – pour rééquilibrer le rapport de forces entre les producteurs et la filière.

Grâce à cette mesure, les paysans pourront véritablement valoriser leur travail face à la grande distribution. Le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) de 10 %, couplé à l'encadrement des promotions sur les produits agricoles et alimentaires, devrait permettre d'éviter de faire de ces produits des variables d'ajustement des prix de la distribution. Ces ordonnances doivent être publiées au plus vite.

Je tiens à insister sur le caractère expérimental de ces mesures : au bout de deux ans, nous évaluerons leurs impacts sur les prix et le revenu des agriculteurs. S'il s'avère que le relèvement du SRP et l'encadrement des promotions ne conduisent pas les distributeurs à reverser aux producteurs la marge supplémentaire qu'ils auront dégagée et que les paysans n'arrivent toujours pas à tirer un revenu décent de leur activité, nous devrons penser à d'autres types de mécanismes.

La valeur dégagée par le relèvement du SRP devrait s'établir entre 0,7 % et 2 % de marge pour les produits alimentaires. C'est pourquoi je propose de profiter de cette valeur dégagée par l'aval pour créer un fonds de transition agricole alimenté par des fonds privés issus des industries agroalimentaires et des distributeurs, en contrepartie d'engagements agro-écologiques des producteurs. L'idée est de mieux partager la valeur ajoutée dégagée par le relèvement du seuil de revente à perte d'une part, et le développement des produits à forte valeur ajoutée et environnementale, d'autre part. Car pour l'heure, des freins financiers empêchent les agriculteurs d'investir dans la transition écologique : parmi eux, nous pouvons citer l'incertitude sur les débouchés commerciaux, ou les difficultés techniques liées à la modernisation des exploitations agricoles pour aller vers des pratiques agricoles plus durables.

Ces besoins financiers varient d'une filière à l'autre et s'inscrivent sur des horizons financiers longs, allant de cinq à dix ans. Certains agriculteurs ont donc des difficultés à les faire financer par les banques qui les considèrent trop risqués. Accompagner techniquement les agriculteurs dans la transition est un des objectifs des États généraux de l'alimentation ; c'est aussi le rôle du réseau des chambres d'agriculture, des coopératives et des organismes nationaux à vocation agricole et rurale.

Des démarches privées ont déjà été mises en place pour soutenir les agriculteurs dans la transformation de leur modèle agricole. Cela a bien fonctionné, par exemple, dans les pays en développement : ainsi, des producteurs de café africains ou sud-américains sont soutenus depuis plusieurs années par des fondations et des entreprises privées pour mettre en place des modèles de commerce équitable ou démarrer une production biologique. En Allemagne, l'initiative Tierwohl prévoit une meilleure rémunération des éleveurs ayant mis en oeuvre des mesures de protection animale. Pourquoi ne pas développer ces mêmes schémas pour soutenir et accompagner nos paysans français dans la transition écologique ? C'est le but du fonds que je propose de créer.

Ce fonds serait également porté par des crédits publics, dans la continuité du Grand plan d'investissement qui prévoit déjà divers mécanismes de garantie bancaire et de prêts aux agriculteurs. Il devra donc produire un effet levier de financement et, à la fois, assurer un débouché pour les produits français de qualité.

L'année prochaine, dans le budget du Grand plan d'investissement (GPI) consacré à l'agriculture, 216 millions d'euros seulement seront utilisés sur les 5 milliards d'euros mis à disposition jusqu'en 2022. À cet égard, Monsieur le ministre, je me permets de vous demander comment seront utilisés les montants engagés dans le cadre du GPI.

Nous devrons par ailleurs garder à l'esprit que le budget de l'agriculture française que nous allons discuter aujourd'hui est complètement inséré dans la PAC décidée au niveau européen. C'est pourquoi le prochain budget de la PAC devra absolument être préservé dans la future réforme malgré le Brexit. La nouvelle PAC devra intégrer les objectifs ambitieux des EGA en matière de rémunération des agriculteurs, de prise en compte des différents risques, et en matière de transition agricole vers un modèle plus durable et plus respectueux de l'environnement.

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Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

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Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier pour votre présence, moins d'une semaine après votre prise de fonction, et à vous assurer de l'engagement des députés de la majorité à travailler à vos côtés.

Depuis seize mois, nous avons pris à bras-le-corps la question de la transformation de notre modèle agricole et alimentaire, et je crois que nous pouvons être fiers des nombreux chantiers engagés : adoption du projet EGALIM, mise en oeuvre du plan Ambition bio, ou encore présentation d'un plan ambitieux pour le bien-être animal.

En tant que président de la mission d'information commune sur le foncier agricole, j'ajouterai aussi le grand chantier qu'il faudra engager sur les problématiques liées au partage de la terre et à la lutte contre l'artificialisation des sols. La mission rendra ses conclusions au début du mois de décembre. Avec mes collègues Mme Anne-Laurence Petel et M. Dominique Potier, nous serons à votre entière disposition pour faire avancer ce dossier crucial pour l'avenir de l'agriculture.

Mais revenons au budget. Celui-ci s'inscrit dans la continuité de nos engagements, avec des crédits qui s'élèvent à 2,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement, et à 2,8 milliards d'euros en crédits de paiement.

J'entends déjà les critiques sur la baisse des crédits observée sur un an, mais cette baisse s'explique par l'alignement de certains allégements de cotisations sociales sur le régime général, et le rééquilibrage de la provision pour aléas.

Ce budget illustre plusieurs grandes priorités du Gouvernement, soutenues par le groupe La République en Marche.

Tout d'abord, celle de la transformation de l'agriculture, à travers l'innovation et l'investissement. Le volet agricole du Grand plan d'investissement devrait être doté de 5 milliards d'euros ; sont prévus dans ce budget pour 2019 158 millions d'euros en autorisations d'engagement et 216 millions d'euros en crédits de paiement. Pour rappel, le Grand plan d'investissement prévoit d'affecter 1 milliard d'euros à un fonds de garantie, afin de valoriser l'installation des jeunes agriculteurs, mais aussi de consacrer 100 millions d'euros à un fonds de prêts afin d'accompagner le financement des projets de méthanisation agricole.

Je souhaite également saluer le travail du rapporteur, M. Jean-Baptiste Moreau, en faveur de la transition agricole. Il devient urgent d'aider les agriculteurs à la modernisation de leurs exploitations, et à avancer vers la transition écologique et la montée en gamme de leurs produits.

Ensuite, je veux souligner la mise en place du programme Ambition bio 2022 annoncé par le Gouvernement en juin dernier. Au regard de la forte demande des consommateurs et de la hausse exponentielle du bio en France, il est indispensable de poursuivre les aides en faveur de la conversion. Je souhaiterais toutefois vous interroger, Monsieur le ministre, sur les moyens qui seront déployés pour accompagner la mise en oeuvre de l'article 11 du projet de loi EGALIM, et réussir à traduire dans les faits l'objectif de 50 % de produits locaux, dont 20 % bio dans la restauration collective d'ici 2022. La mise en oeuvre de cette mesure devra passer par des politiques d'aide à la structuration de filières territorialisées pour accompagner l'approvisionnement de la restauration collective, et faciliter la commande publique et privée au niveau local. En outre, la formation des gestionnaires, acheteurs publics, cuisiniers et personnels de la restauration collective publique est essentielle pour la réussite de la réforme.

Parmi les principaux crédits de la mission, je souhaite m'arrêter un instant sur l'enveloppe budgétaire de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) : 248 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une augmentation de 20 millions d'euros.

Enfin, si ces mesures ne sont pas examinées dans le cadre de cette mission budgétaire, je veux souligner les nombreuses avancées obtenues en matière de fiscalité agricole dans le cadre de l'examen de la première partie du PLF. Le travail transpartisan engagé au début de l'année aura permis d'aboutir à un texte ambitieux, avec de nouveaux outils pour nos agriculteurs.

Je crois donc que ce budget est l'illustration de notre volonté de transformer en profondeur notre modèle agricole. Et le groupe La République en Marche votera bien évidemment en faveur des crédits de cette mission.

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Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce budget 2019 n'est pas un bon signal pour notre agriculture : avec une baisse de plus de 16 % tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, on voit clairement que l'agriculture n'est pas la priorité du Gouvernement.

Le Gouvernement justifie cette baisse par la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Or cette baisse ne représente qu'un coût de 272 millions d'euros, et non de 552 millions d'euros comme c'est pourtant le cas.

Tous les programmes connaissent des baisses, mais la plus forte est celle portant sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture », qui perd 504 millions d'euros. C'est d'autant plus grave que ce programme porte sur les principaux dispositifs structurants de l'agriculture, notamment le cofinancement national des mesures de développement rural de la PAC : soutien à l'élevage dans les zones soumises à des contraintes naturelles, installation des jeunes agriculteurs, accompagnement des projets d'investissement des exploitations agricoles, mesures agro-environnementales.

Ce budget 2019 semble n'avoir été bâti qu'au prisme des attentes de Bercy, sans tenir compte des besoins des agriculteurs ni d'un contexte agricole préoccupant : conséquences de la sécheresse de cet été, poids des charges et des contraintes nouvelles qui leur sont imposées, notamment par la loi EGALIM, suppression des exonérations de charges pour les travailleurs saisonniers agricoles qui pourrait s'avérer redoutable pour nombre de secteurs, comme le maraîchage, les vins et les fruits, baisse des aides la PAC, refonte de la fiscalité s'agissant du foncier agricole, enfin, endettement supérieur à la moyenne européenne.

Comment expliquer les fortes baisses de crédits pour les opérateurs d'État, l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), et même l'Agence de services et de paiement, qui n'arrive déjà pas aujourd'hui à instruire suffisamment rapidement les demandes de paiement des aides de liaison entre les actions de développement de l'économie rurale (LEADER) sur les territoires, ce qui risque de nous faire perdre des millions d'euros de crédits de ce programme utile au développement des campagnes ?

Comment expliquer également la baisse en autorisations d'engagement des dotations aux jeunes agriculteurs (DJA) ? Alors que le renouvellement des générations est au coeur des préoccupations de nombre de paysans, on donne le sentiment que l'an prochain, on accompagnera moins ces transmissions de flambeau.

Enfin, comment peut-on afficher un désengagement de l'État dans le bio, un domaine mis en avant par EGALIM, stratégique et porteur en termes de marché, pour lequel la demande est forte et croissante, au point que nous avons du mal à fournir ? Les autorisations d'engagement passent en effet de 81 à 63 millions d'euros, et les crédits de paiement de 147 à 103 millions d'euros.

Quel dommage de ne pas être plus offensifs pour soutenir les conversions et les premières années, alors qu'il est prévu, au niveau européen, une diminution des aides de la PAC sans que cela n'émeuve a priori la France et le Président de la République ? L'absence de volontarisme budgétaire n'est pas encourageante pour la profession, qui s'inquiète à juste titre de l'abandon d'une politique agricole européenne forte, soutenue par une politique agricole française ambitieuse.

Pour les députés du groupe Les Républicains, ce budget ne répondra pas aux attentes du secteur agricole. Monsieur le ministre, vous ne débutez pas vos fonctions sous les meilleurs auspices. Entre ce budget étriqué et une loi EGALIM très attendue par le monde agricole, mais qui est en train de faire « pschitt ! », comme vous l'aviez d'ailleurs vous-même prévu, c'est toute notre agriculture qui tremble, avant, j'en ai bien peur, de se révolter.

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Madame notre brillante présidente, Monsieur notre inoxydable rapporteur (Sourires), je voudrais souhaiter la bienvenue à notre ministre et lui dire que nous avons hâte de travailler avec lui sur un sujet qui nous concerne tous et toutes sur nos territoires.

La discussion de la mission « Agriculture » s'inscrit dans un contexte particulier car notre assemblée vient d'adopter le premier texte agricole de la législature, qui ambitionne de soutenir nos agriculteurs en mettant en valeur leur métier. Pour ce faire, il actionne deux leviers novateurs : la valorisation de la restauration collective, souvent synonyme de malbouffe, pour promouvoir des produits alimentaires de qualité, et surtout la logique de construction des prix pour une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les acteurs.

À ce titre, je regrette que, symboliquement, le deuxième budget agriculture de la législature apparaisse en baisse : il était de 5,2 milliards d'euros pour l'ensemble du ministère l'année dernière ; il est de 4,7 milliards d'euros cette année.

Certes, cette baisse s'explique par le remplacement des dispositifs TODE et CICE par le régime général d'exonération des cotisations sociales. Ainsi, ce qui était imputé au ministère au titre de ces dispositifs apparaît désormais au budget du régime général de la sécurité sociale. La baisse ne concerne pas les autres programmes de la mission agriculture.

Pour ce qui est du TODE, ce sont moins les conséquences réelles de la suppression du dispositif qui me laissent perplexe que la façon dont elle a été annoncée. Il importe en effet d'expliquer aux agriculteurs que ce mécanisme sera remplacé par un dispositif de réduction générale des cotisations patronales sur les salaires (dite « réduction Fillon »), renforcé par rapport au dispositif 2018, et que la majorité des employeurs agricoles en sortira gagnante. Certes, quelques exploitations seront impactées plus fortement, et il faudra en tenir compte. Monsieur le ministre, avez-vous des propositions à nous faire concernant ces cas spécifiques ?

Je tiens à saluer en revanche les choix forts du Gouvernement pour la création d'un dispositif d'épargne de précaution, simple dans sa mise en oeuvre. Il permettra aux exploitants de se constituer une épargne conséquente pour surmonter les difficultés et les aléas.

Concernant les hausses de crédits, il est appréciable que le Gouvernement ait souhaité mettre l'accent sur l'installation des jeunes agriculteurs, notamment avec la dotation jeunes agriculteurs (DJA). L'article 53 propose de baisser le taux d'abattement pour les jeunes agriculteurs qui dépassent certains seuils, mesure qui peut sembler de justice fiscale. Toutefois, pourriez-vous nous expliquer comment sera traitée fiscalement la DJA ?

Je me réjouis aussi, au nom du groupe MODEM, de l'augmentation de 3 millions d'euros en direction du Fonds stratégique de la forêt et du bois. Mon groupe s'était fortement investi l'année dernière en faveur de la filière forêt-bois, afin de prendre en compte l'extrême morcellement de la propriété forestière. Sur ce sujet, j'appelle votre attention sur la fin d'une expérimentation qui permettait aux gestionnaires forestiers d'accéder au cadastre numérique et ainsi d'identifier facilement les propriétaires pour proposer une gestion commune. Comptez-vous prolonger cette expérimentation très utile pour faire face au morcellement de la propriété forestière ?

Enfin, je profite de ce temps d'échange pour aborder le sujet de la PAC. Pourrions-nous envisager la constitution d'un petit groupe de parlementaires pour suivre spécifiquement, à vos côtés, l'évolution des négociations sur la réforme à venir ? Les parlementaires que nous sommes sont très sollicités par les agriculteurs de nos circonscriptions sur ce sujet, alors que sur le fond nous n'avons aucune prise. Le suivi de ce dossier par la Représentation nationale aurait tout son sens dans ce cadre-là.

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Monsieur le ministre, je tiens à vous dire que je suis heureux de vous retrouver.

Je souhaite avoir une pensée pour votre prédécesseur, même s'il n'est pas commun de l'exprimer en commission, car il n'a pas démérité. Je reconnais en effet qu'il est compliqué d'être ministre de l'agriculture dans le contexte que nous connaissons. Nous aimerions que les agriculteurs puissent enfin vivre vraiment de leur métier, ce qui n'est pas encore le cas.

Dès lors que l'on avait mis tout le monde autour de la table, les États généraux de l'alimentation auraient dû créer un consensus autour de l'objectif du revenu agricole et de la qualité de l'alimentation que l'on souhaitait dans notre pays, et sur le rôle de l'agriculture en France, en Europe et dans le monde. Or force est de constater qu'à l'issue de ces États généraux de l'alimentation, tout le monde se tire dans les pattes… Nous ne sommes pas parvenus au nécessaire rééquilibrage entre les producteurs et la grande distribution. Il faudra que vous soyez très vigilant sur la question du seuil de revente à perte et que vous en mesuriez les réelles conséquences. Beaucoup de doutes et d'interrogations subsistent également, notamment en ce qui concerne le bien-être animal. À cet égard, vous allez devoir faire un vrai travail sur la filière élevage eu égard aux actions menées à l'encontre des bouchers et des abattoirs.

S'agissant du plan Écophyto II, quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour permettre une diminution drastique de l'usage des produits phytosanitaires ? Au-delà de la feuille de route que vous déclinez pour mettre fin à l'usage du glyphosate, j'aimerais que soit engagée une vraie réflexion approfondie sur l'ensemble des produits, herbicides, fongicides ou insecticides, et qu'on puisse faire le tri dans tout cela : on ne peut pas se contenter d'avis d'organismes ou d'experts qui nous disent que certains produits seraient « probablement » cancérigènes. Pour ma part, je fais confiance au Gouvernement pour la mise en extinction de certains produits dangereux, et si je me suis opposé, à la suite des États généraux de l'alimentation, à l'inscription dans la loi de la fin immédiate du glyphosate, c'est parce qu'il convient de définir une méthode. À cet égard, je salue le travail du rapporteur et des députés qui ont voté cette disposition. Monsieur le ministre, il va falloir que vous soyez clair sur l'ambition, le calendrier, l'objectif et la méthode.

Dans le domaine de la sécurité sanitaire, souvenons-nous de l'accident survenu il y a quelques mois chez Lactalis. Quels moyens supplémentaires entendez-vous consacrer à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ? Nous avons là un organisme d'une qualité exceptionnelle au niveau européen et mondial ; je souhaiterais que des crédits importants lui soient attribués, ce qui n'est pas le cas dans le présent budget. Par ailleurs, le rapporteur pour avis a indiqué qu'il défendra deux amendements visant à doter la DGCCRF et FranceAgriMer de moyens supplémentaires.

Je voudrais appeler l'attention du rapporteur pour avis et du ministre sur la nécessité d'apporter du conseil à nos agriculteurs et non pas systématiquement du contrôle et de la sanction. Si l'on veut tirer l'agriculture française et les agriculteurs vers l'excellence – pour ma part, j'ai toujours dit que nous avions les meilleurs agriculteurs du monde –, il faut que la puissance publique, notamment dans son action de contrôle, change de postulat et se mette dorénavant dans le registre du conseil.

Enfin, je souhaite aborder la question de l'employabilité en agriculture. Sans revenir sur la séquence des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi ni sur le CICE que le Gouvernement transforme en allégements de charges, ce qui est une bonne chose, j'appelle votre attention sur le fait que l'agriculture est pourvoyeuse d'emplois, que l'on soit dans un département d'élevage ou de polyculture – vous le savez bien, vous qui êtes de la Drôme. Il faudrait réfléchir à la manière dont on pourrait faciliter les recrutements dans les exploitations, et alléger les charges qui pèsent tant sur le salarié que sur l'agriculteur employeur. Cela permettrait à des personnes qui n'ont pas nécessairement une qualification de base de mettre le pied à l'étrier dans les métiers de l'agriculture et de l'environnement.

Enfin, les élections dans les chambres d'agriculture auront lieu au mois de janvier prochain. Quelle est votre vision du rôle des chambres d'agriculture ?

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Monsieur Benoit, j'ai été bercée par vos mots et je vous ai laissé largement dépasser votre temps de parole. On pourrait penser que vous êtes privilégié, ce qui n'est pas le cas.

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Madame la présidente, si vous ne m'accordez pas cinq minutes, cela va mal se passer !

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Dans ce cas, il nous faudra un peu plus de cinq minutes, Madame la présidente ! Heureusement, c'est toujours un bonheur d'écouter parler M. Thierry Benoit !

Je veux tout d'abord saluer le nouveau ministre de l'agriculture à qui je souhaite la meilleure réussite du monde. Je veux lui dire qu'il est à la tête d'une grande administration que j'ai eu l'occasion de fréquenter lors de mon précédent mandat, qui est extrêmement dévouée et qui a une éthique très forte. Notre pays a l'une des paysanneries les mieux organisées et les plus performantes du monde et une société qui est en train de comprendre les enjeux alimentaires et agricoles. Si les États généraux de l'alimentation ont servi à quelque chose, c'est bien à révéler cette passion française pour la gastronomie, pour l'agronomie et les questions agricoles. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas ne pas réussir. Sachez que les socialistes feront tout pour être force de propositions, pour faire preuve de discernement et de responsabilité, comme ils l'ont fait depuis le début de cette législature avec votre prédécesseur que je salue amicalement.

Je salue également le travail qu'a accompli notre rapporteur pendant l'examen du projet de loi EGALIM et depuis le début de ce mandat ; au-delà de nos désaccords, nous avons une estime réciproque et je tiens à le féliciter pour son investissement personnel.

Le Grand Est traverse actuellement une sécheresse dramatique, comme c'est le cas dans d'autres régions. Aussi est-il urgent que vous donniez suite, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent, aux responsables régionaux – demain matin, je serai en réunion avec M. Jean Rottner –, à tous les responsables paysans des chambres agriculture, des syndicats qui sollicitent un rendez-vous pour envisager un plan afin d'éviter d'ajouter du malheur au malheur. La situation est extrêmement grave dans nos régions, les fourrages d'hiver sont déjà consommés.

Cette sécheresse nous alerte sur les conséquences du changement climatique en ce qui concerne les questions agricoles à l'échelle de nos territoires, de l'Europe et du monde. La Food and Agriculture organization (FAO) nous a alertés sur les conséquences dramatiques qu'aurait le changement climatique sur la qualité nutritionnelle, les surfaces cultivables et les rendements. C'est une alerte rouge que nous devons prendre très au sérieux, il faut réfléchir à la manière dont l'agriculture peut être une partie de la solution et dont elle pourra, dans la mesure du possible, gérer les adaptations nécessaires.

Un débat important a eu lieu sur la poursuite des allégements de charges pour les emplois saisonniers, mais j'avoue ne pas avoir tout compris. J'aimerais que vous preniez quelques minutes aujourd'hui pour nous dire si tout est vraiment réglé, car pour être au rendez-vous de la compétitivité, les employeurs de main-d'oeuvre saisonnière ont besoin de continuer à bénéficier du soutien qu'ils avaient eu jusqu'à présent.

Monsieur le ministre, vous allez beaucoup légiférer par ordonnances, ce que nous avions déjà condamné auprès de votre prédécesseur. J'appelle votre attention sur un sujet, celui de réforme de la coopération agricole. Je rappelle que le système coopératif agricole, par lequel passe 40 % du commerce agricole, est une fierté française, le leader de l'économie sociale. C'est un domaine qui me tient à coeur, qui tient à coeur à M. Jean-Baptiste Moreau et à tous mes collègues. Ne réformez pas la coopération agricole dans votre coin, seulement avec des spécialistes : le Parlement doit être associé aux solutions qui ont été apportées pour moderniser et peut-être parfois rendre plus éthique la coopération agricole. Nous sommes à votre disposition et nous sommes prêts à former un groupe de travail pour aller dans ce sens.

Vous avez omis de citer la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin 2) qui avait été adoptée à l'unanimité et qui avait jeté les bases de ce que nous peaufinons aujourd'hui. S'agissant de l'absence d'indicateurs publics, le rapporteur nous dit qu'il faut attendre et voir s'il faut aller plus loin. Je pense que tous les signaux nous disent qu'il faut aller plus loin : le plus tôt sera le mieux, n'attendons pas deux ans car les paysans n'en peuvent plus.

À défaut de réformer la PAC en profondeur, de remettre en cause des traités internationaux et de mettre au point des indicateurs publics fiables, on fait avec les moyens du bord : la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) n'a pas été remise en cause, les grands indicateurs n'ont pas été modifiés. Nous avons proposé des leviers de changements internes à la profession : les plans alimentaires territoriaux (PAT), la haute valeur environnementale (HVE), l'agriculture de groupe, les appellations d'origine protégée (AOP), un plan protéines. Sur tous ces sujets, nous avons été trop peu entendus. Les amendements que nous présenterons tout à l'heure visent à rouvrir des pistes d'engagement dans ces différents chapitres.

Soucieux de préserver mes bonnes relations avec notre présidente, j'en viens à ma conclusion… Nous souhaitons vous interpeller sur deux lignes rouges : d'abord, sur le fonds d'indemnisation des victimes de produits phytosanitaires, sujet qui vous tient à coeur et que vous avez traité au Sénat de manière glorieuse, et à l'unanimité. C'est le moment de faire un premier pas, de ne pas reporter le débat ; sur la question du foncier ensuite, mais j'y reviendrai tout à l'heure.

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Madame la présidente, une fois n'est pas coutume, je veux exprimer une satisfaction dans cette commission, celle de voir dans cette salle deux photographies illustrant le dynamise de mon territoire : Alpine, symbole du made in France possible dans l'industrie, et le port de pêche de Dieppe. À cet égard, j'espère que nous aurons l'occasion de parler pêche, Monsieur le ministre, parce que cette économie réelle souffre.

Vous avez eu l'honnêteté de rappeler les deux lois qui ont échoué, celle de M. Bruno Le Maire et celle de M. Stéphane Le Foll, et je redoute que les espoirs suscités par les États généraux de l'alimentation, n'aboutissent au même résultat avec la loi « coquille vide », autrement dit la loi EGALIM. Toutes ces lois se sont privées des outils publics qui auraient permis une véritable inversion du mode de construction des prix et une construction transparente. Même en tenant compte du changement de périmètre, les allégements spécifiques de charges sociales pour le secteur agricole étant désormais transférés au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour un montant de 420 millions d'euros, il n'en demeure pas moins que nous assistons à une véritable hémorragie budgétaire puisque la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » perdra 154 millions d'euros de crédits de paiement.

L'action n° 27 du programme 149 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et de gestion des interventions » qui regroupe les moyens des opérateurs tels que l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), l'Agence Bio, FranceAgriMer, l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM), l'Agence de services et de paiement (ASP), l'Office de développement agricole et rural corse (ODARC), etc., fait l'objet d'un réel serrage de vis. Et je tiens à vous faire part de mon incompréhension en voyant la préconisation de la commission d'enquête Lactalis de créer 800 équivalents temps plein jetée aux orties, alors que cette affaire avait été au coeur des préoccupations des consommateurs et plus généralement de nos concitoyens.

S'agissant de la PAC, vous avez réaffirmé votre opposition aux préconisations de la Commission européenne. Nous verrons si vous tenez bon ; en tout cas, vous pouvez compter sur les parlementaires. Je remarque toutefois que la future PAC est en discussion alors que dans le même temps l'Europe négocie une dizaine d'accords de libre-échange tous lourds de conséquences pour notre agriculture. Alors que nous assistons encore malheureusement à des suicides d'agriculteurs, nous craignons que la direction générale (DG) « commerce » ne se serve de l'agriculture comme variable d'ajustement et que les traités de libre-échange ne mettent en miettes notre volonté d'assurer notre souveraineté alimentaire et d'améliorer la sécurité alimentaire pour la santé de nos concitoyens. Nous sommes donc résolument opposés aux traités de libre-échange qui vont affecter cette économie réelle.

Je veux également insister sur le caractère dérisoire des crédits consacrés à la gestion des crises et des aléas de la production agricole, notamment à travers l'action n° 22 du programme 149. Alors que M. Jean-Paul Dufrègne a interpellé le Gouvernement lors des questions d'actualité sur l'urgence à se rendre au chevet des agriculteurs qui ne peuvent pas assumer le coût des aléas climatiques, force est de constater que le compte n'y est pas dans ce budget. Nous persistons à demander le renforcement d'un Fonds national de gestion des risques agricoles pour aller vers un véritable régime d'assurance mutuelle publique susceptible de bénéficier à tous, avec des ressources financières élargies, des contributions spécifiques du secteur agroalimentaire et des distributeurs.

Enfin, Monsieur le ministre, nous souhaitons que cette première audition soit l'occasion de nous rassurer quant à votre volonté d'en finir réellement, concrètement, avec l'utilisation des produits phytosanitaires. La sortie du phyto implique des plans d'accompagnement, des plans de sortie et des moyens pour la recherche, que je ne vois pas dans ce budget. Serait-ce le signe d'un renoncement ? Nous souhaitons que, sur ce sujet-là au moins, la promesse présidentielle soit tenue.

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Mes chers collègues, j'ai laissé les orateurs dépasser leur temps de parole. Sachez qu'à l'avenir je serai bien plus vigilante et que je n'hésiterai pas à vous couper la parole.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Madame la présidente, combien me laissez-vous de temps ? Si vous ne m'accordez que cinq minutes, je ne pourrai pas répondre à toutes les questions.

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On vous en a posé une bonne dizaine. Acceptez-vous d'être synthétique ?

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

C'est une bonne réponse, mais ce n'était pas ma question… (Sourires)

Mesdames, Messieurs les députés, j'essaierai d'être le plus bref possible tout en vous répondant le plus précisément possible. Et je vous indique que nous serons amenés à nous revoir.

Un budget ne vaut que ce qu'il permet de faire. Cela fait trente ans que je travaille sur des budgets. Se borner à dire qu'un budget augmente de 5 % ou qu'il baisse de 10 % n'a aucun sens. Ce budget a-t-il les moyens de son ambition ? Permet-il des actions de développement agricole, de préserver l'environnement, la transition vers l'agro-écologie, de développer le bio et la meilleure protection sanitaire possible ? À ces questions, je réponds oui, et je vais tenter de vous le démontrer.

Ce budget de 4,6 milliards d'euros est en fait intégré dans une masse de 23 milliards consacrés aux actions pour l'agriculture française. C'est pourquoi, Madame la présidente, la question que vous avez posée tout à l'heure sur la PAC est essentielle : si les choses devaient en effet mal se passer pour la PAC, ce sont des pans entiers de notre agriculture qui seraient en souffrance. Nous savons très bien que ce combat sera difficile.

Monsieur Nury, je ne peux laisser dire que la France se désintéresserait totalement de la politique agricole commune. C'est totalement faux : le Président de la République a même été le premier à dire à la chancelière allemande qu'il n'était pas question de brader la politique agricole commune, qui devait au contraire demeurer la première politique intégrée, avec des moyens pour l'ensemble des pays, les plus petits comme les plus grands pays agricoles, et notamment la France qui est le leader. La politique menée par le Gouvernement français va dans cette direction. Nous n'acceptons pas la proposition de la Commission européenne en ce qui concerne la future politique agricole commune ; c'est un point sur lequel nous devrions pouvoir faire l'unanimité, et les parlementaires français, comme ceux des autres pays, ont un rôle à jouer à Bruxelles à cet égard.

Sécurité sanitaire, transition vers l'agro-écologie, compétitivité et préparation de l'avenir : voilà ce qui figure dans ce budget.

J'ai souhaité faire mon premier déplacement sur le thème de la formation de l'enseignement agricole, de la recherche et de l'innovation. La transition écologique ne pourra se faire que si les jeunes qui s'installent dans les territoires sont formés. On n'intègre plus l'exploitation familiale de ses parents comme avant, même s'il y avait de bonnes pratiques, puisque 80 % des installations se font aujourd'hui hors cadre familial. La formation doit donc être encore meilleure. Alors que 200 000 chefs d'exploitation cesseront leur activité d'ici dix à quinze ans, on est bien en peine de savoir s'ils pourront être remplacés.

Mais si l'on veut que les choses avancent dans la bonne direction, encore faut-il que le métier d'agriculteur redevienne attractif. Celles et ceux qui aiment l'agriculture auront réussi le jour ou l'on dira que l'agriculture a un avenir et que le métier d'agriculteur est un métier d'avenir. La première chose à faire consiste à travailler à partir de la loi EGALIM. J'ai entendu dire tout à l'heure que cette loi était un échec ; il est difficile de le savoir alors qu'elle ne sera promulguée que dans une semaine et les ordonnances prises dans six mois… C'est seulement l'année prochaine ou dans deux ans que l'on pourra dire si cette loi aura été un échec ou un succès, pas aujourd'hui. Que vous ayez des doutes, des craintes, que vous trouviez qu'on ne va pas assez loin, je peux l'entendre ; mais je ne peux accepter le défaitisme Si nous voulons redonner un peu de force et de vigueur aux agriculteurs, encore faut-il que les parlementaires ne passent pas leur temps à dire que cette loi n'est pas bonne ! Battons-nous pour qu'elle soit meilleure.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne rédigerai pas les ordonnances dans mon coin. C'est pourquoi je suis très favorable à la création d'un groupe de travail avec les parlementaires. Ma porte est ouverte et la transparence est totale. Nous devons réussir ensemble, même avec ceux qui n'ont pas voté la loi, ceux qui pensent qu'elle ne va pas assez loin et qui auraient voulu faire autre chose : comme l'a dit l'orateur du groupe La République en Marche, cette loi s'appliquera à tous. De deux choses l'une : ou bien on laisse faire ceux qui veulent la faire vivre, ou bien on s'y met tous ensemble. Je vous engage à vous y mettre tous ensemble, car il y va de l'avenir de notre agriculture et de nos agriculteurs.

Je suis toujours assez épaté en entendant certains responsables politiques vouloir revenir à un budget à l'équilibre, supprimer les niches fiscales, réduire le plus possible le déficit, diminuer les dépenses publiques, tout en s'opposant à chaque fois que l'on propose une baisse : Il faut être cohérent : si l'on veut que les finances soient à l'équilibre en 2022, il faut que tout le monde fasse des efforts. C'en est fini des budgets, à l'exception des secteurs préservés, comme la sécurité, l'enseignement, etc., qui progressent chaque année de 5 ou 10 %. S'il ne faut pas baisser ceci, ni baisser cela, comment voulez-vous équilibrer le budget ? Il faut raisonner en termes d'efficacité. Le présent budget a la capacité d'être exécuté ; aucune action politique en direction de l'agriculture n'est mise à mal. C'est pour cela que je préférerais que vous évoquiez d'autres pistes plutôt que de parler d'un budget en baisse ou d'un manque d'ambition. Je maintiens que ce budget donne à l'agriculture les moyens d'avancer. Et je rappelle que nous ne sommes pas dans le cadre d'une alternance : on a seulement changé de ministre… À cet égard, j'ai salué à plusieurs reprises l'action de M. Stéphane Travert qui a fait du bon travail. Ce budget s'inscrit dans le prolongement de celui de l'année dernière, il est dans la feuille de route fixée par le Président Macron et nous avons les moyens de fonctionner dans tous les domaines. On a parlé du bio : 1,1 milliard d'euros nets sont consacrés au programme Ambition bio 2022. A-t-on jamais mis autant d'argent sur la table ? Et avec le bio, il est possible de continuer à installer des jeunes, de faire de la conversion et des transmissions d'exploitations.

Pour avoir été pendant onze ans le président du premier département bio de France, premier département sans organismes génétiquement modifiés (OGM), premier département zéro phyto, premier département à avoir fait les circuits courts, à avoir créé le réseau Agrilocal auquel participent dorénavant trente ou trente-cinq départements, je soutiens qu'il est possible aujourd'hui, avec la production bio française, de nourrir les élèves de nos cantines, les papys et les mamies de nos établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) comme les patients dans nos hôpitaux. Tout à l'heure, l'un d'entre vous a indiqué que tel conseil départemental ou telle collectivité avait investi de l'argent dans le bio : c'est cela, la coproduction. Pour notre part, nous avons inscrit 1,1 milliard d'euros en direction du bio, mais il faut aller plus loin. De nombreuses collectivités locales, qu'elles soient de gauche ou de droite, en font un cheval de bataille, tout simplement parce que nos concitoyens nous le demandent. Et on ne reviendra pas en arrière.

Ce budget a donc les moyens de répondre aux crises, de mettre en place des politiques ambitieuses et d'essayer d'avancer pour combattre ce défaitisme.

Un mot sur les baisses de charges et les TODE. Il y a un mois, alors que j'étais encore sénateur, j'avais interrogé le ministre de l'agriculture, lors des questions d'actualité, sur le TODE, pensant que la suppression du TODE était une erreur. Depuis que je suis ministre, je n'ai pas changé d'avis. D'ailleurs, lorsque le Président de la République m'a nommé ministre de l'agriculture, j'ai évoqué ce sujet, car il n'était pas question que je dise l'inverse de ce que j'avais dit un mois plus tôt. Il y a une trajectoire économique et sociale : le Président de la République veut remplacer le CICE par des baisses de charges afin que cela se traduise immédiatement par des augmentations de pouvoir d'achat – et on commence à le voir. Ceux qui défendent le TODE, ce sont ceux qui veulent supprimer les niches fiscales à condition qu'il ne s'agisse pas des leurs ou de celles qui les intéressent…

Globalement, le paquet économique agricole est très positif. Lorsque l'on regarde le différentiel entre la baisse des charges, les aides et la suppression du TODE, on voit que le paquet est très positif pour la ferme France, si on la prend dans son ensemble.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Sur l'ensemble, la ferme France y gagne, à l'exception des exploitations agricoles qui ont peu de salariés permanents et beaucoup de travailleurs saisonniers : ces agriculteurs-là y perdent. Le Premier ministre vient de rendre son arbitrage et a accepté des compensations. Le Gouvernement a donc déposé un amendement qui prévoit une exonération de charges à 1,1 salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), ce qui représente un coût d'un peu plus de 80 millions. Le groupe majoritaire a proposé un allégement à 1,15 SMIC, ce que le Gouvernement a accepté, qui représente 105 millions d'euros, à comparer aux 144 millions d'euros accordés précédemment. Je pense que tout le monde sera d'accord pour aller dans cette direction. Je veux bien que vous me disiez que le compte n'y est pas et que l'on n'est pas revenu au statu quo ante, parce que la trajectoire retenue par le Président de la République est de baisser les charges et de supprimer les niches fiscales, mais vous verrez que cette mesure concerne un grand nombre d'exploitations. Je remercie donc le groupe majoritaire…

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

d'avoir obtenu cet arbitrage et je serai heureux de donner un avis favorable, demain après-midi, sur cette mesure. J'espère que l'ensemble des députés porteront cette mesure.

Le rapporteur pour avis a raison : tout le dispositif de la loi EGALIM pourrait capoter si les négociations commerciales se passent mal ; et on sait que cela peut arriver. Mais si elles devaient mal se passer à cause des grandes entreprises de distribution, alors il faudrait mobiliser les consommateurs et la population.

On nous répète que les Français sont prêts à payer plus cher pour avoir une nourriture de bonne qualité. Moi, je dis que ce n'est pas vrai. Certains seront capables de payer plus cher parce qu'ils en ont les moyens, mais je connais plein de gens, de la Drôme ou d'ailleurs, qui ne le peuvent pas. Je ne peux pas accepter qu'il y ait d'un côté la bonne bouffe pour les riches et de l'autre la mauvaise bouffe pour les pauvres. Il est indispensable que les industriels, les transformateurs et la grande distribution fassent des efforts pour permettre aux Françaises et aux Français de se nourrir de produits, transformés ou non, de très grande qualité avec la sûreté sanitaire la meilleure possible, mais à un prix abordable. On ne peut pas passer d'un système dans lequel les agriculteurs faisaient les frais de cette course folle en étant rémunérés à un prix de vente inférieur à leur prix de revient à un système de rabais, remises et ristournes où l'on fait de la publicité pour vendre un produit à un prix inférieur à celui que vend l'agriculteur. Ce n'est plus possible. Il faut défendre cette loi parce qu'elle met des garde-fous, elle fixe des seuils de revente à perte et la limitation des promotions. Un travail est en cours avec le médiateur des relations commerciales agricoles. Et si les choses se passent mal, on y va, name and shame, comme on dit dans la Drôme (Sourires). N'ayez crainte, j'irai parce que je n'ai peur de personne – sauf évidemment de vous bien sûr, Mesdames et Messieurs les députés… Mais nous devrons avancer dans cette direction.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Vous m'avez posé une question sur les concours publics de l'agriculture en 2019 qui sont en hausse par rapport à 2018 alors que les fonds communautaires restent stables.

Monsieur Sempastous, vous m'avez interrogé sur la question du foncier sur laquelle vous travaillez avec Mme Petel et M. Potier. C'est un sujet important pour la compétitivité de l'agriculture et la transmission des exploitations. Je sais que vous êtes convaincu que l'avenir de l'agriculture, c'est la transmission. Si nous ratons la transmission dans les années qui viennent, c'en est fini de notre histoire culturelle. Il faut faire évoluer nos outils de régulation. Sachez que je vous soutiendrai dans ce cadre et que le Gouvernement s'appuiera sur les conclusions de votre mission pour essayer d'aller beaucoup plus loin.

Tout à l'heure, vous parliez de l'objectif de 50 % de produits bio dans les cantines. Il est facile d'y parvenir si la volonté est au rendez-vous. De plus en plus de mairies et de conseils départementaux s'engagent dans cette démarche.

Monsieur Nury, vous avez dit que la loi EGALIM avait fait « pschitt ». On verra si c'est le cas, mais seulement une fois qu'elle aura été promulguée… Bien entendu, le nouveau cadre légal ne produira pas ses effets instantanément, cela suppose que tout le monde se mobilise : les producteurs, les industriels, les transformateurs et les consommateurs.

Près de 350 millions d'euros sont déployés en faveur de la politique d'installation, ce qui correspond au même niveau que l'année dernière qui lui-même était légèrement supérieur aux années précédentes. Je ne vois donc pas ce qui peut vous inquiéter. Pour ma part, ce qui me préoccupe, ce n'est pas l'argent qui est consacré : si l'on devait installer davantage d'agriculteurs, on trouverait les moyens nécessaires. Ce qui manque aujourd'hui, ce sont les jeunes qui souhaitent s'installer, et c'est bien cela que nous devons faire changer dans notre réflexion politique.

Quant aux crédits attribués aux opérateurs, ils ne baissent pas. Au contraire, ils augmentent globalement puisqu'ils s'élèveront à 540 millions d'euros, contre 536 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2018.

Pour ce qui est de la PAC, dont j'ai beaucoup parlé, nous serons conduits à nous revoir. À mon sens, le Parlement doit y être étroitement associé. La PAC ne doit pas être l'affaire d'un ministre, ni même celle d'un gouvernement ; la PAC, c'est l'histoire de la France. Si la France ne s'en saisit pas, nous aurons du mal à obtenir les 9,5 milliards d'euros de 2014. Nous savons que ce sera dur, mais nous allons essayer de nous battre jusqu'au bout. Il faut parvenir à réunir une majorité de pays. Je sais que M. Jean-Baptiste Moreau était à Bruxelles il y a quarante-huit heures. La diplomatie parlementaire est essentielle pour aider la France et ses alliés à négocier la PAC.

Monsieur Turquois, pas plus tard qu'hier nous avons parlé de la réforme de la fiscalité agricole. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Il conviendrait peut-être de créer des groupes de travail pour progresser. C'est à M. Bruno Le Maire de voir cela.

Enfin, s'agissant du plan Écophyto, ne nous racontons pas d'histoires. Notre agriculture est diverse. Nous avons besoin d'une agriculture productive et exportatrice. Notre balance commerciale agricole s'élève à 6 milliards d'euros. C'est la troisième balance commerciale. Mais parallèlement, « en même temps », comme l'on dit dans la majorité de cette assemblée, nous avons besoin de la petite paysannerie, des circuits courts, du bio. C'est cela, l'agriculture française. Jamais je n'opposerai l'une à l'autre : nous avons besoin des deux, qui sont en train de réaliser une mue incroyable pour sortir des produits phytopharmaceutiques. Certains trouvent que cela va suffisamment vite, quand d'autres pensent le contraire ; nos concitoyens, eux, voudraient évidemment que cela aille plus vite.

L'annonce du Président de la République, selon laquelle, en 2020, il n'y aura plus de glyphosate en France est énorme. Nous ne laisserons pas tomber les filières ; mais il faut les pousser et aller plus vite. La baisse de l'utilisation des phytos dans les deux, trois ans qui viennent est essentielle. C'est le sens de l'histoire. Pour ne pas mettre à mal l'agriculture française, il faudra l'accompagner. La fusion de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) avec l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA) s'inscrit dans ce cadre, afin de disposer de grands centres de recherche publics capable d'aller de l'avant.

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Nous allons maintenant entendre les deux rapporteurs spéciaux de la commission des finances.

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Permettez-moi, Monsieur le ministre, de vous adresser à mon tour nos meilleurs voeux pour votre prise de responsabilités. Ce projet de budget appelle de la part de Mme Émilie Cariou et de moi-même, corapporteurs spéciaux de la commission des finances, des commentaires positifs, mais aussi quelques appels à la vigilance.

Nous saluons, notamment, l'annonce d'un retour à la normale du calendrier de versement des aides de la PAC par l'Agence de services et de paiement, même si nous resterons attentifs, car cette promesse, déjà faite aux agriculteurs l'année passée, n'avait pas été tenue, en raison de difficultés informatiques et des nombreux critères hétérogènes retenus par nos régions ; l'augmentation de la redevance pour pollution diffuse et le doublement du fonds de structuration « avenir bio », qui passe de 4 à 8 millions d'euros ; la réforme de la fiscalité agricole, avec l'instauration de la déduction pour épargne de précaution et le recentrage de l'aide aux jeunes agriculteurs sur ceux dont les revenus sont les plus modestes – nous proposerons des amendements dans ce sens.

En revanche, certains éléments suscitant de notre part des interrogations, nous souhaiterions obtenir des éclaircissements du Gouvernement. Dans la mesure où vous venez largement de le faire pour ce qui concerne le TODE, je n'y reviendrai pas. Votre ministère envisage, par ailleurs, d'affecter une part du reliquat de la provision pour aléas de 2018 au Grand plan d'investissement. Or il y a urgence à la mobiliser pour aider les agriculteurs touchés par la sécheresse, un peu partout en France, et par la peste porcine africaine qui sévit en Wallonie et nous menace.

S'agissant de la création d'une option révocable pour le passage à l'impôt sur les sociétés (IS), comment allez-vous tenir compte des autres taxations appliquées au moment du changement de régime et éviter les effets d'aubaine ?

Enfin, je ne peux conclure sans un mot sur la pêche. Les pêcheurs ont trois préoccupations actuellement : l'augmentation du prix du gazole, qui a une forte influence sur leurs charges quotidiennes ; le Brexit et la nécessité réaffirmée d'une négociation globale au niveau européen ; l'interdiction du rejet en mer de poissons non vendables à compter du 1er janvier prochain, à laquelle les pêcheurs sont très réticents, d'autant que les ports ne sont pas préparés à une telle évolution.

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Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », qui inclut également les actions liées au bien-être animal, se voit affecter 536 millions d'euros, soit une baisse de 15 millions d'euros. Cette baisse se justifie par la fin du contentieux sur les retraites des vétérinaires, et le versement de concours de l'Union européenne au titre de la crise de l'influenza aviaire.

Parmi les actions transversales, je souhaiterais mettre en avant le rôle de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), qui est une agence de qualité. Il conviendrait de revoir ses missions, mais aussi ses financements. Nous avons eu le bonheur de voir ses effectifs augmenter de quarante équivalents temps plein, le Brexit nécessitant de renforcer les contrôles.

J'ai fait partie de la commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis, où j'avais proposé, sans succès, qu'il n'y ait plus qu'un seul chef de file dans les crises alimentaires. J'aimerais, Monsieur le ministre, connaître votre position sur ce sujet.

Dans ma région, l'Aquitaine, première région agricole de France, j'ai rencontré plusieurs sociétés de biocontrôle, qui se plaignent de ne pas avoir facilement accès à des procédures longues et coûteuses pour homologuer leurs procédés. Or c'est l'avenir de notre agriculture. Il faut que nous révisions ces procédures, de sorte qu'elles soient plus rapides et moins chères.

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Nous en venons aux questions, à raison d'une minute par question – et j'y insiste, sinon je couperai le micro.

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Monsieur le ministre, vous serez le bienvenu en Côte-d'Or ! Ma question porte sur les territoires d'innovation de grande ambition (TIGA) présélectionnés dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA) fondé sur des consortiums très larges associant différents acteurs des territoires. Ces TIGA visent à améliorer la qualité de vie des habitants et la durabilité du territoire et comptent sur des appuis financiers pour promouvoir les écosystèmes territoriaux. Le projet « modèle du système alimentaire durable de 2030 » proposé par Dijon métropole a été présélectionné. Il s'appuie sur la cité internationale de la gastronomie et du vin, sur le pôle d'innovation agricole Vitagora, sur le technopôle Agronov et sur son écosystème d'innovation FoodTech et propose d'instaurer une agriculture performante et durable, en milieux urbains et périurbains, afin d'atteindre, d'ici à dix ans, l'autosuffisance alimentaire.

Monsieur le ministre, dans quel délai et selon quels critères les TIGA lauréats seront-ils retenus ? Quels moyens financiers leur seront-ils accordés, et selon quel calendrier ?

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Monsieur le ministre, la situation de l'agriculture à la base, chez nos producteurs, s'est encore détériorée cette année pour atteindre des proportions dramatiques. Ce sont des nuits à passer et repasser en boucle les entrées et sorties de trésorerie sans voir d'issue ; c'est l'angoisse mois après mois de l'équilibre financier de l'exploitation qui se détériore, malgré des jours et des nuits de labeur. Qui plus est, nous avons eu à affronter dans l'Est une terrible sécheresse : dans certains endroits, comme chez moi dans le sud mosellan, moins de quarante millimètres de pluie sont tombés durant la période estivale, provoquant l'effondrement des récoltes et des cultures. Les semences ne peuvent toujours pas être semées ; les fourrages manquent drastiquement ; des éleveurs ont été contraints de vendre de jeunes veaux avant leur maturité, ce qui leur a coûté plusieurs centaines d'euros de perte par bête. Pendant ce temps, l'Allemagne débloquait 340 millions d'euros d'aides pour 10 000 agriculteurs dont les exploitations étaient menacées. Quelle réponse concrète pourrez-vous apporter à ce drame sans précédent ? Y aura-t-il des dégrèvements de taxe foncière, et où ?

Enfin, vous n'avez pas voté la loi EGALIM, il y a quelques jours, avant de devenir ministre. Comment y voir, d'une quelconque manière, les solutions à tous les problèmes de notre agriculture ? Quelle crédibilité pensez-vous bâtir, en vous en tenant à ce texte cosmétique ?

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Les aléas climatiques sont de plus en plus fréquents, sévères et, partant, dramatiques pour la compétitivité de nos agriculteurs. Un épisode de sécheresse sans précédent touche le département de la Haute-Saône depuis quatre mois. Quelles mesures envisagez-vous de prendre dans les mois à venir pour mieux anticiper ces périodes de bouleversement climatique et aider les agriculteurs en grande difficulté financière ?

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Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Tout d'abord, quels moyens comptez-vous réellement allouer pour faire baisser de façon importante les attaques de loups contre les troupeaux ? À la fin du mois de septembre, nous dénombrions tristement 9 173 ovins victimes du loup depuis le début de l'année. Il y va de la survie de la filière ovins viande et ovins lait, et du pastoralisme. Vous êtes drômois et connaissez la détresse des éleveurs.

Par ailleurs, quel serait l'impact d'une baisse de la PAC sur l'agriculture française, ainsi que sur les choix que vous auriez à faire entre les agricultures, notamment l'agriculture de montagne à handicaps ?

Enfin, je ne suis pas tout à fait rassurée par vos propos concernant le maintien des TODE et la baisse de charges sur les exploitations viticoles et arboricoles. Ce sont plus de 40 millions d'euros d'augmentation de charges sur le travail, si je comprends bien ce que vous nous avez dit. Dans un climat agricole concurrentiel, c'est un mauvais signal.

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Avec 71 millions d'euros en 2019, la dotation proposée en faveur des mesures de soutien aux investissements dans les exploitations agricoles est stable par rapport à l'année dernière. Ces crédits, comme tous ceux relatifs aux mesures agro-environnementales et climatiques, contribuent au volet agricole du GPI, qui est l'un des leviers essentiels de l'État dans sa volonté réformatrice. J'évoquerai d'ailleurs demain, lors de l'examen de la mission PIA, quelques pistes pour un PIA utile à l'agro-écologie.

J'ai pu constater à quel point la méthanisation était en plein essor, répondant à un double enjeu environnemental : le traitement des déchets organiques et la production d'énergie renouvelable. Ce procédé complexe oblige les agriculteurs à se former comme ils peuvent, bien souvent seuls. La formation des jeunes reste une priorité du ministère, avec un effort particulier mis sur l'attractivité des métiers de l'agriculture et la question de l'orientation. Afin de préparer sereinement l'avenir, de nous permettre d'assurer nos objectifs en matière d'énergie et de donner aux agriculteurs des ressources complémentaires, peut-on imaginer la création d'une formation post-bac autour de la méthanisation ? Comment accompagner et faciliter le développement de cette nouvelle source de revenus pour nos agriculteurs ?

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Monsieur Pellois, s'agissant du transfert du reliquat de la provision pour aléas climatiques vers le Grand plan d'investissement, nous en avons déjà parlé : il n'y a aucun risque, puisque dès janvier 2019, nous serons à même de réapprovisionner, s'il y avait besoin.

Concernant la création d'une option révocable pour le passage à l'IS, dans le cadre de la concertation sur la réforme de la fiscalité, il a été convenu de faciliter le passage des exploitations agricoles de l'impôt sur le revenu à l'impôt sur les sociétés, en levant les freins, ce qui est une bonne chose pour nos exploitants. Parallèlement sera instauré un étalement sur cinq ans du paiement de l'impôt sur le revenu afférant à la réintégration des sommes antérieurement déduites.

Enfin, le Brexit représente un sujet majeur, d'autant qu'il faut s'attendre à un Brexit dur. Les enjeux sur la PAC, notamment sur la pêche, sont très importants. Il faudra nous bagarrer le plus possible. Le Gouvernement est très vigilant sur ces questions. Nous serons conduits à reparler de ces sujets dans le cadre des négociations menées par M. Michel Barnier, en particulier avec les parlementaires des régions concernées : nous avons intérêt à constituer un pack le plus fort possible.

Monsieur Lauzanna, vous avez entièrement raison : il y a un vrai problème avec les start-up et le biocontrôle. Notre système n'est pas fait pour prendre en compte cette question. Le rapporteur pour avis a beaucoup travaillé sur ce sujet, sur lequel nous serons conduits à revenir.

Monsieur Martin, les TIGA relèvent du PIA et du GPI. L'appel à projets sera lancé très prochainement par la Caisse des dépôts, m'indiquent les services. Ne pouvant vous en dire plus, je leur demanderai de vérifier ce que signifie « très prochainement » et de vous faire un retour très vite.

Monsieur Di Filippo, merci d'avoir abordé deux sujets d'une importance toutefois inégale : la sécheresse et mon vote sur le projet de loi EGALIM. Heureusement que je ne l'ai pas voté !

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Et je le revendique ! Il ne vous a pas échappé que, dans le cadre du bicamérisme, le projet de loi soumis au vote au Sénat n'était pas du tout celui qui a été voté à l'Assemblée. Vous vous êtes quand même aperçu qu'en nouvelle lecture, il y a eu un certain nombre de changements.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

In fine, nous n'avons même pas été conduits à en reparler au Sénat.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Je n'ai pas voté contre, parce que j'étais plutôt favorable aux évolutions contenues dans le titre Ier.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Mais il m'était impossible de voter pour, étant donné tout ce qui avait disparu dans le titre II : le bio, le plastique, etc. On ne m'a pas demandé de me prononcer sur le texte de l'Assemblée nationale, que j'aurais voté, mais sur celui du Sénat, et je me suis abstenu.

Sur la sécheresse, évoquée par M. Di Filippo, mais aussi M. Potier et Mme Bessot Ballot, beaucoup de choses ont déjà été faites, notamment l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti. Le Fonds national de gestion des risques en agriculture se réunira au début du mois de décembre et fin janvier. Nous allons engager des moyens pour lutter contre les effets de la sécheresse. Nous avons demandé à tous les préfets de nous faire remonter la situation, département par département, territoire par territoire : dans certains endroits, il reste encore un peu de fourrages, dans d'autres il n'y en a plus du tout. Le Gouvernement sera au rendez-vous. Il a pris la pleine mesure de la sécheresse. Je serai vendredi dans l'Est de la France pour constater par moi-même la situation.

Madame Bonnivard, s'agissant du maintien du TODE, la proposition faite par le groupe La République en Marche, par la voie d'un sous-amendement à un amendement du Gouvernement, n'est évidemment pas de revenir au statu quo ante et aux 144 millions d'euros. Ce n'est pas du tout la volonté du Gouvernement. Avec la baisse des charges, des exploitations agricoles gagnent de l'argent, voire beaucoup d'argent. Nous avons donc limité la perte ; à l'issue de la période transitoire, certes un peu difficile, tout rentrera dans l'ordre.

Une baisse de la PAC ne se ferait pas sentir que sur l'agriculture de montagne et les zones relevant de l'ICHN. Nous aurions assurément un problème si la PAC diminuait trop fortement. Je vais rencontrer les présidents de commission et les présidents des deux assemblées à ce sujet. La France doit aller unie à Bruxelles.

Je connais assez bien le sujet des attaques de loups et n'ai pas changé de position depuis que je suis ministre : entre l'éleveur et le prédateur, je choisis l'éleveur.

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Sans éleveurs, c'en est fini de l'histoire de notre pays. Sans éleveurs, ce seront des friches partout. Sans éleveurs, il n'y a plus de paysages, plus de tourisme. Un énième plan loup a été mis en place : nous allons de l'avant. Nous savons qu'il faudra réfléchir à une nouvelle façon d'appréhender la question. J'ai l'intention d'intervenir à l'échelle européenne, même si la probabilité de succès est assez minime – je vous l'accorde –, voire très minime. La population de loups n'est plus une espèce en voie de disparition : il y en a maintenant cinq ou six cents.

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Il y a des loups partout, c'est bien connu : demandez à Mme Aubry !

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Madame Limon, on dit toujours qu'il faut six mois en Allemagne pour installer une unité de méthanisation, et qu'il faut six ans en France… Cela fait des années que j'entends cette remarque. Nous savons qu'il faudra aller plus loin et plus vite. En Allemagne, il y a aussi moins d'associations de défense diverses et variées, moins de pétitions et moins de tribunaux administratifs. En lien avec le ministre de la transition écologique et solidaire – et sans oublier que la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sera bientôt présentée –, il faudra définir l'énergie que nous voulons pour demain. Je suis prêt à aller assez loin sur la question de la méthanisation.

Monsieur Potier, sur la réforme de la coopération agricole, l'ordonnance est en cours de rédaction. Il y aura une concertation avec les députés, comme s'y était engagé mon prédécesseur.

M. Jumel a parlé d'hémorragie budgétaire. Je le répète : il n'y a pas d'hémorragie dans le budget de l'agriculture.

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Monsieur le ministre, le programme 149 est le plus touché par la baisse des crédits de la mission. Il perd en effet 552 millions d'euros entre la loi de finances initiale pour 2018 et le projet de loi de finances pour 2019. L'action « protection sociale » passe de 22,5 % du programme en 2018 à seulement 3,5 % en 2019, ce qui représente une baisse de 420 millions d'euros. Cette baisse est la conséquence de la catastrophique disparition des exonérations TODE, qui va pénaliser nos agriculteurs, en particulier les maraîchers, les viticulteurs et les arboriculteurs. Or, cette suppression ne devant coûter que 272 millions d'euros, il y a un écart non justifié par le bleu budgétaire. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de ce décalage ?

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Monsieur le ministre, je suis heureux de vous entendre ce soir. Vous avez déjà répondu à plusieurs de mes questions. Vous avez commencé votre propos en parlant du niveau de revenus inacceptable des agriculteurs. Effectivement, il n'y aura pas d'agriculture sans paysans. Mais, heureusement, il y a des paysans qui gagnent leur vie, qui gagnent de l'argent. Regardons d'abord ce qui marche ! Par ailleurs, si la loi EGALIM apporte des outils, il y a une loi dont nous ne parlons pas et que nous n'avons jamais votée : celle de l'offre et de la demande. C'est elle qui fait les prix. Cela supposera de travailler à des outils de régulation aux niveaux national et européen.

Comme vous l'avez dit, il faut également travailler sur le volet formation pour assurer le renouvellement des exploitations et préparer les agriculteurs de demain.

Quand on évoque les filières, on parle beaucoup de l'aval. Comment traite-t-on la question de leur amont ?

Enfin, concernant le Grand plan d'investissements et les indicateurs de compétitivité de l'agriculture, il ne faut pas s'arrêter au seul indicateur financier, mais également prendre en compte les indicateurs sociaux, écologiques et sanitaires.

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Monsieur le ministre, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue ! Ainsi que vous le savez, dans le Sud de la France, notamment dans le Luberon, on trouve un grand nombre de parcelles en friche, ce qui, outre les risques majeurs que cela peut représenter sur le plan sanitaire ou sur celui des incendies, en vient à nuire au développement de notre agriculture et à l'installation de jeunes agriculteurs. Cette question a été évoquée en séance, vendredi dernier. C'est d'autant plus dommage que, dans ces mêmes zones, de nombreux candidats à l'installation peinent à trouver du foncier disponible. J'ai été interpellé récemment par des agriculteurs de ma circonscription sur l'augmentation, en zone rurale comme en zone périurbaine, du nombre de parcelles en état d'inculture ou manifestement sous-exploitées, souvent bloquées pour des raisons spéculatives.

Certains défendent l'idée d'une taxation majorée des parcelles en friche, pour inciter leurs propriétaires à les remettre en culture, par le biais de mises à disposition en faveur, notamment, de jeunes agriculteurs. Je pense qu'il est urgent d'envoyer des signes positifs pour favoriser la revitalisation des terres agricoles en zones périurbaines, en privilégiant la promotion d'une agriculture plus respectueuse des enjeux écologiques. Dans le prolongement de cet examen des crédits de la mission budgétaire, une réforme du foncier agricole nous est annoncée pour 2019. Seriez-vous disposé à compléter les dispositifs existants pour préserver les terres agricoles par de nouvelles mesures incitatives ?

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Monsieur le ministre, vous nous avez proposé d'autres pistes de financement, à mon tour d'en suggérer une : la chasse aux comportements déviants. De plus en plus d'agriculteurs d'outre-Quiévrain viennent en France, dans le Nord ou dans l'Aisne, cultiver des terres, qu'ils louent ou sous-louent à des céréaliers en grande difficulté, pour y produire des pommes de terre en utilisant parfois des plants et des techniques interdits en France, qui risquent de contaminer nos sols et de provoquer des jachères noires. Je vous propose de vous emparer de ce sujet, ce qui permettrait d'apporter une réponse aux exploitants mais également de trouver un levier de recettes.

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Monsieur le ministre, ce premier budget post-EGALIM confirme ce que nous avions annoncé : la politique des petits pas a ses limites. Nous avons vraiment le sentiment de rester au milieu du chemin et d'ajouter au découragement et au désarroi de nos paysans. Cela étant, il faut reconnaître que la gestion des risques et les crédits du Grand plan d'investissements sont des aspects positifs de ce budget. En revanche, il n'y a aucune indication sur la réforme du foncier, ni sur celle de la fiscalité, hormis la suppression, que l'on peut saluer, de cinq taxes à faible rendement. In fine, le budget de la mission est en baisse, notamment du fait de la suppression du dispositif TODE, que nous regrettons, alors qu'il avait bénéficié à plus de 71 000 entreprises en 2016.

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Monsieur le ministre, je tenais à vous remercier d'avoir pris en compte l'angoisse des marins pêcheurs, à propos du Brexit. Vous aurez aussi à gérer les négociations de fin d'année au mois de décembre. En termes d'affichage, la pêche a été un peu oubliée au moment de la nomination du nouveau gouvernement. Vous avez vraiment un effort tout particulier à faire en direction des pêcheurs pour les rassurer.

Au Bundestag, où nous étions la semaine dernière, deux sujets sont revenus : celui de l'aménagement du territoire et celui du soutien aux petites exploitations, qui risquent de disparaître si le budget de la PAC était raboté. La dimension de l'aménagement du territoire est très importante dans le cadre de la politique agricole et doit se traduire dans le budget. Quelle est votre position à ce sujet ?

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Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Monsieur Cinieri, je vous le redis ainsi qu'à l'ensemble de la commission : le budget du programme 149 ne baisse pas. Le TODE a été transféré sur le PLFSS. Le seul élément qui baisse, c'est la provision pour aléas, qui passe de 300 à 200 millions d'euros. Mais faire baisser le montant d'une provision pour aléas ne signifie pas que l'on donne moins à l'agriculture. Dans le cadre de l'équilibre du budget, les directions se sont aperçues qu'il n'y avait peut-être pas besoin de ces 300 millions d'euros. Et s'il en était besoin, ils reviendraient ! C'est une simple opération comptable, qui fait que le programme 149 baisse de 100 millions d'euros, sans aucun effet sur notre politique agricole.

Monsieur Daniel, vous avez raison : on parle toujours de l'agriculteur qui est pauvre ou qui ne va pas bien, dont il est normal de se soucier. Mais il y a aussi une agriculture qui fonctionne, des agriculteurs qui sont heureux, avec des services de remplacement qui fonctionnent et qui leur offrent la possibilité de prendre des jours de congé. J'ai beaucoup apprécié que vous en parliez.

La loi de l'offre et de la demande régit notre pays. Il faut absolument réussir – et c'est le sens de la loi EGALIM et de celles qui l'ont précédée – à regrouper l'amont et à inciter à créer des organisations de producteurs. Il est plus facile pour une organisation de producteurs de négocier un prix que lorsqu'on est tout seul. Pour certaines niches, il n'y a pas besoin de regroupement : les trufficulteurs ou les lavandiculteurs ne se regroupent pas, puisqu'il s'agit de vente directe. Mais dans d'autres filières, c'est indispensable. En se regroupant, les producteurs seront plus forts. Nous devons aussi expliquer l'utilité de la contractualisation. La loi que vous avez votée fait le choix de la contractualisation, qui n'avait pas très bien marché dans les lois précédentes. Cette fois, nous avons l'impression que nous y parviendrons différemment. Si cette contractualisation réussit, ce ne sera certes pas la panacée, mais les producteurs pourront enfin voir les choses s'améliorer.

S'agissant des friches, Monsieur Bouchet, c'est un phénomène que je constate comme vous, partout et non seulement chez vous. Je m'engage à vous envoyer une note sur le sujet dans les jours qui viennent car je ne peux vous répondre aujourd'hui. En une semaine, je n'ai pas encore eu le temps de tout ingurgiter.

Je sais que vous êtes, Monsieur Dive, très impliqué dans la mission sur le glyphosate. Je pense que vous avez raison. La question est de savoir comment avancer. Je veux bien que nous en discutions car toutes les bonnes idées sont bonnes à prendre. En agriculture, il n'y a pas de majorité et d'opposition, de droite et de gauche ; comme je l'ai dit tout à l'heure, ou on y va tous ensemble, ou on n'y va pas.

Vous avez, Monsieur Delatte, employé l'expression « au milieu du chemin ». En réalité, nous sommes même au début du chemin, car la situation que connaît l'agriculture européenne et française est terrible. C'est pourquoi nous souhaitons aller de l'avant. Tout à l'heure, M. Daniel a évoqué les agriculteurs qui réussissent. Dans le cadre de l'examen de cette mission budgétaire, nous parlons d'agriculture et de ruralité. Quand on parle de foncier, on parle de ruralité. Quand M. Bouchet parle des friches, il parle de ruralité. Nous sommes au milieu du chemin dans la réflexion sur ce que nous voulons faire entre grandes métropoles et monde rural. Et dans de monde rural, il y a des associations, des aides à domicile en milieu rural (ADMR), des gens qui font du théâtre, de la musique… Mais il y a aussi des agriculteurs, et il ne faut oublier personne. Si vous voulez nous aider à aller au bout du chemin, je serai heureux que vous nous accompagniez.

La pêche n'a pas été oubliée, Monsieur Fasquelle. Elle apparaît parfois dans l'intitulé, parfois non ; ce qui compte, c'est de s'en occuper. Je verrai M. Romiti, président du comité national des pêches maritimes et des élevages marins, dans les jours qui viennent et je me rendrai aussi sur le terrain bientôt, vraisemblablement avec M. Darmanin, pour étudier les problèmes liés aux douanes, au Brexit, etc. J'en ai pris l'engagement et je vous le confirme.

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Merci pour votre discours franc et direct, Monsieur le ministre. Vous avez pu voir que les membres de la commission étaient impatients de travailler avec vous, et je pense que cette première audition augure d'échanges à venir fructueux, nourris et fréquents.

Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Je vous indique que trois amendements portant articles additionnels avant l'article 72 du présent projet de loi de finances, les amendements II-CE3 de M. Richard Ramos, II-CE5 de Mme Huguette Tiegna et II-CE7 de M. Dominique Potier, ont été déclarés irrecevables. Je reste donc saisie de dix amendements de crédits.

La commission est saisie de l'amendement II-CE14 du rapporteur pour avis.

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J'ai déjà évoqué cet amendement dans mon propos liminaire.

Le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable et accessible à tous a créé des outils pour assurer une meilleure rémunération des producteurs. Le projet prévoit également le relèvement du seuil de revente à perte qui augmentera les marges de l'aval des filières agricoles sans garantie absolue d'une redistribution de cette valeur aux producteurs – pour cette raison, le dispositif est prévu sur une durée expérimentale de deux ans.

L'objet du présent amendement est la création d'un fonds de transition agricole. Ce fonds public-privé appelé « Initiative pour la transition agro-écologique » sera sécurisé économiquement par les distributeurs, industries agroalimentaires ou collectivités locales via des engagements d'achat et de la contractualisation, et abondé par les acteurs financiers afin de financer la transition agro-écologique ou biologique des producteurs. Le fonds aura pour objectif d'offrir aux consommateurs des produits sains, de qualité et durables. De nombreux agriculteurs souhaitent s'engager dans la transition mais les risques et freins inhérents à cette transition sont nombreux : incertitude sur les débouchés commerciaux, difficultés techniques liées au changement de pratiques et besoins de financement non couverts par l'offre bancaire actuelle.

Suivant l'Initiative pour une transition agro-écologique (ITAE), les besoins de financement des agriculteurs et de la première transformation pour la mise en place des engagements pris par les filières à la suite des États généraux de l'alimentation, par le biais notamment des plans de filière, sont de quelque 4 milliards d'euros dans les cinq prochaines années. Pour un objectif de 15 % des besoins, soit 600 millions d'euros, cet amendement propose de les financer de la façon suivante : 480 millions de financements privés pourraient être mobilisés sous forme d'une tranche dite « senior », la moins risquée, apportée par des institutions bancaires, 100 millions d'euros pour une tranche dite « junior », la plus exposée au risque, dont 30 millions apportés par le budget de l'État et le reste par des investisseurs à impact, c'est-à-dire à la recherche de bénéfices sociaux et environnementaux. Cette position « junior » – ou de première perte – de l'investissement de l'État permettrait de réduire le risque des investisseurs privés et donc, dans le même temps, de catalyser un co-financement plus important. Cet investissement en première perte, plus exposé au risque que le financement privé, réduit le coût du financement total et permet d'adapter le niveau de risque ou la durée aux besoins de la transition pour le bénéfice des agriculteurs participants.

Le budget de l'État serait utilisé comme levier de financement des opérateurs privés : avec un effet levier de 30 pour 600, chaque euro investi par l'État permettrait le financement de 20 euros issus de fonds privés.

Cet amendement prévoit également 20 millions d'euros d'assistance technique couvrant à la fois la structuration des projets, l'accompagnement individuel des agriculteurs et les démarches d'innovation et d'apprentissage collectif.

Cet amendement de crédits augmente la dotation du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » – action 23, « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » –, en transférant des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

Cet amendement ne vient pas de nulle part : plusieurs acteurs sont déjà dans les starting-blocks pour le mettre en place, notamment deux partenaires importants que j'ai auditionnés au cours de ce rapport pour avis : M. Zaouati, directeur général de Mirova et président de Finance For Tomorrow, et un représentant de Livelihoods Funds. Ce sont des structurations de financement qui existent déjà notamment pour financer le commerce équitable dans des pays en voie de développement. Je ne vois donc pas pourquoi nous n'arriverions pas à mettre en place ce type de fonds en France, qui existe déjà aussi en Allemagne. Cela offrirait un levier pour accompagner les agriculteurs dans la transition agro-écologique.

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Nous découvrons l'amendement à l'instant et c'est une grosse surprise, tant sur le montant, qui n'est pas ridicule, même s'il faut relativiser au vu des budgets que nous traitons aujourd'hui, que sur la forme. Qui décidera de l'affectation des fonds ? Nous avons en agriculture une tradition : l'impôt est redistribué et les organismes de développement gérés par l'État en lien avec la profession, les instituts. Ce fonds vient-il alimenter la marche courante des fonds de formation et de développement tel que nous les connaissons, ou bien est-ce un fonds spécifique géré par des opérateurs privés ? Vous voyez bien, dans le second cas, le danger de privatiser le développement agricole.

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Compte tenu du cofinancement public-privé, ce serait plutôt un mix, avec comme investisseurs l'État mais aussi des sociétés privées. Rappelons qu'il s'agit de financer une partie seulement de la transition agro-écologique et non la totalité de l'accompagnement vers l'agro-écologie.

La commission adopte cet amendement.

Elle examine ensuite l'amendement II-CE17 du rapporteur pour avis.

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Le projet de loi EGALIM, dont j'ai été le rapporteur, comporte un certain nombre d'avancées ; mais pour que celles-ci soient réellement efficaces, il faut renforcer les moyens de contrôle, notamment ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Je déposerai un amendement à ce sujet, qui n'a d'ailleurs pas forcément sa place dans la présente mission. Le présent amendement a pour but de renforcer les moyens de FranceAgriMer. Il est en effet nécessaire que le nombre d'agents soit augmenté de 20 équivalents temps plein (ETP) : pour un montant actuel de 1,4 million d'euros, cela semble suffisant. Le transfert provient des crédits du titre II de l'action 2 « Évaluation et impact des politiques publiques et information économique ».

La commission adopte cet amendement.

Puis la commission est saisie de l'amendement II-CE11 de M. Dominique Potier.

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Pour revenir sur l'amendement II-CE14 du rapporteur, j'ai une grande confiance en notre collègue, mais nous venons de voter 600 millions d'orientation de crédits privés sans connaître le mode de contrôle, l'origine des crédits, ni rien ! C'est proprement stupéfiant ; nous demanderons des explications en séance. On n'a jamais vu autant d'argent voté en une minute sans discussion, c'est un vrai problème de démocratie. Je n'ai pas envie que les moyens du développement agricole soient mis dans des fonds privés du Qatar ou de n'importe quel industriel de l'agroalimentaire. Les enjeux sont bien trop importants pour que nous privatisions ces leviers du développement. Une telle rupture de principe aurait mérité à tout le moins des explications, un minimum de pédagogie.

Mon amendement II-CE11 prévoit d'affecter des fonds publics pour accompagner la transition vers les objectifs de produits bios, durables et HVE de niveau 3 dans les cantines, ce qui implique, notamment dans les petites infrastructures, des évolutions de matériel, des montées en gamme des filières, etc. Malheureusement, une coquille énorme s'est glissée dans l'amendement : en fait, les sommes sont mille fois plus importantes : plusieurs dizaines de millions d'euros sont nécessaires pour financer le « trente centimes par repas ». Il ne s'agit donc, à ce stade, que d'un amendement d'appel ; nous aimerions évoquer en séance, à des niveaux financiers différents, l'accompagnement de la transition afin qu'il n'y ait pas, pour reprendre l'expression du ministre, une bonne bouffe pour les riches et une mauvaise bouffe pour les pauvres…

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J'entends bien que c'est un amendement d'appel. L'obligation de plus 30 % de produits sous signes de qualité et plus 20 % de produits bios a été inscrite dans la loi pour 2022 : cela laisse un temps de transition relativement important. Certaines cantines ont déjà mis en place ce type de pratique. Cela ne coûte pas forcément plus cher. À ce stade, j'émets un avis défavorable. Nous en rediscuterons avec le ministre.

S'agissant de mon amendement II-CE14, j'étais prêt à l'expliquer plus en détail mais il n'y a pas eu davantage de demandes. Nous pourrons en rediscuter.

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Cet amendement sera également défendu en commission des finances et ensuite en séance.

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Je n'insiste pas car la coquille m'empêche d'argumenter sur le fond, mais je suis convaincu qu'un accompagnement public des cantines et la conversion en HVE sont de vrais leviers de la politique que nous souhaitons conduire.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l'amendement II-CE12 de M. Dominique Potier.

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Il s'agit de doter, pour des montants modestes, l'accompagnement de la lutte contre le gaspillage alimentaire, notamment dans les plans alimentaires territoriaux, dont j'avais souhaité, dans la discussion de la loi EGALIM, qu'ils soient rendus obligatoires pour avoir une couverture complète du territoire. C'est une excellente idée, mais elle se déploie encore trop lentement. La lutte contre le gaspillage alimentaire peut contribuer à réaliser des gains de productivité et des économies susceptibles d'être investis dans la qualité. Ceux qui s'y sont engagés ont obtenu de très bons résultats.

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Cet amendement de 50 millions d'euros a le même montant que le mien : il n'est donc pas si modeste que cela…

Certaines mesures que vous évoquez sont déjà prévues dans la loi EGALIM. Je comprends qu'il s'agit d'un amendement d'appel pour engager la discussion. Avis défavorable à ce stade.

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Cela réduirait la facture des cantines à terme, de façon durable, et permettrait d'alimenter le fonds pour plus de qualité et plus de revenus pour les producteurs.

La commission rejette cet amendement.

Ensuite de quoi, la commission examine l'amendement II-CE6 de M. Dominique Potier.

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M. le ministre devra vraiment nous répondre sur ce point car c'est quelque chose qu'il a voté et pour lequel il s'est même battu au Sénat, ou a été créé à l'unanimité un fonds que nous n'avons pas su reprendre dans la loi. Nous poserons les mêmes questions dans le cadre du PLFSS. C'est un débat que l'on ne peut plus reporter. Je plaide à nouveau pour faire justice aux victimes d'accidents phytosanitaires.

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Nous sommes d'accord sur le fond et c'est dans la loi EGALIM, avec une demande de rapport sur les modalités concrètes de mise en place du fonds. Le ministre n'a pas répondu tout à l'heure, il le fera en séance. Avis défavorable à ce stade.

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Ce n'est pas la première fois que des idées que nous poussons sont reprises a minima par la majorité – M. Matthieu Orphelin est un artiste en la matière… Cette réponse ne peut nous satisfaire : 2 millions d'euros, c'est l'amorce d'un fonds qui devra, on le sait, réunir trois financeurs : la Mutualité sociale agricole (MSA), qui est prête, les industries phytosanitaires, qui ne le veulent pas, mais c'est à nous de décider, et l'État, qui doit prendre sa part.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l'amendement II-CE10 de M. Dominique Potier.

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Le plan Écophyto 2, adopté fin 2014 à l'unanimité par toutes les parties prenantes, dans un comité d'orientation stratégique que je présidais, est en friche depuis trois ans. Dans cet amendement, je rappelle que l'un de ses déploiements est de confier à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) de doubler le nombre de fermes DEPHY et de créer un écosystème d'agro-écologie vertueux comme on l'a connu dans les années soixante, pour plus de productivité. Cela demande des moyens, que nous avons chiffrés et que je vous demande d'adopter.

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J'y suis d'autant plus favorable que j'avais adressé avec M. Orphelin un courrier à M. Nicolas Hulot pour le développement des fermes DEPHY.

La commission adopte cet amendement.

Elle examine ensuite l'amendement II-CE13 de M. Dominique Potier.

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Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) est la voix de la France dans les outre-mer et les pays du Sud. Une partie des solutions au réchauffement climatique passe par la lutte contre l'immigration subie, contre la misère et la violence qu'elle suscite. La question des terres est à la puissance mille dans les pays du Sud. Le CIRAD est un de ces acteurs géniaux qui portent la parole de la science et de l'humanisme de la France. On ne peut pas lui rogner ses crédits, ce n'est pas sérieux à l'heure où nous avons des problèmes aussi importants à gérer.

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Le budget du CIRAD a certes baissé cette année, mais il était passé de 600 000 euros en 2017 à 950 000 euros en 2018 et il s'établira en 2019 à 830 000 euros. C'est certes moins qu'en 2018, mais toujours bien plus qu'en 2017. Avis défavorable.

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Je maintiens : peu d'euros sont mieux investis que dans l'aide au développement en partenariat et codéveloppement avec l'Afrique.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l'amendement II-CE9 de M. Dominique Potier.

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Cet amendement pourrait paraître homéopathique : 20 000 euros, c'est un montant parfaitement symbolique. Nous avons refait les calculs et présenterons en séance une proposition à la puissance dix pour renforcer le biocontrôle, accompagner les start-up, réorienter le système de mise sur le marché. De nombreux accélérateurs peuvent être mis en oeuvre ; cela demande des moyens, pour que la France ne soit pas dépossédée de ses brevets et pour que les solutions qui représentent aujourd'hui 5 % des sujets deviennent une solution sur sept dans notre pays.

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Avis défavorable en l'état. Je suis en revanche très favorable au développement du biocontrôle. Je n'ai pas eu le temps de rédiger un amendement sur le sujet, mais j'en présenterai certainement un en séance.

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Comment arrive-t-on à la somme de 20 000 euros au niveau national ? Cela m'interpelle.

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Cela représente environ 7 % d'augmentation des crédits actuels, mais ce n'est pas du tout à la hauteur. Je suis prêt à préparer avec le rapporteur pour avis un amendement à la hauteur du défi. Mais vous avez tout à fait raison : il faut y voir un amendement d'appel.

La commission rejette cet amendement.

Puis la commission est saisie de l'amendement II-CE8 de M. Dominique Potier.

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L'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique, dite Agence bio, s'est vue dotée de moyens conséquents. C'est un effort sans précédent qui correspond à une évolution du marché, une attente de la société, des conversions des paysans. Toutefois, elle nous a fait savoir qu'elle risquait de manquer de moyens humains. C'est ce qui s'est déjà produit, par exemple, avec l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) qui n'a pas été assez rapide sur le biocontrôle et d'autres sujets, comme la phytopharmacie, faute de disposer de suffisamment de moyens humains. Il ne suffit pas de décréter une politique, il faut y mettre des moyens. Avec 3 ETP supplémentaires, l'Agence bio nous dit qu'elle pourrait mieux accompagner les dossiers techniques et de reconversion. Ce n'est pas beaucoup d'argent et c'est quelque chose qui pourrait avoir un effet de levier dans la mise en oeuvre des crédits que vous allez voter.

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Avis défavorable en l'état, mais il faudra avoir ce débat avec le Gouvernement sur les crédits de fonctionnement de l'Agence bio.

La commission rejette cet amendement.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » modifiés.

Puis la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Max Mathiasin, les crédits de la mission « Outre-mer ».

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La commission des affaires économiques se réjouit de pouvoir examiner aujourd'hui le budget de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances (PLF) pour 2019. Notre commission a toujours manifesté un fort intérêt pour les questions liées aux outre-mer et joue d'ailleurs très régulièrement un rôle actif dans les évolutions et les adaptations législatives nécessaires aux collectivités ultramarines.

Le budget de la mission « Outre-mer » pour 2019, dont les crédits sont en hausse d'environ 20 % par rapport à l'année dernière, se caractérise par la réforme d'ampleur des aides économiques qu'il porte. Cette réforme, qui fait suite aux Assises des outre-mer, vise à repenser les aides économiques aux entreprises d'outre-mer afin d'en dynamiser le fonctionnement et d'en renforcer l'efficacité, au service de l'emploi et du développement économique. À ce titre, elle intéresse tout particulièrement notre commission.

Dans le présent budget de la mission, le Gouvernement propose notamment de transformer des dépenses fiscales en crédits budgétaires, davantage ciblés. En outre, il assure la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) applicable en outre-mer en allégements de charges sociales. Au total, ces évolutions aboutissent à une augmentation des crédits de la mission d'environ 470 millions d'euros. D'autres mesures importantes, concernant notamment les zones franches d'activité et les exonérations de charges sociales, sont prises dans le présent projet de loi de finances, notamment en première partie, ainsi que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019.

M. Max Mathiasin, notre rapporteur sur cette mission, a procédé à un examen rigoureux de cette réforme. Ses propositions d'amélioration doivent faire l'objet d'un examen attentif, d'autant plus que le Gouvernement s'est déclaré ouvert à la discussion sur les modalités de la réforme.

Monsieur le rapporteur pour avis, pouvez-vous nous exposer votre analyse générale de la réforme des aides économiques proposée et ses répercussions possibles sur l'emploi et le développement économique dans les outre-mer ?

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Le budget de la mission « Outre-mer » que nous examinons aujourd'hui intervient à un moment charnière pour nos collectivités ultramarines.

En effet, la loi sur l'égalité réelle outre-mer, source d'espoir pour les outre-mer, a été adoptée l'année dernière. La clôture des Assises des outre-mer est intervenue il y a à peine quelques mois. En outre, le Gouvernement a lancé une revue des aides économiques outre-mer en fin d'année dernière pour déboucher sur une réforme de grande ampleur, que le Gouvernement présente aujourd'hui dans le PLF et le PLFSS.

Dans ce contexte, c'est peu dire que le présent budget était très attendu, tant en ce qui concerne les dépenses que les mesures fiscales.

Or, dans les outre-mer, ce budget déçoit. Il inquiète même. S'agissant du budget de la mission « Outre-mer », tout d'abord, les chiffres affichés ne doivent pas nous leurrer : derrière la hausse de plus de 20 % des crédits de la mission, se cachent en réalité des conséquences comptables de la réforme des aides économiques. À périmètre inchangé, le budget est en réalité constant.

Mais, cette année, le présent PLF doit être jugé davantage par la réforme des aides économiques qu'il met en oeuvre, pour une part conjointement avec le PLFSS. Cette réforme d'une grande ampleur porte non seulement sur les dépenses de la mission « Outre-mer » mais aussi sur la fiscalité et les prélèvements sociaux pesant sur les entreprises : elle est déployée par plusieurs articles du PLF, en première et seconde parties.

C'est donc naturellement que j'ai choisi, dans le cadre du rapport, d'accorder l'essentiel de mon attention à cette réforme économique qui intéresse tout particulièrement notre commission.

Or cette réforme, dont les principes semblaient faire consensus, ne cesse de susciter toujours plus d'inquiétude depuis quelques semaines.

Sur le principe, l'objectif du Gouvernement est de faire « mieux avec autant ». La ministre, Mme Annick Girardin, l'a elle-même annoncé : le montant total des aides économiques spécifiques aux outre-mer resterait fixé à environ 2,45 milliards d'euros. Ce sont leur affectation et leurs modalités qui doivent évoluer pour améliorer l'efficacité de ces dispositifs afin de favoriser le développement économique et l'emploi dans les outre-mer.

Sur le principe, je partage l'ambition du Gouvernement. À l'heure où celui-ci met en oeuvre, notamment par le biais du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), sa démarche globale en faveur de la compétitivité des entreprises et crée un environnement légal et fiscal favorable à leur développement, il est indispensable, dans la même logique, de repenser les aides économiques aux entreprises d'outre-mer.

Mais au-delà du principe, ce sont les modalités concrètes de la réforme qui inquiètent. Comme je l'indique dans le rapport, j'émets de fortes réserves sur plusieurs points.

En premier lieu, la méthode elle-même appelle plusieurs remarques. Si la volonté d'agir vite est un mérite de notre Gouvernement, une réforme d'une telle ampleur aurait sans doute nécessité, dans sa conception, de faire l'objet d'une plus grande réflexion et d'une plus grande concertation. C'est notamment le cas de la réforme du plafond de l'abattement applicable sur l'impôt sur le revenu dans les départements d'outre-mer.

De manière encore plus inquiétante, la réforme est appelée à s'appliquer très rapidement – pour la plupart des dispositifs dès le 1er janvier 2019 – sans que des mesures transitoires aient été prévues. Or les entreprises dépendent fortement de la prévisibilité de leur environnement légal et fiscal ; cette réforme ne prend pas suffisamment en compte cette réalité économique.

En outre, la réforme pèche par le manque de travaux d'évaluation sur ses impacts budgétaires et économiques. Or une réforme d'une telle ampleur méritait de s'attarder sur ses répercussions possibles, en particulier dans des territoires où les entreprises sont souvent fragiles. Plusieurs dispositifs d'aide, comme les zones franches d'activité et les exonérations de charges sociales, font l'objet de lourdes modifications sans que l'on puisse y voir clair sur leurs implications budgétaires et leurs conséquences économiques.

En deuxième lieu, une forte interrogation subsiste s'agissant des montants d'aides en jeu. Si le Gouvernement assure que la réforme se fait à moyens constants en faveur des entreprises ultramarines, il est difficile d'en avoir la certitude. C'est en particulier le cas de la transformation, en allégements de charges, du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) spécifique aux outre-mer. Un doute persiste également quant à l'effectivité et à la pérennité du redéploiement de 170 millions d'euros de crédits issus de la suppression du dispositif de la TVA non perçue récupérable et de l'abaissement du plafond de l'abattement applicable à l'impôt sur le revenu dans les départements d'outre-mer.

En troisième lieu, en affinant l'analyse, je constate que dans ses modalités, la réforme de certains dispositifs est imparfaite, voire présente de sérieux écueils. C'est en particulier le cas de la suppression du dispositif de la TVA non perçue récupérable, de la réforme des exonérations de charges sociales pour les entreprises et de celle des zones franches d'activité. Je fais des propositions pour améliorer ces modalités.

En dernier lieu, je souhaite revenir sur la logique qui préside à cette réforme. Comme je le disais tout à l'heure, elle intervient à un moment charnière pour les outre-mer. Leur volonté de développement, leur demande de différenciation et leur revendication à bénéficier d'une égalité réelle par rapport à l'hexagone ont fait l'objet d'une attention particulière ces dernières années, que ce soit dans la loi, lors des Assises des outre-mer ou dans les discours du Président de la République.

Or cette réforme ne semble pas aller dans ce sens. Tant la méthode employée que ses modalités témoignent d'une vision parfois erronée voire négative des outre-mer. C'est notamment le cas de la réforme du plafond de l'abattement applicable à l'impôt sur le revenu – plafond drastiquement abaissé, de 40 à 50 % en fonction des départements d'outre-mer. Cette mesure présente des risques forts en matière d'attractivité de ces territoires et donc de développement économique. Surtout, la justification de cette mesure, que l'on a pu entendre, consistant à dire que l'objectif initial de cet abattement était d'acclimater les ultramarins au paiement de l'impôt, frôle l'irrespect. Elle témoigne de l'insuffisante prise en compte des handicaps structurels des outre-mer qui souffrent notamment d'un coût de la vie très élevé et d'un développement économique insuffisant, éléments qui justifient justement l'existence et le maintien de cet abattement et du niveau actuel de son plafonnement.

Cette réforme nous conduit à faire ce rappel ferme : les dispositifs économiques et fiscaux spécifiques aux outre-mer, souvent présentés désormais comme des avantages, reposent sur des justifications économiques et historiques incontestables. Une réforme des aides économiques ne saurait faire l'économie d'une vision plus générale prenant en compte l'histoire des outre-mer, leurs handicaps structurels et leur légitimité à revendiquer l'égalité réelle avec la métropole.

Pour conclure, la réforme présentée et le budget qui la porte méritent d'être repensés en partie, d'être modifiés et d'être assortis de davantage de garanties pour les entreprises ultramarines et pour le développement économique des collectivités concernées.

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Je voudrais tout d'abord associer à mon propos ma collègue Marie Lebec, membre de la délégation aux outre-mer, qui a largement contribué à la position que je vais vous présenter.

Pour aborder cette mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2019, il me semble important de rappeler le contexte dans lequel nous nous inscrivons. Cette mission est en effet une première traduction budgétaire d'engagements forts pris par la majorité au terme d'une année de travail conséquent mené dans le cadre des Assises des outre-mer. Ce moment de réflexion collective a rencontré un très grand succès : 26 000 participants se sont mobilisés et ont échangé partout dans les outre-mer, 550 ateliers locaux ont été organisés sur le terrain, 219 réunions publiques se sont tenues, sans oublier les consultations en ligne et les sondages.

C'est au terme de huit mois de consultations et de la présentation du Livre bleu outre-mer, rendu public le 28 juin dernier en présence du chef de l'État, qu'ont été fixés les ambitions et les leviers mobilisés autour de quatre axes en faveur des territoires d'outre-mer : territoires « à vivre », territoires « accompagnés », territoires « pionniers » et territoires « d'influence ». Les trois premières priorités des citoyens ultramarins à avoir émergé de ces Assises sont l'amélioration des équipements publics, le développement économique et l'accès à l'emploi – priorités dont nous verrons la traduction dans ce budget.

Permettez-moi de revenir sur le vote, la semaine dernière, des articles 4 et 5 de la première partie du projet de loi de finances. Grâce à ce vote, nous avons dégagé 170 millions d'euros réinvestis dans la mission que nous examinons aujourd'hui.

L'article 4 de ce PLF diminue une dépense fiscale en abaissant les plafonds de la réduction d'impôt sur le revenu applicable aux contribuables domiciliés dans les départements et régions d'outre-mer. Les Assises des outre-mer avaient permis de relever le caractère inégalitaire de ce dispositif. L'article 4 exclut du bénéfice de l'avantage fiscal les plus hauts revenus, à savoir 4 % des contribuables ou 50 000 foyers fiscaux. C'est donc une mesure de justice fiscale, qui a permis de dégager 70 millions d'euros.

L'article 5, quant à lui, supprime la TVA non perçue récupérable. Les Assises des outre-mer avaient là aussi conclu que ce mécanisme était inefficace, cette dépense fiscale étant jugée peu traçable et non pilotée et ses effets sur le développement économique apparaissant illisibles. La suppression de cette mesure permet de dégager 100 millions d'euros. Ce sont donc au total 170 millions d'euros qui sont ainsi récupérés. Je tiens à insister ici sur le fait que 100 % de cette somme est réaffecté à l'outre-mer.

Ce sont ces mesures qui nous permettent de répondre aux défis soulevés par les Assises et d'engager la concrétisation des objectifs du Livre bleu. Les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » augmentent pour s'élever en 2019 à 2,49 milliards d'euros contre 2,07 milliards d'euros en 2018. Le budget est axé sur les infrastructures, le développement économique et le logement.

Une hausse de 70 millions d'euros est allouée au Fonds exceptionnel d'investissement (FEI), réservé aux investissements structurants et de proximité ainsi qu'à la construction d'établissements scolaires. Le FEI est un outil essentiel : c'est justement lui qui vient aider les collectivités à combler les retards constatés dans les territoires d'outre-mer. Ce fonds passera ainsi à 110 millions d'euros. Parallèlement, 56 millions d'euros seront affectés à une nouvelle action destinée à aider au financement de l'économie, créée au sein du programme 138 « Emploi outre-mer ». C'est un effort important au service du développement économique des territoires. Il s'agira notamment d'apporter une aide au fret, de faciliter l'accès au financement pour les entreprises et de réduire les effets négatifs des délais de paiement auxquels elles sont confrontées.

Le programme 138, qui vise à renforcer la compétitivité des entreprises et à améliorer la qualification professionnelle des actifs, verra ses crédits de paiement passer de l,33 milliard d'euros en 2018 à l,69 milliard d'euros en 2019. Le programme 123 de la mission sera également augmenté et passera de 733 millions d'euros en 2018 à 799 millions d'euros en 2019. L'effort se portera notamment sur l'amélioration de l'accès au logement des résidents ultramarins, par des actions de développement et de rénovation du logement social mais également de résorption de l'habitat insalubre.

Infrastructures, développement économique, accès à l'emploi et logement sont donc bien mis à l'honneur dans cette mission, ce dont nous nous félicitons.

Le budget 2019 pour les outre-mer est un budget de transformation qui met la dépense publique au service du plus grand nombre et construit un écosystème économique performant, stable et attractif. C'est pourquoi le groupe La République en Marche l'adoptera.

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Sans reprendre le débat que nous avons eu en séance publique, je voudrais simplement faire plusieurs rappels.

C'est la première fois que je vois un budget de l'outre-mer construit avec autant d'incertitude dans les chiffres ; sans doute mérite-t-il d'être expertisé. Nous pourrions suggérer au ministère d'aller le plus loin possible et de nous communiquer les documents de politique transversale, les statistiques et les études d'impact nécessaires afin que nous puissions réellement analyser les chiffres et résoudre toutes ces contradictions : quand ma collègue Mme de Lavergne parle de 4 % de contribuables touchés, moi, je parle de 20 % Quand elle parle de 50 000 personnes concernées par l'abaissement du plafond de l'abattement fiscal, je les estime quant à moi entre 100 000 à 150 000 personnes. Quand on dit que seuls les contribuables avec des revenus supérieurs à 75 000 euros seront touchés, je soutiens quant à moi que cette mesure frappera tous ceux dont les revenus dépassent 45 000 euros… D'autant que la ministre elle-même a clairement indiqué devant nos collègues qu'elle n'avait organisé aucune concertation sur la question de l'abaissement du plafond de l'abattement ; elle l'a même regretté. Il y a un vrai problème : on ne peut pas revenir sur une mesure aussi importante prise en 1960 dans le but de lutter contre les inégalités, sauf à considérer que celles-ci ont définitivement disparu. Cela étant, le débat a eu lieu, vous avez la majorité, vous avez gagné – tout comme vous avez gagné la suppression de l'APL accession outre-mer, dont la ministre vient d'annoncer le rétablissement ! Cela montre bien qu'on peut gagner quelque chose par conviction, se tromper lourdement et rétablir un dispositif qu'on a supprimé. Je ne sais pas si vous reviendrez sur l'abaissement du plafond de l'abattement, mais je rappelle que nous n'avons pas le même régime fiscal : vous ponctionnez sur cinq départements mais vous redistribuez la ressource sur neuf départements… Il y a donc un problème – je ne sais même pas si ce procédé est constitutionnel.

Cela étant, il y a des choses intéressantes et positives dans ce budget. Par exemple, je suis pour l'émancipation économique locale ou, en termes plus simples, pour le développement local de l'économie de sorte qu'on soit moins dépendant des importations et de la consommation passive, surtout si c'est pour s'entendre dire – fût-ce tacitement – que nous sommes des assistés ! Il faut relancer la machine interne. La ministre des outre-mer a pris une initiative à mes yeux très intéressante en prévoyant la possibilité de créer de nouvelles zones franches nous permettant de travailler sur les filières de production domiciliées territorialement. Je demande cela depuis très longtemps et je vous invite, Madame la présidente, à faire une suggestion à la ministre : on ne peut pas avoir de zones franches sans ports francs – une zone franche qui tourne sur elle-même n'a pas de sens. Il faut penser à l'exportation, y compris à proximité ; or, pour l'instant, on en reste à une sorte de « tunnellisation » économique, comme à l'ère coloniale : on importe tout de Bordeaux, de Paris ou d'ailleurs. Alors que des pays voisins ont des matières premières à peu près identiques, il n'y a pas de jonction économique avec les secteurs de proximité.

Par ailleurs, il y a de mon point de vue une aberration économique. Quand le ministère appelle à passer du stade guichet – autrement dit de la distribution de subventions – au stade projet. J'en suis d'accord, mais si le projet est conceptualisé depuis Paris, économiquement, cela pose un problème, car cela revient à rapatrier au niveau national des fonds qui étaient domiciliés localement – tels que ceux de la TVA non perçue récupérable – pour les redistribuer ensuite sur l'ensemble des territoires ultramarins au titre du FEI. Il y a là un réel problème de conception de la décentralisation économique. La proximité économique est essentielle.

Enfin, entre 6 millions d'euros d'augmentation budgétaire et près de 370 millions d'euros de ponction rapatriés dans le budget de l'outre-mer, si l'on prend en compte dans le calcul la transformation du CICE en un allègement de charges, je ne vois pas trop où est l'équilibre… Même si, en gros, la ministre a tout de même réussi à maintenir la stabilité du budget de l'outre-mer.

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Les conclusions de l'excellent rapport de mon collègue Max Mathiasin me poussent à venir défendre devant vous l'idée qu'il est nécessaire d'adapter les crédits « Outre-mer » aux réalités économiques des territoires pour gagner la bataille de l'emploi et restaurer la confiance dans les territoires.

En tant que députée de la Guadeloupe qui, vous le savez, regorge de ressources naturelles inestimables mais qui souffre de nombreuses difficultés et notamment d'un chômage important, je suis particulièrement sensible aux crédits alloués au programme 138 qui concerne l'emploi. Cette augmentation est notamment due à la création d'une nouvelle ligne budgétaire relative au financement de l'économie, qui fait suite à la suppression de la TVA non perçue récupérable en première partie du PLF.

Je prends acte du fait que la rebudgétisation de la TVA non perçue récupérable accompagne le développement économique et social des territoires des outre-mer.

Je me réjouis, bien entendu, de l'augmentation du budget affecté à nos territoires qui permettra, je l'espère, d'améliorer la compétitivité et l'attractivité de nos entreprises et d'encourager la création d'emplois pérennes.

Les spécificités des outre-mer justifient, je le reconnais, un accompagnement renforcé de l'État et la mise en place de dispositifs fiscaux adaptés. Ainsi, l'article 4 du PLF qui vise la réforme des plafonds de l'abattement applicable à l'impôt sur le revenu a été adopté alors que plusieurs collègues, dont moi-même, en avaient demandé la suppression. Tout à l'heure, en commission des lois, j'ai demandé à Mme la ministre des outre-mer des précisions sur l'affectation de ces fonds en faveur des investissements réalisés dans nos territoires afin qu'aucune démarche budgétaire ultérieure ne vienne en diminuer le montant. J'ai aussi demandé à la ministre s'il était prévu de créer une instance spécifique pour garantir une gestion efficace de ces fonds. Enfin, je lui ai demandé de garantir la présence des collectivités majeures et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au sein de cette instance.

Bien entendu, je suis favorable à la refonte fiscale et aux investissements et je plaide donc pour une transformation de notre économie en pleine cohérence avec nos réalités locales. Permettez-moi toutefois d'émettre une inquiétude quant à la situation du logement, caractérisée dans nos territoires, de façon plus marquée que dans l'hexagone, par une insuffisance de l'offre. Je sais que la ligne budgétaire unique (LBU) n'est pas le seul levier pour la construction de logements. Néanmoins, il nous semble important de préserver les aides à l'accession à la propriété et à l'amélioration de l'habitat privé. En commission des lois, Mme la ministre a annoncé le rétablissement temporaire de l'APL accession à la propriété pour 2019 et qu'un travail serait fait pour pérenniser cette APL accession à partir de 2020. Les crédits en hausse et les nombreuses annonces faites par Mme la ministre montrent qu'elle a pu sanctuariser son budget, en augmentation de 20 %. Dès lors, pouvez-vous nous expliquer les choix budgétaires du Gouvernement ? Pourquoi cette diminution des budgets pour le logement alors que les besoins sont immenses ?

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Je n'ai pas vraiment de question à poser mais plutôt un « coup de gueule » à pousser. Sur le fond, ma collègue Célia de Lavergne a tout dit : ce budget est en augmentation, traduisant l'ambition que nous portons pour les territoires d'outre-mer. Je me permets néanmoins de revenir sur les dépenses fiscales au profit des outre-mer, point que vous avez évoqué, Monsieur Letchimy : nous augmentons les crédits de 20 % pour l'outre-mer… Cela méritait d'être précisé alors même que vous avez dit exactement le contraire à l'instant.

Je voudrais également m'exprimer sur le nombre de députés présents ce soir. L'opposition est toujours prompte à donner des leçons à la majorité – que ce soit à La République en Marche ou au Mouvement Démocrate et apparentés – alors que l'exemplarité de cette opposition est bien souvent à démontrer : nous en avons un exemple concret et cynique ce soir. Les territoires d'outre-mer, c'est la France ; et parce que c'est la France, nous avons besoin que le Parlement dans sa diversité puisse s'exprimer sur les budgets qui leur sont dédiés et non pas les seuls députés des outre-mer. Il est regrettable de constater qu'aucun député de l'opposition en dehors de ces territoires n'est présent ce soir – aucun ! – alors même qu'il y a quelques minutes, ils étaient autrement plus nombreux quand nous étudiions le budget de l'agriculture. Le travail à l'Assemblée nationale, ne se limite pas à choisir ses sujets en fonction de ses affinités : cela suppose de siéger, quelle que soit l'heure et quel que soit le thème. L'attitude de l'opposition vis-à-vis des outre-mer est grave et doit être relevée ! J'espère que les Français résidant dans ces territoires auront vent de cette situation et sauront en tirer toutes les conséquences.

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Je vous remercie, Monsieur Adam. Je ne suis pas loin de partager votre « coup de gueule » : il peut m'arriver aussi de déplorer le peu de présence dans nos commissions sur certains sujets ou en fin de séance. J'invite tous les collègues qui seraient amenés à visionner cette fin de réunion en streaming à un peu plus de présentéisme.

Monsieur le rapporteur, je vous cède la parole pour répondre aux interrogations de nos collègues.

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Je vous remercie, Madame la présidente.

Vous avez évoqué, Madame de Lavergne, le contexte économique dans lequel ce budget a été préparé et présenté ; vous avez aussi rappelé le contexte des Assises des outre-mer et la manière dont elles ont été menées ainsi que le nombre d'ateliers et de projets qui ont été présentés. Permettez-moi de vous faire remarquer à mon tour que ce n'est pas la première fois que nous tenons des assises. En 2009, à la suite d'une crise sociale profonde qui avait singulièrement affecté la Guadeloupe et la Martinique mais aussi la Guyane, nous avions organisé des États généraux. Beaucoup de mesures avaient été arrêtées à cette occasion, qui n'ont pas connu d'application sur le terrain. C'est d'ailleurs pour cette raison que votre rapporteur avait été sceptique quant à l'utilité des assises.

Vous parlez de l'augmentation globale du budget de la mission. Il faut savoir que l'augmentation des crédits de l'ordre de 20 % n'est qu'une conséquence comptable de la réaffectation de crédits qui étaient déjà affectés aux outre-mer. Elle correspond notamment, comme vous l'avez vous-même souligné, aux conséquences de la réfaction de l'abattement applicable à l'impôt sur le revenu, qui représente 70 millions d'euros, auquel il faut ajouter 100 millions d'euros liés à la re-fiscalisation par l'État de la TVA non perçue récupérable. Ces 170 millions étaient donc déjà injectés dans l'économie ultramarine. Qui plus est, le redéploiement de crédits va profiter à l'ensemble des outre-mer alors que le prélèvement fiscal n'affectera que la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et, dans une moindre mesure, Mayotte. Cela aussi méritait d'être noté.

Le collègue Letchimy vous a apporté des précisions. Vous estimez que 5 % seulement des contribuables seront concernés par la réduction de l'abattement, mais celle-ci touchera en fait 20 à 24 % des contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu. Dans les outre-mers, les contribuables s'inquiètent à juste titre car les 20 à 24 % d'ultramarins assujettis à l'impôt sur le revenu qui sont concernés par la mesure seront les seuls à voir leur impôt augmenter, en moyenne de 10 %. Ajoutez à cela l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) et la non-indexation des retraites sur l'inflation et vous comprendrez que beaucoup se sentent touchés par cette augmentation d'impôt.

Rappelons également que l'abattement instauré en 1960 n'était pas initialement destiné à acclimater les ultramarins – dont les territoires furent des colonies jusqu'en 1946 – au paiement de l'impôt, mais bien à permettre la mise en place d'une administration au moment de la départementalisation. Les colonisés étaient très peu instruits et n'avaient pas l'habitude de l'administration : il fallait donc inciter les fonctionnaires métropolitains à venir travailler dans les outre-mer. Il en va de même de la prime de 40 à 50 %, selon les outre-mer, qui était constituée à l'origine d'une prime « de chaleur » de 15 % et d'une prime d'éloignement de 25 %. Cet abattement avait donc bien été conçu comme une aide à l'économie et non pas comme une faveur ou une mesure visant à nous acclimater au paiement de l'impôt.

Mais allons plus loin et entrons dans l'analyse économique. L'économie des territoires ultramarins est peu qualifiée : elle reste une économie postcoloniale de comptoir essentiellement fondée sur la monoculture – nous aurons d'ailleurs à rediscuter avec vous de l'augmentation de la taxe sur le rhum consommé sur place. Cette économie se limite à la seule exportation : la colonie ne doit rien transformer sur son territoire, pas même un fer à cheval, disait Colbert… Aucun véritable artisanat ni une véritable industrialisation n'ont pu se développer, précisément à cause de ce facteur historique, mais également et surtout du fait d'un environnement caribéen très difficile : il nous est impossible de résister à la concurrence de voisins qui n'ont pas les mêmes lois sociales que nous. Il eût été nécessaire de faire une évaluation économique des conséquences de la réfaction de ces 70 millions d'euros avant d'appliquer cette mesure, afin de prévoir dès le départ les mesures d'accompagnement qui s'imposent.

Pour ce qui est de la TVA non perçue récupérable, cette appellation complexe désigne une disposition décidée par l'État pour subventionner l'économie, comme on subventionne l'agriculture ou certains autres secteurs. Elle aurait pu s'appliquer différemment et s'appeler autrement. Nous savons qu'elle est très difficilement compréhensible pour nos collègues de l'hexagone ; mais ce qui nous inquiète, c'est que les recettes de cette taxe entrent dans le budget de l'État sans que nous sachions comment leur produit sera réparti, année après année, entre les territoires ultramarins. Nous n'avons pas d'étude d'impact à ce jour ni aucun document de politique transversale. Enfin, nous notons des contradictions dans les chiffres.

Monsieur Adam, vous avez indiqué que le budget était en augmentation de 20 %. Je vous ai déjà répondu qu'il s'agissait d'une conséquence comptable de la réforme des aides économiques. Vous avez aussi poussé un « coup de gueule » : vous avez raison, cher collègue, mais c'est justement contre cela que nous nous battons ! Ce que nous déplorons, c'est précisément cette absence de réflexe ultramarin dans l'hémicycle, chez nos collègues. Les outre-mer sont une dimension de la France. La France, c'est bien sûr l'hexagone, mais ce sont aussi ses archipels et ses îles. Le réflexe républicain ne saurait se limiter à une vision du développement économique dans l'hexagone ; car l'hexagone ne peut être performant si les outre-mer ne sont pas développés au même titre. Ce sont eux qui font de la France la deuxième puissance maritime du monde ; ils constituent une forme de prolongement de l'hexagone, pour ne pas dire une vitrine.

Ma collègue Benin nous appelle à gagner la bataille de l'emploi. Cette remarque très importante nous renvoie à la question de l'évaluation des créations d'emplois que nous pourrions générer grâce à ces mesures : or celle-ci n'a pas été faite. Votre rapporteur reste donc sur sa position, chère collègue, et maintien qu'il aurait fallu procéder au préalable à cette évaluation. On ponctionne ces 170 millions d'euros dans un contexte économique particulier ; c'est précisément là que la théorie du « premier de cordée » chère au Président de la République doit entrer en application, faute de quoi l'économie ultramarine va être handicapée. Si, dans un territoire où il y a 25 % de chômeurs – voire 30 à 35 % à Mayotte – et 50 % de chômeurs parmi les jeunes, il n'y a pas d'éclatement social, c'est précisément grâce à la solidarité non seulement familiale mais aussi transfamiliale et communautaire, qui nous permet de tenir. Il ne fallait donc pas, à mon sens, réduire tout de go la portée de ces abattements. Peut-être aurait-il fallu aller progressivement vers d'autres mesures pour accompagner l'industrialisation, l'ingénierie et le développement de start-up pour nos jeunes car ceux-ci sont pour le moment obligés de partir en métropole, au Canada ou ailleurs. La Martinique est le plus vieux département de France par l'âge de ses habitants et la Guadeloupe n'en est pas loin !

La commission en vient à l'examen pour avis des crédits de la mission « Outre-mer ».

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N'étant saisie d'aucun amendement, je vais demander au rapporteur de bien vouloir formuler un avis sur les crédits de la mission.

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Madame la présidente, mes chers collègues, nous avons échangé des opinions. Du côté de La République en Marche, vous avez une « lecture progressive » de ce budget ; quant à moi, j'en ai une lecture progressiste. Je veux dire par là que le budget aurait pu être meilleur qu'il n'est. Compte tenu des réserves que j'ai exprimées, il me paraît cohérent d'émettre un avis de sagesse sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

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J'ai peut-être été mal compris tout à l'heure : je reconnais bien que ce budget est en augmentation – de 6 millions d'euros, ai-je précisé. Cependant, la « ponction globale » des quelque 370 millions d'euros est telle que, dans le report de crédits, le compte n'y est pas. J'admets que la ministre s'est bien battue pour maintenir son budget. Mais à nos yeux, la difficulté réside dans le caractère radical et extrêmement surprenant des différentes décisions qui ont amputé les départements et régions d'outre-mer de quelque 370 millions d'euros. Nous n'avons pas de garanties concernant la sanctuarisation des crédits : les 70 millions réalloués peuvent devenir 10 millions en cas de changement de ministre ou de Gouvernement. C'est pourquoi nous resterons dans cette opposition que je représente – et je suppose, cher collègue Adam, que vous parliez de l'opposition de droite…

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Je symbolise à moi tout seul non pas la République (Rires) mais le groupe Socialistes et apparentés. Comme nous sommes peu nombreux – vous êtes trois cents, nous ne sommes que trente –, nous nous répartissons les tâches et j'ai bien compris que votre propos ne m'était pas adressé. Nous émettrons un avis défavorable à l'adoption de ce budget.

Au terme de ces explications de vote, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

Informations relatives à la commission

La commission a créé un groupe de travail sur l'hébergement d'urgence, ayant pour rapporteur M. Nicolas Démoulin.

Lors de sa réunion du 10 octobre 2018, la commission des affaires économiques a donné, en application de l'article 13 de la Constitution, un avis favorable à la nomination, envisagée par le Président de la République, de M. Bernard Doroszczuk à la fonction de président de l'Autorité de sûreté nucléaire a donné le résultat suivant au sein de notre commission :

Les résultats du scrutin sont les suivants :

Nombre de votants

Pour

Contre

Abstentionblancnul

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17 h 15

Présents. - M. Damien Adam, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Jean-Claude Bouchet, M. Sébastien Cazenove, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, M. Daniel Fasquelle, Mme Véronique Hammerer, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Sébastien Leclerc, Mme Annaïg Le Meur, M. Serge Letchimy, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Max Mathiasin, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Benoit Potterie, M. Vincent Rolland, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Nicolas Turquois

Excusés. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Grégory Besson-Moreau, M. José Evrard, M. Philippe Huppé, M. Jean-Luc Lagleize, M. Roland Lescure, M. Richard Ramos

Assistaient également à la réunion. - Mme Justine Benin, Mme Émilie Bonnivard, M. Michel Lauzzana, M. Hervé Pellois