Intervention de Didier Guillaume

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h15
Commission des affaires économiques

Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

C'est une bonne réponse, mais ce n'était pas ma question… (Sourires)

Mesdames, Messieurs les députés, j'essaierai d'être le plus bref possible tout en vous répondant le plus précisément possible. Et je vous indique que nous serons amenés à nous revoir.

Un budget ne vaut que ce qu'il permet de faire. Cela fait trente ans que je travaille sur des budgets. Se borner à dire qu'un budget augmente de 5 % ou qu'il baisse de 10 % n'a aucun sens. Ce budget a-t-il les moyens de son ambition ? Permet-il des actions de développement agricole, de préserver l'environnement, la transition vers l'agro-écologie, de développer le bio et la meilleure protection sanitaire possible ? À ces questions, je réponds oui, et je vais tenter de vous le démontrer.

Ce budget de 4,6 milliards d'euros est en fait intégré dans une masse de 23 milliards consacrés aux actions pour l'agriculture française. C'est pourquoi, Madame la présidente, la question que vous avez posée tout à l'heure sur la PAC est essentielle : si les choses devaient en effet mal se passer pour la PAC, ce sont des pans entiers de notre agriculture qui seraient en souffrance. Nous savons très bien que ce combat sera difficile.

Monsieur Nury, je ne peux laisser dire que la France se désintéresserait totalement de la politique agricole commune. C'est totalement faux : le Président de la République a même été le premier à dire à la chancelière allemande qu'il n'était pas question de brader la politique agricole commune, qui devait au contraire demeurer la première politique intégrée, avec des moyens pour l'ensemble des pays, les plus petits comme les plus grands pays agricoles, et notamment la France qui est le leader. La politique menée par le Gouvernement français va dans cette direction. Nous n'acceptons pas la proposition de la Commission européenne en ce qui concerne la future politique agricole commune ; c'est un point sur lequel nous devrions pouvoir faire l'unanimité, et les parlementaires français, comme ceux des autres pays, ont un rôle à jouer à Bruxelles à cet égard.

Sécurité sanitaire, transition vers l'agro-écologie, compétitivité et préparation de l'avenir : voilà ce qui figure dans ce budget.

J'ai souhaité faire mon premier déplacement sur le thème de la formation de l'enseignement agricole, de la recherche et de l'innovation. La transition écologique ne pourra se faire que si les jeunes qui s'installent dans les territoires sont formés. On n'intègre plus l'exploitation familiale de ses parents comme avant, même s'il y avait de bonnes pratiques, puisque 80 % des installations se font aujourd'hui hors cadre familial. La formation doit donc être encore meilleure. Alors que 200 000 chefs d'exploitation cesseront leur activité d'ici dix à quinze ans, on est bien en peine de savoir s'ils pourront être remplacés.

Mais si l'on veut que les choses avancent dans la bonne direction, encore faut-il que le métier d'agriculteur redevienne attractif. Celles et ceux qui aiment l'agriculture auront réussi le jour ou l'on dira que l'agriculture a un avenir et que le métier d'agriculteur est un métier d'avenir. La première chose à faire consiste à travailler à partir de la loi EGALIM. J'ai entendu dire tout à l'heure que cette loi était un échec ; il est difficile de le savoir alors qu'elle ne sera promulguée que dans une semaine et les ordonnances prises dans six mois… C'est seulement l'année prochaine ou dans deux ans que l'on pourra dire si cette loi aura été un échec ou un succès, pas aujourd'hui. Que vous ayez des doutes, des craintes, que vous trouviez qu'on ne va pas assez loin, je peux l'entendre ; mais je ne peux accepter le défaitisme Si nous voulons redonner un peu de force et de vigueur aux agriculteurs, encore faut-il que les parlementaires ne passent pas leur temps à dire que cette loi n'est pas bonne ! Battons-nous pour qu'elle soit meilleure.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne rédigerai pas les ordonnances dans mon coin. C'est pourquoi je suis très favorable à la création d'un groupe de travail avec les parlementaires. Ma porte est ouverte et la transparence est totale. Nous devons réussir ensemble, même avec ceux qui n'ont pas voté la loi, ceux qui pensent qu'elle ne va pas assez loin et qui auraient voulu faire autre chose : comme l'a dit l'orateur du groupe La République en Marche, cette loi s'appliquera à tous. De deux choses l'une : ou bien on laisse faire ceux qui veulent la faire vivre, ou bien on s'y met tous ensemble. Je vous engage à vous y mettre tous ensemble, car il y va de l'avenir de notre agriculture et de nos agriculteurs.

Je suis toujours assez épaté en entendant certains responsables politiques vouloir revenir à un budget à l'équilibre, supprimer les niches fiscales, réduire le plus possible le déficit, diminuer les dépenses publiques, tout en s'opposant à chaque fois que l'on propose une baisse : Il faut être cohérent : si l'on veut que les finances soient à l'équilibre en 2022, il faut que tout le monde fasse des efforts. C'en est fini des budgets, à l'exception des secteurs préservés, comme la sécurité, l'enseignement, etc., qui progressent chaque année de 5 ou 10 %. S'il ne faut pas baisser ceci, ni baisser cela, comment voulez-vous équilibrer le budget ? Il faut raisonner en termes d'efficacité. Le présent budget a la capacité d'être exécuté ; aucune action politique en direction de l'agriculture n'est mise à mal. C'est pour cela que je préférerais que vous évoquiez d'autres pistes plutôt que de parler d'un budget en baisse ou d'un manque d'ambition. Je maintiens que ce budget donne à l'agriculture les moyens d'avancer. Et je rappelle que nous ne sommes pas dans le cadre d'une alternance : on a seulement changé de ministre… À cet égard, j'ai salué à plusieurs reprises l'action de M. Stéphane Travert qui a fait du bon travail. Ce budget s'inscrit dans le prolongement de celui de l'année dernière, il est dans la feuille de route fixée par le Président Macron et nous avons les moyens de fonctionner dans tous les domaines. On a parlé du bio : 1,1 milliard d'euros nets sont consacrés au programme Ambition bio 2022. A-t-on jamais mis autant d'argent sur la table ? Et avec le bio, il est possible de continuer à installer des jeunes, de faire de la conversion et des transmissions d'exploitations.

Pour avoir été pendant onze ans le président du premier département bio de France, premier département sans organismes génétiquement modifiés (OGM), premier département zéro phyto, premier département à avoir fait les circuits courts, à avoir créé le réseau Agrilocal auquel participent dorénavant trente ou trente-cinq départements, je soutiens qu'il est possible aujourd'hui, avec la production bio française, de nourrir les élèves de nos cantines, les papys et les mamies de nos établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) comme les patients dans nos hôpitaux. Tout à l'heure, l'un d'entre vous a indiqué que tel conseil départemental ou telle collectivité avait investi de l'argent dans le bio : c'est cela, la coproduction. Pour notre part, nous avons inscrit 1,1 milliard d'euros en direction du bio, mais il faut aller plus loin. De nombreuses collectivités locales, qu'elles soient de gauche ou de droite, en font un cheval de bataille, tout simplement parce que nos concitoyens nous le demandent. Et on ne reviendra pas en arrière.

Ce budget a donc les moyens de répondre aux crises, de mettre en place des politiques ambitieuses et d'essayer d'avancer pour combattre ce défaitisme.

Un mot sur les baisses de charges et les TODE. Il y a un mois, alors que j'étais encore sénateur, j'avais interrogé le ministre de l'agriculture, lors des questions d'actualité, sur le TODE, pensant que la suppression du TODE était une erreur. Depuis que je suis ministre, je n'ai pas changé d'avis. D'ailleurs, lorsque le Président de la République m'a nommé ministre de l'agriculture, j'ai évoqué ce sujet, car il n'était pas question que je dise l'inverse de ce que j'avais dit un mois plus tôt. Il y a une trajectoire économique et sociale : le Président de la République veut remplacer le CICE par des baisses de charges afin que cela se traduise immédiatement par des augmentations de pouvoir d'achat – et on commence à le voir. Ceux qui défendent le TODE, ce sont ceux qui veulent supprimer les niches fiscales à condition qu'il ne s'agisse pas des leurs ou de celles qui les intéressent…

Globalement, le paquet économique agricole est très positif. Lorsque l'on regarde le différentiel entre la baisse des charges, les aides et la suppression du TODE, on voit que le paquet est très positif pour la ferme France, si on la prend dans son ensemble.

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