Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mercredi 7 novembre 2018 à 9h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

On peut effectivement s'interroger au sujet de l'orientation de tel ou tel budget, sur tel ou tel objet de recherche.

Pour ma part, mes chers collègues, je souhaiterais vous questionner, avec un peu plus de recul, sur le financement de la recherche publique elle-même. De quelle efficacité les chercheurs peuvent-ils faire preuve aujourd'hui alors qu'ils passent leur temps à courir derrière les projets de l'ANR dont seulement un dixième aboutit ? Quel gaspillage de temps et d'argent !

L'ANR mobilise une énergie considérable dont la majorité des laboratoires ne tire aucun bénéfice, alors que son budget ne cesse de diminuer et que son fonctionnement technocratique devient quasiment illisible. Comment les chercheurs peuvent-ils réellement se consacrer à leurs travaux de recherche alors qu'ils consacrent leur temps à élaborer des projets destinés à être soumis à l'ANR ? Ce système conduit à dépenser plus d'argent pour faire moins de recherche. Par ailleurs, quand ils ne courent pas les appels à projets, pour 25 % d'entre eux, les chercheurs se trouvent en position précaire, occupés à faire de la recherche sur projets afin de satisfaire aux demandes et aux appels à projets de l'agence.

Cette situation ne peut que conduire à se demander ce que veulent le Gouvernement et l'ANR, à la suite de l'équipe précédente comme de celle qui était aux affaires avant elle. Il s'agit d'une logique libérale qui consiste à financer par priorité la recherche appliquée à des fins d'exploitation industrielle, alors que des découvertes essentielles, dans l'histoire récente comme plus ancienne, surviennent rarement dans le cadre de projets finalisés.

Se complaire dans ce sous-financement de la recherche revient à la laisser mourir pour laisser la porte ouverte à l'« expertise », à de grands lobbies qui demeurent les seuls compétents. Je pense aux grands projets inutiles comme la « Montagne d'or » en Guyane, le grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg ou l'incinérateur d'Ivry. Nous aurions bien besoin, pour ces exemples-là, d'une expertise et d'une recherche publique indépendantes, financées et libres.

Il serait plus efficace à mon sens d'augmenter la dotation récurrente des laboratoires, quels qu'ils soient ; ce qui permettrait aux chercheurs d'utiliser rapidement des moyens au moment où il faut avancer vite. Notre collègue Christophe Bouillon vient de rappeler qu'il y a des moments où il faut savoir rapidement se positionner sur un sujet et conduire sereinement les travaux à long terme. Nous devons faire progresser les connaissances fondamentales, indispensables au développement technologique de demain et propres à relever le défi de l'urgence de la transition écologique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.