Intervention de Florence Brugnon

Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 19h40
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Florence Brugnon, présidente de la Fédération des biologistes des laboratoires d'étude de la fécondation et de la conservation de l'oeuf (BLEFCO), chef du service Assistance médicale à la procréation et du centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) du centre hospitalier universitaire (CHU) Estaing de Clermont-Ferrand :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la Fédération des BLEFCO est une société savante qui réunit l'ensemble des praticiens des laboratoires d'assistance médicale à la procréation publics et privés. Nous avons à ce jour 255 membres adhérents actifs qui représentent l'ensemble des laboratoires français d'assistance médicale à la procréation (AMP).

Dans le cadre de la révision de la loi relative à la bioéthique, nous souhaitons aborder trois thèmes : l'autoconservation ovocytaire pour raison non médicale, l'ouverture de l'AMP aux femmes seules et aux couples de femmes – ce sujet sera abordé par ma collègue Rachel Lévy – et l'accès au diagnostic génétique préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A). Sur cette dernière thématique, nous avons participé à la rédaction d'un rapport émanant de l'ensemble des sociétés et collèges de biologie et médecine de la reproduction qu'a coordonné Mme le professeur Nelly Achour-Frydman. Comme celle-ci viendra cette semaine vous le présenter, nous laisserons aujourd'hui ce thème de côté. J'indiquerai juste qu'ouvrir cette offre de soins en l'évaluant par des protocoles de recherche biomédicale nous semble indispensable.

En France, l'autoconservation d'ovocytes est autorisée dans deux situations : lorsque la fertilité est menacée par un traitement médical ou une pathologie susceptible de l'altérer et lors d'un don d'ovocytes. En effet, depuis l'arrêté du 24 décembre 2015, l'autoconservation d'une partie des ovocytes est autorisée pour les donneuses n'ayant pas procréé souhaitant conserver pour leur bénéfice une partie des ovocytes recueillis. Néanmoins, cette conservation n'est possible que si plus de cinq ovocytes matures sont recueillis. Or, bien que la technique de congélation que nous utilisons – la vitrification ovocytaire – permette une conservation optimale, le nombre d'ovocytes obtenus dans le contexte d'un don ne permet jamais d'atteindre le nombre nécessaire pour assurer une naissance vivante. Cette pratique soulève d'autre part une question éthique dans la mesure où nous ne pouvons connaître la motivation réelle des donneuses. Car comment distinguer de façon certaine un don altruiste d'un don que motive l'autoconservation ? Or, nous nous rendons compte que beaucoup des donneuses que nous rencontrons sont plus intéressées par l'autoconservation que par le don.

Des données scientifiques montrent que la fertilité naturelle des femmes diminue avec l'âge de façon physiologique en raison d'une dégradation de la qualité fonctionnelle des ovocytes ainsi que de la raréfaction progressive du stock d'ovocytes contenu dans les ovaires, avec une chute drastique vers trente-cinq ans. La technique de congélation très efficace qu'est la vitrification ovocytaire est autorisée en France depuis 2011. Compte tenu de l'âge moyen de naissance du premier enfant, qui est pour les Françaises de vingt-huit ans et demi d'après les données de 2015 de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la congélation de leurs propres ovocytes pourrait constituer une solution pour les femmes. Elle leur permettrait en effet de reporter leur projet de grossesse sans être pénalisées par leur horloge biologique ou contraintes de recourir plus tard au don d'ovocytes. La pratique de l'autoconservation d'ovocytes pour raison non médicale étant d'ailleurs autorisée aux États-Unis et dans plusieurs pays d'Europe, de nombreuses Françaises s'adressent à des centres espagnols afin d'y réaliser la conservation de leurs ovocytes.

Suite à l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) de juin 2017, nous avons réalisé un sondage auprès des membres de la Fédération des BLEFCO, d'où il ressort que 85,5 % d'entre eux sont favorables à la cryoconservation d'ovocytes pour indication dite sociétale. Mais nos membres insistent aussi sur la nécessité que l'autoconservation se fasse avec un encadrement à la fois réglementaire et médical, en vérifiant l'absence de contre-indication à la stimulation hormonale et à la ponction ovarienne mais aussi le contexte psychologique, et en assurant un suivi médical du traitement et de ses éventuelles complications. Si la France décidait d'autoriser cette prise en charge, la majorité des membres des BLEFCO souhaitent également que l'autoconservation ovocytaire puisse être pratiquée dans tout centre d'AMP autorisé, qu'il soit public ou privé.

Cependant, la procréation hors AMP devra également être encouragée, car congeler ses ovocytes ne garantit pas la possibilité d'avoir un enfant. À cet effet, nous préconisons que soit mis en oeuvre un plan « fertilité » informant de manière précoce les jeunes gens de la diminution progressive de la fertilité féminine, à la fois dans un cadre scolaire, dès le collège, mais aussi lors du suivi gynécologique des jeunes femmes par les professionnels de santé. La réalisation d'un bilan de réserve ovarienne pourrait également être proposée par les gynécologues.

De plus, il nous semble essentiel de développer en France une authentique politique de soutien et d'aide des familles qui facilite l'intégration de la grossesse dans le parcours d'études et la carrière des femmes et qui améliore aussi l'accueil des très jeunes enfants avec la promotion d'installation de crèches sur les lieux de travail et d'étude des jeunes femmes. Ces formes d'accompagnement sont aujourd'hui courantes dans les pays d'Europe du Nord.

Je termine en insistant sur le fait que si l'autoconservation ovocytaire était autorisée, il serait indispensable de doter les centres d'AMP des moyens médicaux, paramédicaux et matériels requis pour cette nouvelle activité.

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