Intervention de François Toujas

Réunion du mardi 30 octobre 2018 à 16h15
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

François Toujas, président de l'Établissement français du sang :

C'est un grand honneur que d'être auditionné par la mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique. Je connais l'attachement de la représentation nationale et votre engagement pour le don du sang, qui est un geste bénévole et altruiste.

Je rappellerai en premier lieu comment s'organise aujourd'hui la transfusion sanguine dans notre pays. La transfusion sanguine civile telle qu'elle est prévue par la loi du 1er juillet 1998 permet, chaque année, d'assurer l'autosuffisance de la France en produits sanguins labiles (PSL) – concentrés de globules rouges, plaquettes et plasma thérapeutique – dans des conditions de sécurité et de qualité optimales.

L'Établissement français du sang est un établissement public composé d'un siège national et de treize établissements régionaux, placé sous la tutelle de la ministre des solidarités et de la santé. Nous sommes présents sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin, grâce à 126 sites fixes et au travers du déploiement de plus de 40 000 collectes mobiles par an.

Nous accueillons un peu moins de 1,7 million de candidats au don, nous réalisons environ 10 000 dons par jour et, chaque année, ce sont environ un million de malades qui sont soignés, 500 000 directement, grâce à des produits sanguins labiles, et 500 000 autres grâce à des médicaments un peu particuliers qu'on appelle les médicaments dérivés du sang, fabriqués notamment à partir du plasma.

Le don du sang, c'est aussi – et c'est important de le souligner – une organisation assise sur le bénévolat de plus de 2 800 associations, de la Fédération française pour le don du sang et de ses 750 000 adhérents bénévoles, qui nous aident quotidiennement dans l'organisation, le recrutement et la fidélisation des candidats au don. Le monde associatif est absolument nécessaire au bon exercice de notre mission de service public, puisque nous sommes bel et bien en charge d'une mission de service public, qui consiste à assurer le prélèvement, la qualification, la préparation et la délivrance ou distribution des produits sanguins labiles, dans un cadre monopolistique.

L'établissement a prouvé à plusieurs reprises sa robustesse et son efficacité, notamment lors de crises majeures, comme les crises climatiques ou les attentats, à Paris et à Nice. Cette robustesse, il en apporte également la preuve en fournissant chaque année plus de dix mille dons pour la prise en charge de patients.

Enfin, l'EFS développe de nombreuses actions de coopération internationale – j'étais ainsi il y a quelques jours au Liban –, afin de promouvoir notre modèle dans des pays qui souhaitent s'en inspirer.

L'organisation de la transfusion sanguine repose sur des principes éthiques forts : le bénévolat, l'anonymat, l'absence de profit et le consentement. Ce sont des principes qui concourent à une plus grande sécurité, au bénéfice avant tout des receveurs mais également des donneurs. Le don du sang obéit en outre dans notre pays aux principes de non-patrimonialité et de non-commercialisation du corps humain et de ses produits, inscrits dans les lois de bioéthique. Sur ce socle majeur s'ancrent les notions de générosité, de solidarité et d'altruisme auxquelles se rattache le fonctionnement de la société française. J'aime enfin rappeler à cet égard que le don du sang est aussi, et peut-être avant tout, un geste citoyen.

Ce modèle doit aujourd'hui faire face à un ensemble de remises en question, qui sont autant de menaces ou d'occasions à saisir.

La première interrogation est liée au risque de requalification de tout ou partie des PSL en médicaments. Il faut ici distinguer juridiquement, d'une part, la collecte, la préparation et la distribution des produits sanguins labiles, monopole de l'ESF, et, d'autre part, la fabrication et la distribution des médicaments dérivés du sang, ouvertes à la concurrence. Entre les deux néanmoins la frontière est poreuse, puisque, par décision du 23 juillet 2014, le Conseil d'État, faisant suite un arrêt du 13 mars 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne, a exclu le plasma thérapeutique sécurisé par solvant-détergent (PFC-SD) de la liste des produits sanguins labiles, motivant cette décision par le fait que sa production fait appel à un processus industriel qui lui confère un statut de médicament, dit médicament dérivé du sang. La conséquence est que ce TFC-SD a cessé d'entrer dans le champ du monopole de l'EFS et des PSL pour entrer dans le champ concurrentiel des médicaments dérivés du sang, ce qui pourrait entraîner sa requalification.

Le second sujet qui doit retenir notre attention, car ce peut être une chance comme une menace, c'est la probable révision de la directive européenne 2002-98 établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la transformation, la conservation et la distribution du sang humain et des composants sanguins. À l'heure actuelle, l'Union européenne n'impose pas l'organisation d'une collecte éthique, se bornant à recommander sa mise en place dans la mesure du possible. La révision de la réglementation européenne devrait être pour nous l'occasion de défendre notre modèle.

Vous savez enfin que de nombreux médicaments connaissent aujourd'hui des problèmes d'approvisionnement ; c'est le cas de manière récurrente pour les médicaments dérivés du sang, ce qui constitue un enjeu pour l'ensemble de la filière, en amont comme en aval.

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