Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du lundi 10 juillet 2017 à 16h00
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c'est au nom de ceux dont on a dit qu'ils ne sont rien que je me présente aujourd'hui à cette tribune, au nom des salariés qui créent les richesses de ce pays, au nom des ouvriers – qui n'ont pas disparu, en dehors des écrans de télévision –, au nom de celles et ceux qui attendent le jour où l'amiante se réveillera dans leurs poumons, au nom de celles et ceux qui ne toucheront jamais la moindre pension de retraite, au nom de celles et ceux qui attendent chaque soir le retour d'un être cher en espérant qu'il aura encore un peu d'énergie à leur consacrer, au nom de celles et de ceux qui espèrent ou qui désespèrent, en quête d'un vrai travail où s'épanouir. Je m'exprime en pensant moi aussi aux salariés de GM&S, auxquels le Gouvernement a intimé l'ordre d'attendre sagement que se noue leur destin, en pensant à cet homme fauché par un chauffard parce qu'il manifestait contre la loi Travail, à ces militants gazés, dans ma circonscription, jusque dans un local syndical, à ces centaines de milliers de femmes et d'hommes qui ont battu le pavé au printemps de l'année dernière contre la loi Travail, au nom de cette majorité qui continuait, en janvier dernier, à en demander l'abrogation. C'est depuis l'atelier, le chantier, le bureau, depuis la vie quotidienne de l'immense majorité, depuis sa dignité, depuis son appétit d'avenir, que nous devons faire la loi du monde qui vient.

Le Président a décidé d'un coup de force. Nous avons tous, mes chers collègues, été envoyés ici pour faire la loi et non pour abdiquer ce pouvoir. Renforcer le dialogue par ordonnances… Reconnaissez, madame la ministre, que c'est croquignolet ! Vous nous dites que ces ordonnances ne sont pas moins fondées que celles qui avaient conduit aux lois Auroux en 1982. Mais à l'inverse, c'était alors pour d'heureux progrès. Il s'agit aujourd'hui de l'aveu d'un esprit de revanche qui vous anime, et nul doute que vous trouverez dans les lois Auroux une cible privilégiée. Vous affirmez que les ordonnances sont légitimes puisqu'elles avaient été annoncées pendant la campagne : une menace n'a jamais rendu légitime sa mise à exécution.

Qu'est-ce qui motive cette précipitation, sinon le désir du MEDEF et de vos amis qui soi-disant réussissent, sinon la crainte que votre plan soit contesté ? Vous avez peur sans doute de la mobilisation populaire et redoutez déjà le 12 septembre prochain. Vous n'avez au cours des débats rien justifié, ni sur l'urgence ni concernant vos intentions. En fait, vous n'assumez rien au grand jour : votre verbe est flou, vous êtes dans l'artifice, vous ne voulez pas dire les vrais mots, débattre les idées ; vous espérez nous faire croire que nous sommes face à des questions techniques, des questions de bon sens, quand vous poursuivez des objectifs politiques sur un sujet qui n'est autre que la grande contradiction du monde.

Vous nous dites : « Faites confiance au dialogue social. » Mais on attend de vous que dans ce prétendu dialogue, afin qu'il ne tourne pas au monologue patronal, la puissance publique tienne son rang, du moins qu'elle affiche des intentions, car nous sommes dans une crise sociale et économique violente. Vous vous trompez de diagnostic : les responsables de cette crise ne sont pas les salariés qui auraient trop de droits ou des salaires trop élevés, mais les grands propriétaires de la finance : 46 milliards de dividendes seront versés aux actionnaires en 2017, comme l'an dernier. Madame la ministre, c'est eux qu'il faut prélever à la source !

Pourtant, si vous annoncez six chantiers de réforme tous azimuts, aucun ne s'attaque aux exactions des puissances financières, dont vous ne parlez jamais. Vous préférez situer les relations sociales et économiques dans le monde des bisounours, expliquant qu'avec un peu de bonne volonté, on arrive à s'entendre. Je me dois, hélas, de vous apprendre qu'il existe encore une immense majorité qui vit ou aimerait vivre de sa force de travail, et une infime minorité qui essaye, chaque jour qui passe, d'étendre ses profits et sa domination, piétinant au passage le tissu des petites entreprises et des sous-traitants. Vous faites abstraction de la sauvagerie induite par le capitalisme qui s'abat sur les humains. Nier cette réalité, c'est l'encourager.

Le droit doit bien sûr être mis en question par le mouvement du monde. Mais il n'est écrit nulle part qu'il doit systématiquement entériner les pratiques économiques du moment. Vous voulez plus de liberté et plus de sécurité pour l'employeur comme pour le salarié, mais ce que vous donnerez au premier, vous le prendrez au second.

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