Intervention de Sarah El Haïry

Réunion du mercredi 21 novembre 2018 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah El Haïry, rapporteure :

Madame la présidente, mes chers collègues, je suis très heureuse de vous présenter cette proposition de loi qui souhaite donner au tissu associatif les moyens de se développer. Quelle que soit notre appartenance politique, nous partageons cette ambition. Le secteur associatif est très dynamique dans notre pays, et nous pouvons en être fiers : 1,3 million d'associations, plus de 70 000 créations par an, 14 millions de bénévoles et quasiment 2 millions d'emplois.

Mais, pour fonctionner, ce secteur a besoin de financements, et la réduction des financements publics oblige les associations à se tourner vers la générosité du secteur privé –particuliers ou entreprises. Le Gouvernement, vous le savez, est très attentif à la vitalité du monde associatif. Il a lancé en novembre 2017 une grande concertation avec l'ensemble des acteurs du secteur, qui s'est traduite en mai dernier par la remise d'un rapport du Mouvement associatif au Premier ministre, comprenant cinquante-neuf propositions. Le Gouvernement devrait annoncer dans les prochains jours les orientations qu'il retient.

Notre proposition de loi reprend quatre propositions qui font l'objet d'un grand consensus dans le monde associatif – et qui, je l'espère, feront également consensus au sein de notre Commission. Elles figurent dans le rapport de mars 2014 du Haut Conseil à la vie associative (HCVA) concernant le financement privé des associations, ainsi que dans le rapport du Mouvement associatif rendu en mai dernier. Elles figuraient aussi, pour deux d'entre elles, dans la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, avant d'être censurées en tant que cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel. Elles ne sont donc pas particulièrement nouvelles, mais sont indispensables pour faciliter le développement du tissu associatif et sont attendues avec impatience.

L'article 1er vise à inscrire dans la loi la possibilité pour les associations de conserver un excédent budgétaire – dans la limite du raisonnable – correspondant au reliquat d'une subvention non dépensée, afin de financer leur développement. Actuellement, les subventions sont toujours calculées au plus juste et les éventuels reliquats, même lorsqu'ils résultent de la bonne gestion de l'association, sont généralement repris par les autorités publiques qui les ont versés. En l'état actuel du droit, rien n'interdit aux associations de réaliser des excédents, à condition qu'ils ne donnent pas lieu à un partage entre leurs membres, mais soient réinvestis dans leur activité. En conséquence, les associations éprouvent beaucoup de difficultés à constituer des fonds propres. Nous proposons donc d'inscrire dans la loi la notion d'« excédent raisonnable », actuellement présente dans une simple circulaire du Premier ministre.

L'article 2 a pour objet de permettre aux associations d'un même réseau de s'accorder des prêts entre elles, sur le modèle du prêt interentreprises. Par définition, cette mesure ne devrait concerner que de petites sommes, par exemple au moment de la création de l'association locale d'un réseau existant. Cette activité de prêt devra demeurer accessoire, afin que l'objectif non lucratif et la mission d'utilité publique de l'association ou de la fondation restent prioritaires.

L'article 3 permettra l'affectation au Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) du produit des comptes bancaires en déshérence des associations, gérés par la Caisse des dépôts et des consignations (CDC). Depuis 2014, la CDC centralise, conserve et restitue les sommes issues des comptes inactifs et des contrats d'assurance-vie non réglés. Elle gère à ce titre plus de huit millions de comptes, représentant 5 milliards d'euros. Et si elles ne sont pas réclamées à l'issue de trente années d'inactivité, les sommes sont reversées au budget de l'État : 70 millions d'euros l'ont ainsi été en 2016 et 50 millions en 2017. Nous proposons donc d'identifier les comptes appartenant à des associations et de les reverser, à l'issue de la prescription trentenaire, au FDVA. C'est le sens de l'amendement que je vous présenterai tout à l'heure, la rédaction actuelle de l'article 3 n'étant pas satisfaisante.

L'article 4 permettra à l'État de confier à des associations reconnues d'intérêt général la gestion des biens immeubles dont il est devenu propriétaire à l'occasion d'une instance pénale. Les procédures de saisies des biens immeubles mal acquis – par crime ou délinquance – sont mises en oeuvre par l'Agence de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). Cet article prévoit que les modalités pratiques de cette mise à disposition des immeubles fassent l'objet d'une convention, pour déterminer notamment les obligations incombant à l'utilisateur en matière d'entretien ou d'aménagement de l'immeuble.

Lors de son audition, la directrice générale de l'AGRASC a fait état de la diversité des immeubles gérés par l'agence sur l'ensemble du territoire national, dont certains pourraient parfaitement correspondre aux besoins du monde associatif, alors que les revenus issus de leur revente sont versés au budget général de l'État.

L'article 5 demande au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de douze mois, un état des lieux de la fiscalité liée aux dons. Il s'agit en effet d'un sujet complexe, qui a fait l'objet de nombreuses propositions du monde associatif ces dernières années. Il importe que le Parlement dispose d'un bilan exhaustif, afin de pouvoir se prononcer sereinement, dans un sens favorable à une véritable philanthropie à la française.

Les amendements que je vous proposerai visent à clarifier certaines rédactions de la proposition de loi.

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