Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mardi 3 octobre 2017 à 17h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale :

Madame Mette, je ne vous ai pas répondu tout à l'heure. Je le fais maintenant. Vous m'interrogiez, comme Mme Biémouret, sur le sujet essentiel que constitue la ruralité. Ma première réponse, lors des questions au Gouvernement, portait sur cette question et vous me donnez l'occasion d'y revenir plus longuement.

La ruralité est une très grande priorité du Gouvernement. Il ne faut surtout pas opposer une politique volontariste en faveur des villes, et notamment de leurs quartiers périphériques, symbolisés par les REP+, à une politique volontariste en faveur des espaces ruraux. Nous devons faire les deux, j'en suis très profondément convaincu.

Madame Mette, aujourd'hui, les études sur les écoles primaires rurales montrent que la réussite y est supérieure à la moyenne nationale. C'est une très bonne nouvelle, et les causes en sont multiples : il y a un facteur humain, tout simplement, car les enfants bénéficient de cet environnement ; il y a aussi le rôle des classes multi-niveaux, parfois mal perçues, mais à tort, car elles sont souvent bénéfiques sur le plan pédagogique quand elles sont bien menées. En milieu rural, le problème est rarement un problème de saturation, au contraire : nous devons plutôt nous concentrer sur la qualité de l'enseignement et veiller à fermer le moins possible de classes. L'existence des écoles primaires rurales est à mon sens pleinement justifiée par cette qualité constatée que je mentionnais, et qui peut je crois se renforcer.

Madame Biémouret, il faut en effet évaluer les contrats de ruralité. Voilà un exemple de réalisation du dernier quinquennat que je salue, et qui va dans le bon sens ; j'ai récemment redit au sénateur Alain Duran mon intérêt pour ce dispositif qui concerne aujourd'hui une quarantaine de départements. Une nouvelle génération de contrats, qui iront plus loin, doit être mise en place ; une soixantaine de départements pourront être intéressés. La question du bâti se pose, et plus généralement celle de l'attractivité du milieu rural.

Nous ne devons pas, ici non plus, être sur la défensive, c'est-à-dire raisonner sur des seuils de fermeture, en abaissant peu à peu ces seuils et se résignant, quelle que soit notre bonne volonté, au déclin. Nous devons être à l'offensive, c'est-à-dire renforcer l'attractivité et faire de l'école le moteur d'un renouveau rural que nous espérons tous. C'est pourquoi on peut souhaiter qu'il y ait de l'innovation pédagogique ; on peut souhaiter une attractivité particulière des écoles et collèges ruraux. Nous disposons d'atouts, comme les classes multi-niveaux qui donnent déjà lieu à des expériences intéressantes. Il est tout à fait possible de changer l'image et la réalité de ce qui se passe en milieu rural, et même mettre ces établissements à l'avant-garde de l'attractivité – contrairement à un cliché qui pourrait circuler. Dans le Gers, madame Biémouret, j'ai évidemment salué l'action du collège de Marciac, très bel exemple d'attractivité retrouvée : il est passé de 80 à 250 élèves, grâce aux sections musicales, à une certaine attractivité pédagogique et à l'internat.

Ce sont ces outils qui nous permettront d'aller vers un renouveau. Il y aura en particulier un plan de relance des internats. Placer les écoles et collèges ruraux à l'avant-garde, c'est à mon avis la clé des futures évolutions positives. Vous l'entendez certainement, je suis très motivé pour aller dans le sens que vous préconisez l'une et l'autre.

Monsieur Adam, en ce moment même, deux inspecteurs généraux sont sur le terrain en Guyane pour examiner les solutions que nous pouvons proposer aux différentes questions qui se posent, dont la revalorisation des contractuels, qui doit prendre sa place dans une vision globale de l'évolution du corps professoral. Nous devons mener en Guyane une politique spécifique, notamment en matière de recrutement et de formation, afin de répondre aux besoins grandissants en maîtres sur ce territoire particulier. Cela concerne tout particulièrement les lieux isolés, et j'y suis très attentif – je n'ai pas oublié que j'ai été recteur de ce territoire. J'accompagnerai le Président de la République, qui se rendra en Guyane à la fin du mois d'octobre, pour franchir une étape nouvelle dans notre politique. Il faut être pragmatique et reconnaître les spécificités guyanaises.

Madame Faucillon, merci de ces questions qui sont toutes importantes. Cela me permet de clarifier ma pensée : je suis évidemment, comme vous, un adepte de la recherche pédagogique dans l'école publique. Il m'est arrivé d'être, dans le passé, critiqué parce que j'aurais par trop favorisé les innovations et les expérimentations ; je trouve donc paradoxal d'être aujourd'hui critiqué parce que je serais « rétro ». Je suis attaché à la tradition comme à la modernité, et c'est peut-être pour cela que je fais partie de ce Gouvernement. Je suis totalement en phase avec vous : j'ai beaucoup encouragé l'expérimentation dans le passé, et je continuerai, à l'évidence.

Ce que vous dites est juste : les réponses aux inégalités passeront par le dynamisme pédagogique. Sur ce sujet aussi, j'aimerais créer une atmosphère d'unité nationale. Évitons les fausses polémiques : ce mot que vous avez prononcé et que je ne prononcerai pas est répété à l'infini, et certains font semblant d'être vexés de son emploi pour entretenir la polémique… Je n'ai pas d'adversaire dans le système éducatif ; je n'ai que des alliés, car je crois que, tous, nous voulons faire réussir les élèves. Pour cela, l'ancrage des savoirs fondamentaux est indispensable, car il y a des choses éternelles – je n'ai jamais défendu l'innovation pour l'innovation. Mais il faut faire marcher ce qui marche – parfois depuis toujours – et innover pour tenir compte de ce qui peut marcher dans le futur, et pas seulement du fait des progrès technologiques. Il peut y avoir des pratiques nouvelles.

Nous devons concilier des idées trop souvent opposées les unes aux autres : tradition et modernité, effort et plaisir, transmission des savoirs et participation des élèves… C'est là la clé d'une philosophie de l'école qui peut, je crois, faire consensus dans la société française. Bref, vous avez raison et l'expérimentation sera encouragée.

S'agissant du statut des AVS, j'ai évoqué tout à l'heure l'accueil des élèves en situation de handicap ; nous visons, je l'ai dit, la substitution aux contrats aidés de CDD plus satisfaisants, et pour les personnels, et pour les enfants qui bénéficient de leur travail.

S'agissant de l'autisme, je réponds trop rapidement, car il faudrait du temps : le quatrième plan « autisme » a été annoncé par le Président de la République, en présence des différents ministres concernés, dont je suis. Nous sommes là encore très attachés à l'innovation. On peut aujourd'hui, par exemple, utiliser l'intelligence artificielle pour aider les enfants autistes qui arrivent à l'école maternelle. Là encore, il faut du volontarisme ; nous devons concentrer nos efforts et je suis très ouvert. Nous pourrons en parler plus longuement.

Mme Bannier m'a interrogé sur le repérage dès le collège des élèves qui ont des dons manuels et la valorisation des compétences manuelles au collège. C'est un sujet auquel je suis très sensible. Il convient de développer l'intelligence de la main chez tous les enfants. J'étais, ce matin, à l'Académie des sciences pour célébrer l'opération « La main à la pâte », cette belle innovation pédagogique des années passées qui connaît maintenant un développement international. Cette opération est l'exemple type du lien qui existe entre l'intelligence de la main et l'intelligence de la tête et du potentiel qu'a chaque enfant. Nous devons valoriser la diversité des excellences, notamment pour ceux qui se destinent à entrer dans un lycée professionnel et qui doivent y aller pour de bonnes raisons, parce qu'ils en ont envie. Nous suivrons cette ligne qui pourrait aboutir dans le futur à des évolutions dans différentes disciplines.

Monsieur Attal, vous avez raison, le CAP est le diplôme qui a été le moins rénové depuis une quinzaine d'années. Comme je l'ai indiqué, une concertation débutera au mois d'octobre sur l'enseignement professionnel. La rénovation des diplômes en fera partie. Des pistes de travail existent. Si certains CAP ne sont pas attractifs, heureusement d'autres mènent à l'emploi. J'ai reçu hier le président de la Fédération des boulangers qui m'a indiqué que les boulangers embauchaient beaucoup de personnes ayant un CAP boulangerie, pâtisserie ou vente. Certains élèves ont donc tout intérêt à suivre cette formation. Ces CAP sont tout à fait typiques de l'évolution positive de notre société puisque des compétences nouvelles sont attendues, comme les compétences numériques. Des évolutions de carrière doivent être prévues et des passerelles sont possibles. La voie professionnelle doit devenir pleinement attractive, dans la logique de vos deux questions.

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