Intervention de Marie-Christine Saragosse

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde :

En guise d'introduction, permettez-moi de décrire le paysage audiovisuel mondial dans lequel nous oeuvrons. Notre pays est attendu et estimé dans le monde bien au-delà de la perception qu'on en a parfois à l'intérieur de nos frontières. Cela vaut en particulier après le Brexit, après la remise en cause par Donald Trump des accords de Paris sur le climat, mais aussi face à la vague migratoire sans précédent qui déferle sur une Europe fragilisée, outre du fait du Brexit, par des mouvements politiques qui la remettent en cause, alors que de toutes parts le terrorisme et la violence frappent et s'attaquent à des valeurs qui sont au coeur de notre histoire, de notre société, de notre civilisation et de notre devenir. Donc, dans un monde devenu largement imprévisible et dangereux, la France est un repère, plus que jamais. Et la France a plus que jamais besoin d'un outil puissant pour porter sa voix singulière dans la bataille des idées qui se joue. C'est aussi une bataille de civilisation. Souvent, nous sommes seuls à porter une certaine vision du monde.

France Médias Monde a su s'imposer comme un acteur qui compte sur la scène internationale à travers ses trois médias – France 24, Radio France Internationale (RFI), Monte Carlo Doualiya (MCD) – et les quinze langues dans lesquelles ils diffusent dans plus de 180 pays. La stratégie menée ces dernières années a porté ses fruits, comme en témoignent les résultats d'audience sur la période. Au total, à la fin 2016, le groupe comptait 135 millions de contacts par semaine en moyenne – les chiffres d'audience, qui évoluent chaque mois, ne seront réactualisés qu'à la fin 2017. Ainsi, chaque semaine, dans les pays où l'audience linéaire est mesurée, soit un tiers des pays où nous sommes présents, France 24 rassemble 55 millions de téléspectateurs, chiffre en croissance de 31 % par rapport à 2012, RFI compte 41,3 millions d'auditeurs, soit une hausse de 19 % par rapport à 2012, et Monte Carlo Doualiya 7,3 millions, soit une hausse de 9 % par rapport à 2012. Sur l'ensemble de nos environnements numériques, au premier semestre 2017, nous cumulons 35 millions de visites en moyenne chaque mois, soit deux fois plus qu'en 2012 sur nos environnements propriétaires, et comptons désormais 60 millions d'abonnements sur Facebook et Twitter.

Au-delà de ces données quantitatives, la reconnaissance de notre pays et de nos médias est grande aussi sur le plan qualitatif. Je rentre de Bogota et de Buenos Aires, où nous avons lancé notre chaîne télévisée en espagnol le 26 septembre à Bogota, siège de sa rédaction en espagnol, et, le 28 septembre, à Buenos Aires où notre nouvelle chaîne est diffusée sur la TNT nationale. L'enthousiasme des autorités et celui des médias est assez difficilement imaginable depuis Paris. C'était assez renversant. Le Président de la République colombienne, Juan Manuel Santos, m'a reçue pour me dire sa reconnaissance devant cet acte fort de la France d'avoir choisi Bogota pour implanter la rédaction en espagnol de France 24 car, symboliquement, cette décision montre que la Colombie, après des années de lutte contre les narcotrafiquants et contre les FARC, a rejoint le camp des nations apaisées.

Ajoutons que l'étude réalisée aux États-Unis cette année donne à France 24 la meilleure note de satisfaction de ses téléspectateurs, égale à celle de la BBC, et largement supérieure à celles attribuées à CNN, Al Jazeera, Russia Today ou Euronews.

Si notre groupe s'en sort bien sur la scène internationale, il n'en demeure pas moins que cet univers audiovisuel international dans lequel nous opérons est en pleine mutation avec, pour nous, deux défis majeurs. D'une part, la concurrence des autres grands médias internationaux s'intensifie alors qu'ils disposent de moyens financiers infiniment supérieurs aux nôtres et en forte croissance. Par exemple, BBC World, hors la chaîne de télévision BBC News, est dotée pour 2017 d'un budget de 437 millions d'euros et bénéficie d'une dotation supplémentaire entre 2015 et 2019 de 335 millions d'euros pour développer onze nouvelles langues – le groupe en compte déjà vingt-huit – et ses plateformes numériques. L'objectif pour 2019 est un budget de 637 millions d'euros. Notre budget, cette année, est d'un peu moins de 260 millions d'euros.

Russia Today lance sa chaîne en français sur 24 heures, alors qu'elle a déjà une chaîne diffusée en permanence en espagnol. Par comparaison, France 24 n'émet en espagnol que sur six heures. La Deutsche Welle, notre concurrente la plus proche, ne dispose, si j'ose dire, que d'un budget de 50 millions d'euros supérieur au nôtre. Je pourrais poursuivre en citant les budgets de BBG, le groupement des chaînes publiques américaines, ou d'Al Jazeera, qui disposent également de moyens considérables.

Le deuxième défi est celui de la révolution ou transformation numérique permanente, qui ouvre sans cesse de nouveaux horizons, si nous sommes capables d'adapter nos offres aux nouvelles plateformes, mais qui pose aussi la question de la maîtrise de notre information dominée de plus en plus par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et par leurs algorithmes, mais aussi la question de la manipulation des opinions à travers les fausses nouvelles, les « infox ». Cela véhicule aussi, certes involontairement, la radicalisation de certaines personnes dans notre société, souvent des jeunes gens, pour ne rien dire des cyberattaques qui nous menacent puisque nous essuyons 2,5 millions de tentatives d'intrusion chaque mois.

J'ajoute que nos médias sont en première ligne dans de nombreux pays en crise, et que la sécurité a pris une dimension croissante dans notre activité. Car, si aucun reportage ne vaut une vie, le risque zéro n'existe pas dans les zones que notre mission de service public mondial nous donne à suivre et à couvrir.

Dans ce contexte, France 24, RFI et MCD ont affirmé leur différence, enrichi leurs offres éditoriales télévisuelles, radiophoniques et numériques dans leurs quinze langues et conquis un public toujours plus nombreux et en croissance.

Les performances remarquables du groupe sont le fruit d'une stratégie volontariste tant en matière éditoriale, en particulier numérique, que de maillage de notre distribution mondiale ou d'organisation et de gestion du groupe. Ces transformations, cette dynamique, se poursuivent pour faire face à des enjeux sans cesse renouvelés dans le cadre de notre actuel contrat d'objectifs et de moyens. Cela étant, les gains de productivité et les économies qui ont financé l'essentiel de ces développements ont épuisé les marges de manoeuvre de la société qui ne peut réaliser les économies prévues au projet de loi de finances pour 2018 par rapport à son contrat d'objectifs et de moyens qu'en renonçant à des missions.

La stratégie volontariste que nous avons menée est au service des missions et engagements du groupe, qui sont notre raison d'être. Notre cahier des charges indique que France Médias Monde a pour mission d'assurer le rayonnement de la France et de la langue française et de véhiculer les valeurs démocratiques et républicaines au niveau mondial afin de proposer une alternative, dans plusieurs langues, aux médias existants.

Il s'agit d'abord pour nos médias de raconter la France au monde, depuis Paris mais aussi de manière délocalisée. Les trois médias s'adressent au monde depuis la France en quinze langues et présentent une vision française de l'actualité internationale, donc une vision plurielle des enjeux, en donnant les clés de compréhension de la France et de son actualité sous toutes ses facettes, qu'elle soit politique, économique, sociale ou encore culturelle, à moins qu'elle ne touche aux arts de vivre, à la recherche, au patrimoine, à l'innovation. Nous privilégions le débat d'idées, qui est une signature très française – car nous aimons beaucoup débattre et avoir des idées.

Notre deuxième point fort est la promotion des valeurs démocratiques et républicaines, puisque nous sommes porteurs d'une certaine idée de l'information. Nous nous sommes ainsi dotés d'une charte de déontologie de l'information, écrite à quarante mains avec l'ensemble des représentants des journalistes, qui rappelle les grands principes tels que l'indépendance à l'égard des pouvoirs politiques ou économiques – c'est le gage de notre crédibilité internationale, la liberté d'informer et le droit à être informé librement, l'honnêteté de l'information et la lutte contre les fausses informations et la propagande.

Nous défendons aussi la laïcité, une notion souvent incomprise. Nous promouvons également la diversité, l'égalité entre les femmes et les hommes, la cohésion sociale, y compris sur notre territoire, la lutte contre les discriminations ou encore le développement durable. Le groupe s'attache aussi à participer à des initiatives citoyennes, en particulier dans l'univers du numérique, avec un site comme « InfoMigrants », notre application « RFI Challenge App Afrique », des émissions comme « Info-Intox » ou « Pas 2 Quartiers ». Nous revendiquons la culture dans sa diversité comme signature de tous nos médias.

La culture est omniprésente dans les programmes, en particulier dans ceux de RFI, que ce soit la culture française et francophone mais aussi la diversité de toutes les cultures du monde. Cette mission constitue un signe distinctif des médias de FMM par rapport aux offres concurrentes. Nous favorisons aussi la promotion de la langue française et son apprentissage. Nous avons un site d'apprentissage avec une interface en dix-neuf langues, grâce à nos rédactions de langue. Nous défendons aussi un fort engagement européen, notamment par rapport aux enjeux politiques mais également par rapport à l'Europe des citoyens que nous faisons vivre chaque jour sur nos antennes.

Grâce au rapprochement avec Canal France International, outil français de coopération audiovisuelle devenu filiale à 100 % de FMM, nous sommes aussi engagés dans la création d'un pôle d'expertise média dans le domaine de l'aide au développement.

Dans le paysage audiovisuel mondial, les médias de FMM sont parfois les seuls à défendre ces missions et ces valeurs. Même nos amis proches de la BBC ou de la Deutsche Welle n'ont pas exactement la même conception du rapport à la liberté et à l'art de vivre. En clair, nous sommes souvent seuls à défendre ce que nous défendons.

Ces missions inspirent évidemment les transformations opérées dans nos lignes éditoriales au cours des dernières années. Nous avons rénové la grille des trois médias, avec de nouvelles émissions, de nombreuses délocalisations pour aller au plus près de nos publics et des programmations spéciales. Nous avons assoupli le parallélisme strict des trois antennes de France 24 en matière de langue, pour mieux contextualiser chaque antenne et créer de la proximité avec nos téléspectateurs. Nous avons allongé considérablement le temps accordé aux directs et sommes passés à une production à 100 % en haute définition.

Nous avons développé la politique linguistique de RFI, en mettant l'accent sur le numérique, de telle sorte que l'offre en langue étrangère représente aujourd'hui 30 % des fréquentations des offres numériques de RFI. Nous avons aussi lancé une offre de RFI en mandingue, langue parlée par trente millions de personnes dans la bande sahélienne, dont nul n'ignore l'importance géostratégique.

Nous avons développé tous nos environnements numériques en mettant un accent particulier et fort sur la mobilité, les réseaux sociaux et la production de nouvelles formes d'écriture. Des projets stratégiques ont également été lancés comme l'offre Mashable avec France 24, permettant de toucher la jeune génération connectée des 18 à 34 ans, ainsi que des projets comme le site InfoMigrants ou encore RFI Savoirs, en collaboration avec la Deutsche Welle et avec l'Agence nouvelles des solidarités actives (ANSA). Ces transformations portent à plus de 26 % le poids du numérique dans nos audiences.

Dans notre ligne éditoriale, nous avons également réaffirmé des engagements de service public forts en matière d'accessibilité, grâce au sous-titrage des journaux télévisés pour les malentendants, en matière de parité, par le choix d'inviter des femmes expertes sur les antennes, ou encore en matière de cohésion sociale, grâce à une émission comme Pas2Quartier, qui donne l'occasion à des jeunes de filmer leur quartier. Nous mettons aussi l'accent sur l'éducation aux médias avec le programme Info-Intox, car c'est là que tout commence, la formation des enseignants, et bien sûr sur la francophonie, pour laquelle nous oeuvrons à longueur de journée.

Des avancées ont également été opérées en matière de distribution et de diffusion. En cinq ans, les médias de FMM ont renforcé considérablement leur présence mondiale. Depuis 2012, le nombre de foyers susceptibles de recevoir France 24 a augmenté de plus de 60 %, dépassant désormais la barre des 330 millions de téléspectateurs. La chaîne s'est développée au travers de la diffusion sur la TNT en Afrique, a renforcé sa distribution en Europe, au Maghreb, au Proche et au Moyen Orient, où elle est désormais diffusée en haute définition, et a fait une importante percée en Asie ainsi que dans les Amériques, grâce à un doublement de la distribution en Amérique Latine, à sept millions de foyers, et grâce au lancement de France 24 en espagnol.

Les radios RFI et MCD ont, pour leur part, consolidé leur présence internationale avec l'ouverture de nouvelles fréquences FM, en Roumanie, au Cambodge et en Côte d'Ivoire pour RFI, à Oman et, avant-hier, à Gaza pour MCD, la radio arabophone du groupe. Les radios partenaires se sont aussi beaucoup développées : elles ont plus que doublé en quatre ans et le total dépasse les 1 300 radios partenaires, notamment en Amérique latine.

Concernant la France, outre la présence de France 24 sur la télévision numérique terrestre (TNT), RFI, qui ne dispose que d'une seule fréquence FM à Paris, devrait prochainement être disponible en radio numérique terrestre (RNT) à Lille, Lyon et Strasbourg afin de s'adresser à ceux de nos concitoyens ou aux personnes vivant sur notre territoire qui n'ont pas toujours le réflexe d'écouter d'autres radios nationales et qui viennent d'autres régions du monde où RFI est précisément présente. Cela contribuera à la cohésion sociale du pays.

L'entreprise s'est profondément transformée en matière de gestion et d'organisation. Après une fusion difficilement vécue par les personnels de RFI, de MCD et de France 24, des plans de départ non ciblés, un déménagement vécu douloureusement et un climat social dégradé, FMM a stabilisé son organisation et réformé son fonctionnement. Les personnels sont désormais tous regroupés à Issy-les-Moulineaux dans des locaux que, je l'espère, vous viendrez visiter.

Les équipes ont été réorganisées à travers l'élaboration d'organigrammes précis, fondés sur des chaînes aux identités et formats distincts et des directions transverses communes fusionnées. Le dialogue social au sein de l'entreprise a été relancé dans un climat constructif qui a abouti à la signature, à la fin de 2015, d'un accord d'entreprise, qui nous dote d'un socle social applicable à l'ensemble des salariés.

Toutes les procédures de gestion ont été revues et formalisées, notamment les procédures d'achats et de planification, qui sont au coeur de médias fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. FMM a aussi renforcé de manière drastique les dispositifs de sécurité, tant des personnes sur le terrain qu'au siège à Paris, mais également en matière de cyberattaques. C'est aussi un axe du contrat d'objectifs et de moyens actuel.

Enfin, FMM mène une politique active de développement de partenariats avec les autres sociétés de l'audiovisuel public. L'offre la plus emblématique est sans doute Franceinfo, que nous avons construit aux côtés de France Télévisions, de Radio France et de l'INA. Mais nous travaillons aussi avec TV5 Monde et avec Arte. Sur une base volontaire, il nous semble qu'il est possible d'aller plus loin, en matière de sécurité ou de mutualisation des achats et des appels d'offre, en encore en matière éducative.

S'agissant des enjeux de mutualisation éditoriale, nous sommes toujours ouverts, à condition que ces enjeux s'inscrivent dans nos missions et ne nous détournent pas de notre mission principale, qui est internationale et plurilingue, ce qui n'est pas toujours la préoccupation majeure dans les projets des médias nationaux.

Ces transformations déjà engagées se poursuivent. Elles sont d'une triple nature.

Il s'agit d'abord de la transformation numérique, qui est au coeur du COM actuel. Elle recouvre des préoccupations en termes de développement de nos empreintes multicanal pour nos programmes traditionnels, d'adaptation aux différentes plateformes de nos écritures, de multiplication des formats spécifiques nommés, de manière générique, vidéo-mobiles, de montée en puissance de notre laboratoire, mais aussi de notre studio dédié aux réseaux sociaux, ou encore de la montée en puissance de notre offre data, c'est-à-dire de notre offre de données, qui permet de mieux adapter nos offres à l'attention des utilisateurs, pour laquelle la bataille est rude. En outre, le décloisonnement des rédactions linéaire (broadcast) et numérique est en cours. Il est déjà très avancé pour les rédactions de langue de RFI. Il sert de modèle à la rédaction hispanophone de France 24, dont les journalistes passent du linéaire au numérique. Les équipes sont très mobilisées sur ces questions.

Le deuxième axe en cours, c'est la capitalisation sur la complémentarité des médias du groupe. Nous avons beaucoup de productions communes, des échanges de journalistes, des promotions croisées en numérique et en diffusion linéaire. Nous entamons un projet de transformation important avec la radio visuelle, non seulement filmée en studio mais illustrée grâce à des captations. Ce projet fut au coeur de la création de France 24 en espagnol avec des émissions bi-médias qui sont diffusées à la fois sur l'antenne télévision et sur l'antenne radio, grâce à un studio dédié. Nous le faisons aussi pour l'émission politique hebdomadaire. Nous pourrions par ailleurs être amenés à régionaliser en Afrique le signal de France 24, car la concurrence est rude et il faut s'enraciner en cultivant la proximité avec l'Afrique. Certaines émissions référentes de RFI pourraient être déclinées pour la télévision et enrichir la grille de France 24.

Troisième axe de transformation : nous cultivons la proximité à travers les langues étrangères de FMM, données fondamentales pour un média international. La recherche de proximité avec nos auditeurs nous a conduits ces dernières années à favoriser la délocalisation des rédactions en langues étrangères au coeur de nos bassins de diffusion. C'est emblématique du projet de France 24, dont l'offre en espagnol a reçu un tel accueil grâce au fait que la rédaction est à Bogota, au coeur de l'Amérique latine, et qu'elle n'est pas perçue comme une rédaction étrangère. C'est emblématique de la démarche française non hégémonique. Nous conduisons aussi une réflexion sur le développement des langues africaines. Si l'on souhaite compter 700 millions de francophones en 2050, il faut que le français reste présent en Afrique et, pour cela, cultiver le lien entre langues africaines et apprentissage du français. C'est un vrai enjeu.

Toutes ces pistes et ces transformations en cours en matière de numérique, de capitalisation sur nos complémentarités ou encore de proximité par les langues étrangères, s'inscrivent dans le nouveau contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020, dont nous achevons bientôt la deuxième année. Ce contrat est ambitieux, puisqu'il prévoit l'accélération de la transformation numérique du groupe, le passage à la haute définition en diffusion mondiale, l'accentuation de notre présence sur la TNT en Afrique francophone et le renforcement des moyens en communication et en marketing.

L'État avait doté FMM de 23,1 millions d'euros supplémentaires à l'horizon 2020, soit une progression de 1,9 % par an. Cet effort de l'État était dû au fait que l'entreprise avait épuisé toutes ses marges de manoeuvre internes. En effet, il est important de s'arrêter une seconde sur le contexte budgétaire de FMM, au moment où l'arbitrage budgétaire intervient. Hors financement de France 24 en espagnol, le budget de FMM reste inférieur en 2017 à celui de 2011. La société a subi en 2012 un prélèvement de près de 7 % de ses ressources publiques. Elle a donc dû faire des efforts considérables pour financer, en grande partie sur sa substance, toutes les évolutions que je viens de vous décrire.

Nous avons ainsi procédé à d'importantes réformes structurelles des métiers de l'audiovisuel. Désormais, les journalistes montent, car nous n'avons plus de monteurs, et les techniciens radios réalisent, car nous n'avons plus de réalisateurs dans les régies radio. Nous avons mis en oeuvre deux plans de départs volontaires, ce qui a conduit à la réduction de près de 20 % des effectifs radio. Six rédactions de langues de RFI ont été fermées.

L'accord d'entreprise signé fin 2015 a permis d'augmenter le temps de travail à 204 jours, soit douze jours de plus qu'auparavant, ce qui est inédit dans l'histoire de l'audiovisuel. La fusion des fonctions supports de notre groupe a permis des économies très importantes, de façon générale, sur tous les frais de l'entreprise. Ainsi, FMM a pu financer sur ses propres ressources l'essentiel des projets de développement, tout en respectant son équilibre budgétaire en exécution.

Telle était la situation quand l'arbitrage proposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 est tombé. D'abord, à la fin du mois d'août, le ministère de la culture nous a communiqué un arbitrage en forte baisse par rapport aux prévisions du contrat d'objectifs et de moyens pour 2018. Mais l'État a tenu à revoir cet arbitrage pour lancer France 24 en espagnol. Il a donc fait un effort. Cependant, il reste toujours 1,9 millions d'euros, presque deux millions d'euros, qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2018... Nous avons essayé de réfléchir pour causer le moindre impact possible et préserver le coeur de métier de notre groupe en pleine croissance et en plein développement, car son périmètre n'est pas stabilisé puisque de nouveaux projets sont développés chaque jour.

Nous avons aussi essayé de ne pas remettre en cause une paix sociale acquise à la suite de grands troubles qui avaient paralysé le groupe, comme nous avons essayé de ne pas nuire aux projets déjà engagés, qu'il s'agisse de France 24 en espagnol ou de la transformation numérique, sachant que notre marge de manoeuvre sur nos ressources propres est très limitée. Dans le contrat d'objectifs et de moyens, elles augmentent de 15 %, ce qui est déjà important. En effet, si le marché international était un marché rentable, des entreprises privées y seraient présentes, et BBC World, Deutsche Welle, BBG ou Russia Today ne seraient pas financés sur fonds publics.

Donc, compte tenu de ces contraintes et de notre volonté de préserver l'essentiel, deux pistes s'offrent à nous, sachant que nos coûts n'incluent pas d'achats de programme et que nous sommes une entreprise de main-d'oeuvre : ce que nous diffusons est produit par nos salariés, si bien que, dès que nous touchons à l'éditorial, nous touchons aux emplois.

La première piste d'économies est celle des plans de départ. Pour en minimiser l'impact sur les salariés, dont les résultats sont par ailleurs excellents, nous souhaitons concentrer ces départs parmi les salariés du siège, à Paris. Ils s'ajouteront à la quinzaine déjà prévue dans le COM. Ensuite, si cela n'est pas suffisant, il faudra sans doute envisager d'autres départs dans les rédactions délocalisées. Quoi qu'il en soit, ces baisses d'effectifs ne pourront être indolores et sans conséquence.

La seconde piste d'économies passe par la révision de notre diffusion et de notre couverture internationale ; en d'autres termes, il s'agit d'abandonner des zones où nous étions présents. Cela n'a rien d'évident et suppose en premier lieu de regarder les dates d'échéance des contrats, car la rupture d'un contrat en cours d'exécution peut donner lieu à de très lourdes pénalités. Il faut également calculer ce que peuvent réellement rapporter ces renoncements, car il serait contreproductif de multiplier les petites économies et de courir le risque de compromettre ainsi notre diffusion internationale. Il se trouve, malheureusement, que c'est notre contrat dont le montant est le plus élevé qui vient d'arriver à échéance, le 30 septembre, celui qui permet la diffusion de France 24 à New York et à Los Angeles. Par mesure conservatoire, je l'ai dénoncé.

Pour atteindre le montant d'économies demandées, ces deux pistes – départs ciblés et réduction de la couverture – devront être empruntées. Certes, l'État fait un effort pour préserver la diffusion de France 24 en espagnol, mais je me dois d'informer tant l'État que la représentation nationale des conséquences de ces arbitrages budgétaires et de rappeler que, à l'international, toute position abandonnée est difficile et coûteuse à reconquérir. Je dois surtout discuter avec le conseil d'administration et les instances sociales de l'impact de ces mesures, notamment en termes de rayonnement mondial. Et cela à un moment où il me semble que les idées et les valeurs de la France ont plus que jamais besoin d'être portées partout dans le monde. (Applaudissement sur les bancs des commissaires.)

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