Intervention de Joël Giraud

Réunion du mercredi 28 novembre 2018 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général :

Monsieur le président, je vous remercie infiniment de cette présentation en réponse à la demande formulée à l'initiative de notre collègue Gilles Carrez, avec qui je partage un certain nombre de convergences fortes sur des sujets comme celui-ci et quelques autres, qui lui sont connexes. En tout cas, votre exposé illustre parfaitement l'intérêt d'une collaboration entre le Parlement et la Cour des comptes, ainsi que l'a fait observer Mme la présidente.

Si je résume votre analyse, il est urgent de faire la lumière sur cette niche fiscale. Lorsqu'une réduction d'impôt atteint 60 % des dons, on peut, en effet, considérer que l'État a non seulement le droit, mais aussi le devoir d'étudier ce que deviennent les sommes en cause.

Vous avez employé des termes qui, en dépit de votre diplomatie légendaire, restent très forts et semblent choisis à dessein : « voile d'ignorance », « boîte noire »...

Sans vouloir conclure prématurément, je dirai que cela plaide en faveur du travail que nous devrons engager à la suite de votre rapport : ses conclusions présentent un caractère opérationnel dont nous devons nous saisir en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2020. Nous pourrions constituer à cette fin un groupe de travail oecuménique et transpartisan, condition indispensable pour remettre les choses en ordre dans une matière aussi complexe, où les frontières, comme vous l'avez souligné, monsieur le président, sont parfois ténues.

Votre exposé suscite de ma part cinq points d'attention.

Je vous remercie de nous avoir reçus préalablement, Gilles Carrez et moi-même, pour débattre de ce qui allait devenir votre rapport afin d'ancrer un certain nombre de mesures dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019.

Sur votre suggestion et à mon initiative, nous avons voté une obligation de déclaration des sommes reçues par les structures bénéficiaires. Des voix se sont élevées pour dire que la déclaration des dons en nature, notamment alimentaires, était trop compliquée. Des abus de droit pouvant néanmoins intervenir, j'aimerais avoir votre opinion sur ce point.

Je souhaiterais également savoir quelles sont, selon vous, les autres mesures qui permettraient d'améliorer la transparence. Les entreprises fournissent-elles suffisamment d'informations sur les sommes versées ? Lors de votre mission, avez-vous rencontré des difficultés pratiques pour accéder à ces données ?

Deuxièmement, dans le PLF 2019, nous avons renoncé à fixer un plafond par entreprise, et ce pour plusieurs raisons. Les grandes entreprises peuvent, de toute façon, contourner la mesure en imputant une partie des dons à des filiales. Parallèlement, un plafond trop bas pourrait, par exemple, avoir pour effet de brider l'action de grands musées publics. À quel niveau se situerait, selon vous, un plafond qui soit à la fois efficace et acceptable ?

Troisièmement, vous proposez que le taux de réduction d'impôt soit modulé en fonction des structures ou des politiques. Quelles sont, selon vous, les politiques qui devraient être considérées comme prioritaires ? Je parle de politiques non en termes de contenu, mais en termes d'efficience de la défense publique.

Quatrièmement, j'ai du mal à faire la distinction entre ce qui relève de la politique de mécénat des entreprises et ce qui relève de ce qu'on appelle la politique de RSE. Vous avez ébauché nombre de possibilités, mais il faudrait, sur ce point particulier, que nous envisagions la façon de pousser la réflexion plus loin.

Enfin, nous avons constaté que l'évaluation des niches fiscales que constituent le mécénat, mais aussi l'ensemble des crédits d'impôt en faveur du cinéma, de l'audiovisuel et de la culture, ne figurait plus, cette année, dans les documents de présentation du PLF, alors que c'était le cas depuis très longtemps, ce qui a provoqué chez moi une certaine colère dont j'ai d'ailleurs fait part à la presse. Avez-vous recueilli auprès de Bercy des éléments sur cet abandon ? Vous avez été très clair dans vos propos : la dépense est mal analysée, la progression par ressauts ne fait l'objet d'aucune étude rétrospective ni prospective. Aussi aimerais-je savoir si Bercy vous a fourni des explications sur l'abandon, contraire à vos préconisations, de cette évaluation.

Vous avez fait référence, au début de votre propos, à Mécène. À la fin de sa vie, dans ses Lettres, Sénèque se moquait beaucoup de Mécène. Je ne sais pas si vous êtes le nouveau Sénèque, mais il faut au moins, face aux abus de droit et aux abus de niche, que nous coupions ce lien incestueux entre la générosité publique et les entreprises. N'est-ce pas, après tout, ce à quoi s'est employé Sénèque s'agissant de Néron et d'Agrippine ?

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