Intervention de Erwan Balanant

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

Nous sommes effectivement au début d'un chemin, dans notre histoire démocratique. Nous avons devant nous de vraies questions, auxquelles il faut sans doute apporter des réponses. Celle que vous proposez par ce texte – j'ai le regret de vous le dire, amicalement – est une fausse solution d'opportunité politique à un vrai problème qui doit être traité sérieusement, et je suis sûr qu'au-delà de cette couche de politique politicienne, si j'ose m'exprimer ainsi, vous avez, vous aussi, envie de le traiter sérieusement.

J'évoquerai quelques éléments de contexte. Notre société évolue, et elle le fait rapidement. Nos pratiques civiques et citoyennes se transforment rapidement sous l'influence de ces nouveaux outils technologiques que sont les réseaux sociaux, par exemple. Au-delà de cette évolution en lien avec la technologie, c'est une véritable crise du modèle représentatif qu'il faut traiter. Je n'entrerai pas dans le détail, mais nos débats permettront peut-être précisément d'évoquer cette question importante de la crise démocratique et de faire le bon diagnostic. Alors, oui, il faut aujourd'hui profondément revoir notre pacte démocratique et sans doute inventer des nouveaux outils ; il nous faut revoir l'articulation entre cette démocratie représentative en crise et cette démocratie participative émergente pour aller vers ce que certains appellent la démocratie continue. Il nous faut articuler trois espaces : l'espace politique, l'espace civique et, à l'articulation de ces deux espaces, l'espace public, qui est l'espace du débat. De cette double articulation doit émerger le modèle de société que le peuple souhaite effectivement.

Le peuple, aujourd'hui, doit sans doute pouvoir être acteur de la co-construction d'un certain nombre de dispositifs législatifs. Alors, oui, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés est favorable à cette démocratie délibérative et continue, favorable au référendum d'initiative citoyenne (RIC), mais à un RIC qui doit être encadré. Or, tel que vous le proposez aujourd'hui, il ne s'intègre pas dans notre Constitution– il y a même, dans votre texte, des incohérences sur le placement des articles.

Pour fonctionner, le RIC doit s'accompagner d'un certain nombre d'outils démocratiques et remplir certaines conditions. La première est évidemment la mise en place d'un contrôle de constitutionnalité des questions qu'il s'agirait de soumettre au référendum. Ce contrôle de constitutionnalité doit pouvoir se faire par un dialogue entre les auteurs de la question et le Parlement. Quelle doit être cette articulation entre l'auteur de la question et le Parlement qui sera capable de rédiger la question finalement soumise au référendum ? L'outil du Conseil économique, social et environnemental (CESE) peut-il être utilisé ? Des forums citoyens peuvent-ils être créés ? Nous devons en débattre et cela ne peut se régler en cinq minutes.

Il faut trouver le bon rythme et les bons seuils, et régler, aussi, la question de la possible influence des lobbies. Ceux qui réfléchissent à ces sujets depuis longtemps et observent les pays dotés de tels dispositifs savent que le problème des lobbies se pose en Suisse. Comme aux États-Unis, dans le financement des campagnes. Ce sont là autant de questions qui se posent et que vous ne vous posez pas, chers collègues.

Le sujet est crucial et fondamental pour notre pacte démocratique, lequel est bien plus complexe, en réalité, que l'unique question du vote. Nous postulons souvent une identité entre démocratie et suffrage universel. Eh bien, non ! La démocratie doit s'extraire de l'idée simple selon laquelle le suffrage universel serait suffisant et indépassable. Ce n'est pas le cas, et j'espère que nous pourrons en débattre tout au long de l'examen de ce texte, qui a au moins le mérite d'inscrire à l'agenda la question de notre démocratie.

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