Intervention de Jean-Luc Warsmann

Réunion du jeudi 21 février 2019 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Warsmann :

Je suis très heureux d'être ici en cette circonstance. Je suis entré à l'Assemblée nationale un jour de décembre 1995 alors que se tenait une réunion du groupe RPR auquel vous aviez dû annoncer le retrait d'une partie des réformes que vous vouliez mener à bien, et je me rappelle encore les mots que vous aviez prononcés : « Je retire une partie de mes réformes, mais je suis convaincu que, dans l'intérêt de la France, il faudra les faire ; je ne sais quelle sera l'étiquette de ceux qui les feront, je ne sais quand elles seront faites, mais je sais qu'il faudra les faire. ».

Monsieur le Premier ministre, je suis très heureux que le président de notre Assemblée propose votre nomination au Conseil constitutionnel. J'y vois un message de soutien à nos institutions. Quand on prend un peu de recul pour analyser ce qui s'est passé depuis plusieurs mois en France, on se rend compte que ce qui a permis au pays de tenir alors que des ronds-points étaient bloqués et que l'on tenait des propos outranciers – un de nos collègues allant jusqu'à dire que le Président de la République finirait comme John Kennedy ! –, ce sont les institutions de la Cinquième République. Elles sont souvent critiquées, et c'est une partie de mon engagement politique que de les défendre, car je pense qu'elles sont un fondement de la stabilité. Le peuple de France étant assez difficile à gouverner, les institutions voulues par le général de Gaulle méritent d'être défendues.

Deuxième point, il n'a jamais été prévu que les modes de scrutin législatifs soient inscrits dans la Constitution et je souhaite que l'on s'en tienne là. Je suis profondément hostile à ce qu'il en aille autrement, et je fustige les contre-vérités qui sont distillées au sujet de la proportionnelle, laquelle n'a jamais été un mode de scrutin renforçant l'égalité. Tout au contraire, le scrutin à la proportionnelle entraîne une grande inégalité : le député qui appartient à un groupe important et ceux qui l'ont élu, soit 35 ou 40 % des électeurs, ne pèsent rien ; les députés des petits groupes pèsent en définitive bien davantage que ceux issus des grands groupes pour constituer une majorité. Je souscris à l'argument selon lequel la représentativité devrait être améliorée, mais la doctrine selon laquelle il faudrait en venir à la proportionnelle, qui déboucherait sur l'époque bénie de l'égalité, est une contre-vérité.

Enfin, monsieur le Premier ministre, vous êtes dans une Assemblée nationale malade comme jamais. Pendant la XIe législature, de 1997 à 2002, 50 851 amendements ont été déposés. On en a dénombré 112 663 au cours de la XIVe législature, entre 2012 et 2017. Pour la législature actuelle, si la tendance se confirme, il y en aura plus de 150 000. Lors de la précédente législature, il y a eu 1 171 rappels au Règlement ; nous en sommes déjà à 1 082 pour la législature en cours. Vous devrez, au Conseil constitutionnel, examiner des réformes d'adaptation et de rationalisation du Règlement de l'Assemblée nationale visant à améliorer la qualité de la loi et à réduire la proportion de dispositions réglementaires qui y figurent. Depuis la jurisprudence de 2005 par laquelle le Conseil constitutionnel déclarait pour la première fois contraire à la Constitution une disposition législative qu'il jugeait « manifestement dépourvue de toute portée normative », peu de progrès a été fait. L'intérêt général du pays, c'est que le Conseil constitutionnel soit l'allié de ceux qui, au Parlement, veulent rendre de la rigueur au processus législatif.

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