Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du jeudi 4 avril 2019 à 9h30
Pouvoir d'achat des français — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

C'est dommage ! Au sujet de cette mesure, vous oubliez de nous dire qu'en réalité, il ne s'agit pas d'exonérer d'une taxe locale mais simplement de transformer un impôt local en impôt national, puisque vous compensez la perte de recettes pour les communes : le coût pour le budget de l'État s'élève donc à 10 milliards d'euros, auxquels il faudra ajouter 8 milliards pour exonérer la totalité des contribuables.

Enfin, en 2019, vous doublez les aides aux entreprises en transformant le CICE – le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en réduction de charges. Le coût total de ce dispositif pour 2019 sera de deux fois 22 milliards d'euros.

Après ces mesures particulièrement favorables aux plus aisés et au monde de la finance, il vous faut, bien sûr, compenser, afin de converger vers les équilibres budgétaires, par des mesures d'économie ou des nouvelles recettes. C'est alors que vos choix n'épargnent en rien les hommes et les territoires les plus fragiles. Il y a eu la baisse des APL, puis sa désindexation, ainsi que la suppression progressive des emplois aidés pendant deux années consécutives. Comme il en manquait encore, vous êtes allés chercher de nouvelles recettes : ce fut la hausse de la CSG de nos retraités, qui ne sont pas près de l'oublier, et la hausse vertigineuse de la fiscalité écologique, soit 55 milliards en cinq ans – même si vous avez un peu rétabli la trajectoire depuis, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

Si le mouvement des gilets jaunes a obligé le Gouvernement à mettre la main à la poche, les mesures qu'il a annoncées divisent et sont bien insuffisantes. Il n'est donc pas étonnant que nous nous retrouvions ce matin dans l'hémicycle pour examiner cette proposition de loi du groupe Les Républicains, pour essayer de répondre à une demande aussi forte d'une partie de nos concitoyens.

Bien entendu, nous partageons bon nombre des mesures proposées dans le texte. La réindexation sur l'inflation des pensions de retraite ou des aides au logement, ou l'annulation de la hausse de la CSG pour les retraités percevant un montant de pension compris entre 2 000 et 3 000 euros sont des mesures que nous défendons depuis bientôt deux ans.

En revanche, nous nous opposons au relèvement de certains plafonds en matière de quotient familial. Pour mémoire, ces plafonds ont connu des baisses successives lors de la précédente législature afin de favoriser la progressivité de l'impôt sur le revenu.

L'application des dispositions de cette proposition de loi provoquerait une aggravation du déficit public de près de 16 milliards d'euros : 3,3 milliards au titre de l'augmentation des dépenses publiques, en conséquence des articles 1er et 2, et 12,75 milliards d'euros au titre de la perte de recettes publiques due aux articles 3, 4 et 5.

Il faut donc souligner l'hypocrisie de nos collègues du groupe Les Républicains lorsqu'ils présentent un tel texte. La dégradation du solde public qui résulterait immanquablement de l'adoption de la proposition de loi est en contradiction flagrante avec les propos régulièrement formulés par les élus Les Républicains, qui se font les chantres de la chasse aux dépenses publiques et de l'équilibre budgétaire. Cette forme d'hypocrisie se retrouve dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, qui se conclut ainsi : « Nous ne pouvons malheureusement pas, juridiquement, gager une proposition de loi par une baisse des dépenses, ce qui nous oblige à gager cette proposition de loi sur le tabac. Mais Les Républicains ne souhaitent évidemment pas d'augmentation des taxes sur le tabac et proposent de compenser le coût de ces mesures de pouvoir d'achat [… ] par une baisse des dépenses publiques de 20 milliards d'euros par an. »

Ce paragraphe appelle deux réflexions. D'une part, les rédacteurs de la proposition de loi n'étaient pas contraints de gager sur le prix du tabac les pertes de recettes. D'autre part, rien ne les empêchait de proposer des économies dans le texte lui-même. Ils ont donc choisi de ne pas dire un mot à ce sujet. Où les économies attendues seront-elles faites ? Nous n'en savons rien. Quels services publics feront les frais des économies considérables à prévoir ? Y aura-t-il moins de policiers, d'infirmiers, de dotations aux collectivités ? C'est le flou artistique.

Dans nos rangs, au moins, les choses sont claires : nous voulons rétablir l'ISF et corriger la flat tax.

L'ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejeté par la commission des finances, le texte est considéré comme rejeté par cette dernière. Nous sommes partis pour qu'il connaisse le même sort en cette séance ; c'est bien dommage. En tout cas, au regard de l'hypocrisie qu'il représente, il paraît difficile au groupe Socialistes et apparentés de choisir une autre position que l'abstention.

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