Intervention de Denis Masséglia

Réunion du mardi 2 avril 2019 à 16h35
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Masséglia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Permettez-moi de revenir sur les enjeux internationaux qui entourent l'imposition des grandes entreprises du numérique. Seule une action menée à l'échelle internationale pourra venir à bout des stratégies par lesquelles certains acteurs utilisent les différences entre les législations fiscales pour alléger leur charge d'imposition. En mars 2018, la Commission a proposé deux directives qui ont suscité de fortes attentes et esquissaient une oeuvre fiscale ambitieuse ; plus largement, elles permettaient à l'Europe d'affirmer sur la scène internationale son identité empreinte de justice fiscale. Afin de se donner toutes les chances de succès, l'approche retenue était progressive : la Commission proposait, pour le long terme, de consacrer la notion d'établissement stable virtuel et, à court terme, d'imposer une taxe sur certains services numériques. Sans être parfaite, cette taxe européenne avait le mérite de garantir une meilleure contribution des géants du numérique aux charges publiques. On peut donc regretter l'opposition de quatre pays européens à ce projet, dans un domaine où l'unanimité est la règle.

Paradoxalement, alors qu'un accord mondial ne semblait être qu'un horizon lointain, c'est l'OCDE qui se trouve aujourd'hui en première ligne. Dès 2012, celle-ci a fait des défis fiscaux que présente l'économie numérique l'une de ses priorités. Les différences d'approche entre pays ont longtemps entravé les progrès en la matière. Malgré ces divergences, 127 pays se sont récemment engagés à faire aboutir les travaux conduits par l'OCDE à l'horizon 2020. Cet engagement collectif est un signe encourageant ; mais à ce stade, les travaux de l'OCDE sont beaucoup moins avancés que ne l'étaient les propositions européennes.

Deux débats sont désormais ouverts. Le premier concerne l'opportunité de transférer l'impôt sur les sociétés du lieu de la création de valeur au lieu de la consommation. Il n'est pas certain que la France sorte gagnante d'une telle évolution : elle pourrait se traduire par une perte de recettes fiscales au titre des grandes entreprises exportatrices. L'autre débat porte sur une taxation minimale, défendue par la France et l'Allemagne. Une telle mesure permettrait à un État, lorsqu'une entreprise déplace ses profits vers un pays dont la fiscalité est inférieure à un certain seuil, de retenir à la source la différence entre le taux du pays en question et le taux de référence.

Par ce projet de loi, le Gouvernement a fait le choix de prendre les devants sans attendre les résultats des travaux européens et internationaux, dont l'issue est incertaine. Cette initiative mérite d'être saluée. Le Gouvernement a également annoncé que la taxe française serait temporaire dans l'attente d'un accord international. L'Assemblée doit pouvoir contrôler cet engagement. C'est pourquoi je défendrai avec le rapporteur général un amendement visant à ce que le Parlement soit régulièrement informé de l'état d'avancement des travaux internationaux.

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