Intervention de Charles de Courson

Réunion du mardi 2 avril 2019 à 16h35
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Quant au taux de 9 %, il provient d'une étude demandée à Pricewaterhouse et à un institut allemand sur ce que donnerait une imposition en France. Il ne s'agit nullement d'un taux effectif, et les deux institutions ont d'ailleurs fait savoir qu'elles refusaient que ce taux soit utilisé comme un taux réel.

Le vrai problème n'est donc pas la sous-imposition des GAFA, car ce taux de 22 % est peu ou prou équivalent au taux moyen applicable aux grands groupes en Europe, mais l'endroit où ces sociétés acquittent l'IS. La question fondamentale est donc de savoir comment on pourrait ramener l'assiette de l'IS en Europe. D'ailleurs, voici ce qu'on lit dans l'exposé des motifs du projet de directive, projet qui n'a hélas pas été adopté : « La Commission a reconnu que l'approche idéale consisterait à trouver des solutions multilatérales et internationales pour taxer l'économie numérique, étant donné l'envergure mondiale de ce défi. » La Commission met aussi en garde contre une approche nationale : « Ces mesures non coordonnées prises de manière isolée par les États membres menacent de fragmenter davantage le marché unique et de fausser la concurrence, ce qui entraverait la mise au point de nouvelles solutions numériques et la compétitivité de l'Union dans son ensemble. »

Monsieur le ministre, j'aurai quatre questions à vous poser.

Premièrement, le problème n'est pas celui de la sous-imposition des GAFA, mais celui de la répartition de l'IS dont elles s'acquittent. Ainsi que vous le savez, les Américains ont modifié la règle qui permettait aux bénéfices réalisés à l'étranger et non rapatriés aux États-Unis d'échapper à l'impôt américain. Tout cela est fini : depuis deux ans, les géants du numérique sont taxables à un taux normal, comparable à celui qui s'applique aux autres entreprises américaines. Quel est votre avis là-dessus ? Le problème de la taxe que vous nous proposez, c'est qu'elle porte sur le chiffre d'affaires, et non sur les bénéfices réalisés par ces entreprises.

Deuxièmement, quelle sera l'incidence économique de cette taxe ? Qui va la payer ? Une étude circule, qui prétend qu'à peu près la moitié de la taxe sera payée par le consommateur final et à peu près 40 % par les petites entreprises, tandis qu'à peine 5 % en sera imputé sur le bénéfice des GAFA. Qu'en pensez-vous ?

Troisièmement, cette taxe ne risque-t-elle pas de pénaliser les exportations françaises ? Une PME française qui vend un appareil électroménager en ligne à un client allemand devra payer la taxe, mais elle ne s'appliquera pas si ce même client achète l'appareil chez un vendeur allemand… Il y a là rupture d'égalité.

Cette taxe ne va-t-elle pas favoriser certains canaux de distribution au détriment d'autres ? Chez moi, une même bouteille de champagne peut être vendue par trois canaux : un grand acteur du commerce en ligne, une grande surface, ou encore en vente directe. Or taxe ne s'appliquera qu'à la bouteille vendue directement par le vigneron via une place de marché, et non aux bouteilles vendues en grande surface ou par un commerçant en ligne. Il y a là un vrai problème.

Quatrièmement, cette taxe ne présente-t-elle pas de risques juridiques au regard du droit européen, des conventions fiscales bilatérales, notamment de la convention américaine, ou de la convention de l'Organisation mondiale du commerce ?

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