Intervention de Brigitte Kuster

Réunion du mardi 30 avril 2019 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Kuster :

Permettez tout de même que l'on s'étonne du fonctionnement de cette commission : l'examen de ce texte, jugé urgent et prioritaire par le Gouvernement, se fait, je le répète, dans des conditions un peu particulières.

J'en viens au sujet primordial qui nous occupe. L'émotion qui nous a tous saisis face aux flammes dévorant la charpente de Notre-Dame est éloquente : elle témoigne, contre certains discours dominants, de l'exceptionnel attachement des Français à leur patrimoine. Pour un pays que l'on dit en proie à la dépréciation de lui-même, l'histoire constitue une valeur refuge, une source de fierté et même, parfois, d'orgueil national. Ainsi le choix qui a été fait, à partir de 2012, de réduire le budget de l'État consacré au patrimoine fut non seulement désastreux pour nos monuments historiques, mais aussi contraire à la passion des Français pour ces lieux qu'habite notre mémoire.

La restauration de Notre-Dame représente de formidables enjeux. Je me suis étonnée, à cet égard, de certains propos du Président de la République, qui veut rendre Notre-Dame « plus belle qu'avant » et qui a fixé, bien vite, un calendrier raccroché à l'échéance des Jeux olympiques de 2024. Si nous souscrivons, bien entendu, à l'ambition de restaurer rapidement ce haut lieu de notre patrimoine, nous émettons des réserves sur ce calendrier.

Néanmoins, je tiens à féliciter le Gouvernement pour la célérité dont il a fait preuve : l'exécutif, me semble-t-il, a compris qu'il ne fallait pas laisser retomber l'élan de générosité qui s'est levé au soir du 15 avril, et s'est employé à organiser au plus vite la souscription nationale. Ainsi, il a fixé – à la suite, du reste, d'une proposition que j'ai formulée avec d'autres – le taux de la réduction d'impôt pour les particuliers à 75 % de la valeur du don si celui-ci n'excède pas 1 000 euros. On pourra sans doute discuter d'une éventuelle augmentation de ce plafond, mais l'essentiel est là : les dons destinés à restaurer Notre-Dame bénéficieront d'un régime fiscal plus avantageux que celui prévu par le droit commun. À événement exceptionnel, mesure exceptionnelle, que nous saluons.

Ma deuxième remarque a trait à une question sans doute plus épineuse, celle des travaux de restauration ou, plus précisément, de l'orientation que certains voudraient leur donner. En effet, sur les cendres encore chaudes de Notre-Dame, une polémique est née, opposant modernes et anciens. Les premiers considèrent que la restauration doit porter la marque de notre époque ; les seconds veulent que la cathédrale soit restaurée à l'identique. Tout le monde a un avis, mais n'est-ce pas légitime ? Cependant, qui peut réellement parler d'autorité en la matière ? En tout état de cause, et pour ce qui nous concerne, je ne crois pas opportun que les parlementaires interfèrent dans un débat qui intéresse d'abord les experts du patrimoine. Cela tombe très bien car, en la matière, la France, qui fait figure de référence mondiale, peut s'appuyer sur des instances d'excellence ; je pense à l'École de Chaillot, à l'Institut national du patrimoine, mais aussi au compagnonnage qui, rappelons-le, figure sur la liste du patrimoine immatériel de l'humanité.

C'est pourquoi je considère avec méfiance, pour ne pas dire plus, l'article 9 du projet de loi, qui tend à autoriser le Gouvernement à s'affranchir de certaines règles d'urbanisme ou de préservation du patrimoine. Au prétexte de faciliter les travaux, il risque de se couper du savoir-faire et de l'expertise des meilleurs spécialistes et d'encourager des initiatives sans lien avec la restauration d'un édifice de cette nature. Pourtant, s'il est un lieu qui mérite toutes les précautions, c'est bien Notre-Dame.

En résumé, le groupe Les Républicains soutient, pour l'essentiel, ce projet de loi qui consacre le caractère exceptionnel des événements survenus le 15 avril, mais il marquera son opposition à l'article 9.

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