Intervention de François de Rugy

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 10h15
Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je me suis déjà exprimé sur les autorisations de mise sur le marché. Je laisserai donc M. Didier Guillaume y revenir et aborder la simplification et les dispositifs dérogatoires. Ce que vient de dire M. Antoine Herth, néanmoins, est tout à fait juste.

Sur la voie législative et réglementaire, nous avons été clairs. La sortie du glyphosate est prévue, il n'y a rien à ajouter. La question des relations avec l'Union européenne est récurrente sur de nombreux sujets, mais l'Union n'empêche jamais les pays d'aller plus loin. En général, elle fixe des règles a minima. La France décide aujourd'hui d'accélérer la sortie du glyphosate. On ne peut pas l'en empêcher.

Quant aux conséquences de cette décision en matière de concurrence, M. Didier Guillaume les a évoquées et j'en suis également très conscient. Lors de l'examen du budget de l'écologie, le sujet a été abordé à l'occasion d'une question de M. Julien Aubert sur l'utilisation du diméthoate dans la production de cerises, importante dans le sud de la France. Ce produit, considéré comme nocif, a été interdit en France, mais d'autres pays ont continué de l'utiliser. Lorsqu'il était ministre de l'agriculture, M. Stéphane Le Foll a pris des mesures d'interdiction des importations de cerises traitées au diméthoate en provenance de Turquie. Nous sommes confrontés en permanence à la nécessité de prendre ce type de décision, sous peine d'incohérence.

Je n'ai pas de données précises sur la production de cerises, mais il faut aussi s'interroger sur la viabilité des productions. Soyons concrets ! Comme M. Jean-Baptiste Moreau l'a souligné tout à l'heure, on n'a jamais vu d'agriculteur utiliser un pesticide par plaisir. Tous les jardiniers savent ce que c'est qu'une production dévastée par un parasite, la sécheresse ou les mauvaises herbes. Ils s'affligent que leurs tomates soient pourries par le mildiou ou desséchées sur pied, mais ils ne vivent pas de leurs plantations. Pour eux, ce n'est donc pas très grave.

Pour les agriculteurs, en revanche, les pesticides ont une importance capitale : ils sont ce qui rend viable ou non, rentable ou non, une production. Je ne connais aucune entreprise qui réussisse à survivre en perdant de l'argent.

Cette tension entre les préoccupations sanitaires, environnementales et économiques est permanente. Le mot « rendement » n'est d'ailleurs pas un gros mot. J'ai lu un jour, sur Twitter, le message d'une chambre d'agriculture qui expliquait que tant de coquelicots à l'hectare représentaient tant de rendement et de revenu en moins pour une production céréalière. En tant que ministre de l'écologie, j'estime qu'il est aussi de ma responsabilité de prendre en compte cette réalité. Si je ne le faisais pas, si je me concentrais uniquement sur les problèmes de pollution, d'environnement et de santé, c'est que je ne chercherais pas réellement à régler les problèmes. Les propos qu'a tenus M. Didier Guillaume il y a quelques instants vont exactement en ce sens. Si le ministre de l'agriculture se désintéressait totalement de la préoccupation environnementale et sanitaire, nous ne pourrions jamais avancer.

La pente médiatique et politique spontanée est d'opposer les différentes préoccupations pour tirer profit à court terme de la mise en scène des oppositions. Je m'y refuse personnellement, je vous le dis aujourd'hui comme je l'avais dit à M. Stéphane Travert, car la mise en scène ne permet pas de régler les problèmes au bout du compte. Or, ce que je souhaite avant tout, c'est les régler, qu'il s'agisse du glyphosate, des pesticides ou de la production agricole de manière générale.

M. Didier Guillaume et moi-même savons ce qui a été fait avant nous. L'agroécologie est un concept que nous avons soutenu l'un et l'autre dans nos responsabilités passées. Ce n'est pas parce que d'autres l'ont porté avant nous que nous allons nous en détourner.

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