Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du lundi 20 mai 2019 à 16h00
Transformation de la fonction publique — Article 22

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Aujourd'hui, le préfet réunit régulièrement le comité d'action régionale pour organiser l'action collective interministérielle au niveau local. Les difficultés ne proviennent donc pas seulement de questions tubulaires, du fait que le directeur de l'ARS ne comprendrait pas ce que lui dirait le préfet ou le recteur d'académie. Il existe déjà une culture d'action commune, interministérielle, au niveau local, portée par les préfets. On peut d'ailleurs s'étonner que le corps préfectoral soit davantage géré par le ministre de l'intérieur que par le Premier ministre ; on pourrait envisager de le rattacher aux services du Premier ministre, ce qui constituerait, il est vrai, un petit big bang dans le fonctionnement de l'administration ; je laisse ça de côté.

Vous entendez harmoniser les formations initiales. Voyons ce qui a été fait dans un certain nombre d'écoles d'administration, notamment celle que je connais le mieux, pour y être passé : l'institut régional d'administration – IRA. Celui-ci dispensait une formation unique, homogène, uniforme ; puis la durée de la formation a été raccourcie d'un an. On a alors créé les « univers » au sein des IRA ; à mi-parcours, au bout de six mois, une forme de mini-concours interne débouche sur une pré-affectation, soit en administration centrale, soit en administration déconcentrée, soit au sein de l'éducation nationale, dans le cadre de dispositifs particuliers, notamment pour se préparer à la fonction d'intendant gestionnaire dans les EPLE – établissements publics locaux d'enseignement.

Pourquoi a-t-on accompli cette réforme ? Parce qu'il existe des spécificités et des besoins inhérents à chaque poste, y compris à l'intérieur d'un corps interministériel – celui des attachés d'administration. On aurait pu se dire que tous les attachés d'administration interministérielle sont pluricompétents, polyvalents, et qu'une bonne formation initiale suffirait. En deux ans, il était peut-être possible d'être formé à tout. Un attaché d'administration peut en effet être amené à gérer un bureau de ressources humaines, un service comptable, à effectuer du contrôle de gestion, à assurer l'application des politiques publiques. C'est un peu un personnage à tout faire. On a pris conscience que ce n'était pas la meilleure façon de faire, qu'il valait mieux spécialiser la formation, pour permettre une meilleure prise de poste, avant de mettre l'accent sur la formation continue. Au moment où l'attaché d'administration prend son poste dans l'un de ces « univers », il suit une courte formation spécifique, par exemple dans le domaine des ressources humaines ou de la comptabilité. Son atout est d'être un encadrant, un chef d'équipe potentiel. Qu'il y ait une base commune à plusieurs fonctions publiques – que divers élèves soient réunis durant les deux premiers mois de formation – , pourquoi pas. Néanmoins, on ne pourra pas tout harmoniser. Ce n'est d'ailleurs pas souhaitable. Il faut conserver les spécificités des uns et des autres. Jusqu'à présent, chaque fois qu'on a harmonisé, regroupé les élèves, mutualisé, on a gommé les spécificités dans le cadre d'une formation commune, avant de faire marche arrière pour réintroduire ces dernières.

Il faudrait éviter, une fois pour toutes, de recourir à ce mouvement de yo-yo. Jusqu'à présent, on a réduit le temps de formation, et je ne vois pas comment, ce faisant, on peut harmoniser tout en conservant les spécificités. Y aura-t-il de nouvelles écoles de la fonction publique ? Se place-t-on dans la perspective de préparer les élèves à de nouveaux métiers ? On sait, par exemple, que les besoins en informaticiens, en programmeurs sont essentiels à l'administration – car chacun, aujourd'hui, utilise des logiciels. Or il n'y a pas de formation spécialisée, de direction donnée au niveau interministériel pour concevoir des logiciels pour toutes les administrations, alors que ce serait extrêmement utile et concourrait à notre indépendance et à notre souveraineté. Au lieu de cela, nous passons par les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – que l'on essaie de taxer, non sans difficultés.

Je suis très pessimiste à l'égard de cette ordonnance sur la formation initiale et continue, car elle part, à mon avis, sur de mauvaises bases – celles, entre autres, de la réduction des budgets de formation. Par ailleurs, je le répète, l'harmonisation ne s'impose pas, car les gens se parlent, au niveau local, et se connaissent.

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