Intervention de Elsa Faucillon

Réunion du mercredi 5 juin 2019 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

Bien évidemment, l'objectif de cette proposition de loi est également le nôtre. Nous tentons par tous moyens, y compris dans le cadre de notre mandat et par notre action politique, de faire face et de lutter contre la haine – sur internet ou ailleurs. C'est un travail de longue haleine, ce qui ne doit pas nous empêcher d'agir vite et par la loi. Mais comment agir contre la haine sans restreindre la liberté d'expression ?

Nous avons les mêmes réserves sur cette proposition de loi que sur celle relative à la lutte contre la manipulation de l'information. L'accumulation de lois visant à réguler internet nous inquiète à plusieurs titres : la liberté d'expression est un des piliers des sociétés démocratiques. Il est fondamental de la préserver, comme il est fondamental de lutter contre la haine. Je fais miens les propos du Conseil d'État qui, dans une étude de 2014, estimait que l'essor d'internet ne modifie pas les limites pouvant être imposées à la liberté d'expression, mais amène à s'interroger sur les instruments de la lutte contre les contenus outrepassant ces limites.

L'article 1er de la proposition de loi dont notre commission est saisie exige que les plateformes suppriment en 24 heures les propos de nature haineuse et manifestement illicites. Cette mesure s'inspire de la loi allemande entrée en vigueur en 2018. On peut en faire un premier bilan : son application fait polémique, les plateformes étant accusées d'excès de zèle – elles censurent des contenus qui ne relèveraient pas de propos illicites, en toute opacité. Facebook, Google et Twitter deviennent ainsi les seuls maîtres de ce qui peut, ou non, être dit sur internet. Or l'indépendance de ces plateformes est nulle.

Le Conseil national du numérique estime que les systèmes de modération des contenus encouragés par la proposition de loi pourraient conférer un avantage non négligeable aux grands acteurs, qui disposent déjà des capacités techniques et des ressources humaines, au détriment des acteurs plus petits. En novembre 2018, Mark Zuckerberg a été très clair : les petits acteurs d'internet ne peuvent pas faire face à la propagande terroriste, aux fausses informations ou à la haine en ligne seuls ; ils ont besoin de l'aide de Facebook. C'est pourquoi il se réjouissait que le Gouvernement français collabore avec lui pour réfléchir à l'élaboration de la loi !

L'article 4 dispose que le CSA émettra des recommandations, s'assurera du suivi des obligations reposant sur les opérateurs et publiera un bilan périodique. Cet article fixe également des obligations de transparence aux opérateurs de plateforme en matière de lutte contre les contenus comportant manifestement une incitation à la haine. Je redis ici les limites que nous avions déjà formulées lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre la manipulation de l'information : internet doit rester un vecteur de libération. Or une structure dédiée à la régulation audiovisuelle ne peut réguler les contenus sur internet. Exiger l'extension des principes de la régulation des contenus audiovisuels à internet est un contresens, car internet n'est pas marqué par les mêmes spécificités que le secteur audiovisuel.

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