Intervention de Joël Giraud

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général :

Mes questions complèteront les propos de la rapporteure spéciale. Les crédits supplémentaires nés de la reprise de l'emploi et versés par l'UNEDIC à Pôle emploi contrebalancent-ils la réduction de l'enveloppe budgétaire dont l'opérateur bénéficie ? J'emploie à dessein le langage de Bercy pour qui, comme chacun sait, on « bénéficie » de la réduction d'une enveloppe budgétaire. N'existe-t-il pas un risque – qu'ont soulevé les précédents orateurs – que la diminution des effectifs affecte le redéploiement de postes vers l'accompagnement des demandeurs d'emploi ? D'autre part, pouvez-vous nous communiquer les résultats du nouveau dispositif de contrat aidé, désormais baptisé PEC, en matière d'insertion dans l'emploi et de formation. En ce qui concerne la réforme de la formation professionnelle et le PIC, quels sont les résultats obtenus depuis l'adoption de la loi de septembre 2018 ? En particulier, quelles sont les missions qu'assume désormais l'agence France compétences créée le 1er janvier en vertu de la loi précitée ? Enfin, permettez-moi de vous interroger sur deux dispositifs qui me semblent favorables aux jeunes les plus éloignés du marché de l'emploi et pour lesquels le Gouvernement s'est donné les moyens de changer la donne : l'école de la deuxième chance, qui accueille des jeunes de 16 à 25 ans en voie d'exclusion, sans emploi et sans qualification, et qui leur permet d'accéder à une formation rémunérée, et les établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), qui s'adressent à tout jeune sans diplôme ni qualification professionnelle qui peine à trouver un travail ou une formation et qui, là aussi, perçoit une allocation non imposable pendant la durée de sa formation. Pouvez-vous nous donner des chiffres relatifs à ces deux dispositifs innovants ? Quels en sont les résultats ? Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je vous remercie de me recevoir pour vous présenter le bilan de l'exécution des politiques de l'emploi et de la formation dans le cadre du Printemps de l'évaluation des politiques publiques. L'année 2018 fut un temps fort de conception mais aussi de mise en oeuvre, d'orientation et de changement structurel dans le domaine de l'emploi et des compétences. Ces réformes structurantes – les ordonnances visant à renforcer le dialogue social et la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel – se sont accompagnées d'une évolution de l'allocation et de la gestion du budget et des crédits qui dépendent de mon ministère. En 2018, l'exécution budgétaire globale des programmes 102 et 103 s'établit à 10,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 14,2 millions en crédits de paiement, moyennant une légère sous-exécution de 4 % sur trois points. L'allocation de solidarité spécifique, tout d'abord : c'est une bonne nouvelle puisque cela signifie que le nombre de bénéficiaires diminue par un effet mécanique en lien avec la reprise économique. Les contrats aidés, ensuite, qui ont été transformés en PEC : j'y reviendrai. Les aides à l'embauche pour les PME, enfin : son extinction, décidée par le précédent gouvernement, s'est avérée plus rapide que prévu. Cela étant, une partie de la sous-consommation des crédits a été anticipée et réallouée en gestion au niveau territorial, notamment dans le cadre du fonds d'inclusion dans l'emploi, un dispositif nouveau dont le démarrage me satisfait pleinement. L'idée est de doter les préfets de région de la capacité de gérer des enveloppes fongibles pour adapter les politiques de l'emploi en fonction de l'évolution des besoins des territoires entre les PEC et l'IAE. Les contrats aidés non réalisés ont permis de financer 4 300 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires dans le secteur de l'IAE, pour un montant de 51 millions d'euros, ainsi que des initiatives territoriales innovantes pour 8 millions d'euros. J'en viens à la transformation des contrats aidés en PEC. C'est l'une des évolutions importantes qui sont survenues en 2018. Suite aux recommandations figurant dans le rapport de Jean-Marc Borello, nous avions noté, comme le confirme l'exécution de 2017, que les contrats aidés fonctionnent avec efficacité lorsqu'ils deviennent des PEC, c'est-à-dire lorsqu'ils reposent sur un triptyque emploi-accompagnement-formation. Je parle bien des contrats aidés dans les collectivités territoriales et les associations, et non ceux du secteur marchand, où l'étude de la DARES montre que l'effet d'aubaine est quasi systématique. Autrement dit, les personnes embauchées à l'issue d'un contrat aidé l'auraient également été dans les mêmes délais sans contrat aidé. Je ne vois donc pas l'utilité de consacrer de l'argent public à un dispositif lorsqu'il n'apporte aucune amélioration aux chances qu'ont les demandeurs d'emploi de trouver du travail. En 2018, 128 000 PEC ont été prescrits, notamment pour une raison politique – au sens large du terme. Nombreux sont ceux, en effet, qui ont crié partout que les contrats aidés seraient supprimés, à tel point que beaucoup les ont crus, d'où une baisse brutale et immédiate de la demande, alors que les contrats aidés n'ont jamais été supprimés mais simplement transformés. Autre raison : les PEC sont beaucoup plus exigeants puisqu'ils imposent un accompagnement social – il existait en effet des situations dans lesquelles aucun encadrement n'était prévu – et un parcours de formation. Nous avons mis fin aux situations de collectivités territoriales de grande taille où les cantines scolaires fonctionnaient par un recours exclusif aux contrats aidés, comme s'il ne s'agissait pas d'un besoin permanent. La demande étant désormais qualitative, il va de soi qu'il s'est produit une diminution du nombre de ces contrats. Des entretiens d'entrée et de sortie sont prévus entre le bénéficiaire, l'employeur et Pôle emploi, ainsi qu'un suivi tout au long du contrat et une formation. Il est trop tôt pour évaluer le nombre de sorties, monsieur le rapporteur général, puisqu'il est estimé six mois après la sortie effective ; or ces contrats ont démarré courant 2018 et ont une durée moyenne de huit à onze mois. Nous aurons une meilleure visibilité sur ce point dès le mois de novembre. En fonction des circonstances locales, de nombreux préfets ont fait le choix de privilégier l'IAE par rapport aux PEC. Comme les entreprises adaptées dans le secteur du handicap, l'IAE est une solution robuste qu'anime le mouvement associatif et qui présente de forts taux d'insertion – de l'ordre de 60 % à 65 % – avec des équipes structurées. Il faudra toujours conserver un dispositif du type des PEC mais il ne peut pas s'agir de la principale des formules-tremplin qui permettent aux personnes les plus éloignées du marché du travail d'aller vers l'emploi via une première étape grâce à laquelle ils peuvent regagner l'estime d'eux-mêmes, réapprendre des savoir-être et des savoir-faire et accéder aux chances pour l'emploi. C'est pourquoi, dans le budget pour 2019, l'IAE et les entreprises adaptées ont une capacité de progression importante. Ayant entendu votre plaidoyer en faveur des anciens contrats aidés, monsieur le rapporteur pour avis, je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler qu'un candidat à la dernière élection présidentielle que vous souteniez était favorable à la suppression totale des contrats aidés.

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