Intervention de Philippe Dunoyer

Réunion du mercredi 12 juin 2019 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Dunoyer :

Parce que les questions liées à la sécurité sont au coeur des préoccupations des Français, le législateur doit prendre les mesures qui s'imposent. Néanmoins, l'avis du groupe UDI et Indépendants sur cette proposition de loi sera nuancé. Je souscris, avec l'ensemble de mes collègues, à l'attention particulière que nécessitent les forces de l'ordre. Si je dois prendre malheureusement un mauvais exemple, celui de mon territoire, la Nouvelle-Calédonie, les forces de l'ordre, notamment les gendarmes, y sont les plus victimes des violences avec armes, ce qui est intolérable. Nous leur devons attention et protection. Aussi le premier volet du texte augmente-t-il significativement le budget dédié aux forces de l'ordre. Il est appuyé par un rapport qui fixe les orientations de la politique de sécurité intérieure.

Nous partageons le constat d'une sous-dotation de moyens pour l'ensemble de nos forces de l'ordre, en dépit de l'augmentation de leurs missions sur tous les fronts et des menaces croissantes d'une gravité inédite qui pèsent sur notre société et sur leurs épaules. Les premières auditions de la commission d'enquête de notre groupe sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale n'ont malheureusement fait que confirmer cet état des lieux. C'est pourquoi, sur ce premier point, nous saluons l'initiative prise, qui répondrait aux réels besoins des forces de sécurité, constamment mobilisées au quotidien pour la protection de notre société.

Les différentes mesures proposées par les premiers articles participeraient au renforcement des capacités opérationnelles des forces de l'ordre et, partant, au maintien de la sécurité intérieure et de l'ordre public, en traitant également de la question délicate, mais absolument nécessaire, de la résolution des 25 millions d'heures supplémentaires encore dues à nos forces de l'ordre. Toutefois, des interrogations subsistent sur les moyens financiers prévus à cet effet. Certains orateurs ont déjà fait remarquer que la tendance des moyens attribués aux forces de l'ordre était à la hausse. Si l'on comprend qu'elle soit renforcée dans son intention, nous ne voyons pas comment elle serait financée. Il serait intéressant d'entendre le Gouvernement, au-delà de la décision de principe, sur sa capacité objective à doter les forces de l'ordre de ces moyens supplémentaires : rien ne serait pire qu'une annonce qui ne serait pas suivie d'effets.

Concernant le second volet de cette proposition de loi, qui renforce l'arsenal juridique par un alourdissement des peines prévues pour les infractions commises à l'encontre des forces de l'ordre, sans nier leur gravité et la condamnation unanime qu'elles doivent susciter, nous ne pourrons adhérer aux mesures proposées. Il est prévu d'écarter l'excuse de minorité pour les mineurs âgés de seize à dix-huit ans, déclarés coupables d'un crime ou d'un délit commis à l'encontre des forces de l'ordre ; ce serait revenir sur le principe de spécialisation de la justice pénale des mineurs. Or l'enfance délinquante et son traitement particulier nécessitent un accompagnement spécifique ; il ne peut, selon nous, être porté atteinte aux grands principes gouvernant la justice pénale des mineurs, sans que cela ne signifie une plus grande tolérance à leur égard.

De même, il est proposé de mettre en place un dispositif de peine minimale de privation de liberté ou d'interdiction de territoire français pour des crimes et délits commis contre les forces de l'ordre sans récidive. Ces différentes règles, certes protectrices à l'égard de la police et de la gendarmerie, nous paraissent toutefois revêtir un caractère manifestement contraire au principe de proportionnalité des peines reconnu par le Conseil constitutionnel.

S'agissant enfin du continuum de sécurité, nous partageons les préoccupations du rapporteur, des signataires de la proposition de loi et des deux coauteurs du rapport remis l'année dernière : il faut se demander comment doter de moyens complémentaires d'intervention les policiers municipaux. La question se pose dans ma circonscription, qui, en matière de sécurité routière, fait partie des plus mauvais élèves européens, voire mondiaux. Il faudra trouver les moyens de ces adaptations nécessaires au renforcement des prérogatives qui pourraient être allouées aux policiers municipaux. Nous n'avons pas trouvé de mention sur les dispositifs d'encadrement ou de formation qui devraient présider à cette prérogative supplémentaire. Si l'idée mérite notre attention, sa mise en oeuvre concrète ne semble pas aboutie.

Bien que le renforcement de la sécurité intérieure soit un objectif que nous partageons, compte tenu des questions restant sans réponse, qu'elles soient d'ordre budgétaire, juridique ou technique, notre groupe ne peut pas soutenir cette proposition de loi.

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