Intervention de Anne Brugnera

Réunion du mercredi 26 juin 2019 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Brugnera, rapporteure :

À la suite de l'examen par le Sénat en première lecture du texte adopté par l'Assemblée nationale, la commission mixte paritaire, réunie le 4 juin dernier, n'est effectivement pas parvenue à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion, à savoir l'ensemble du projet de loi à l'exception de l'article 6, adopté conforme. Notre commission est donc conduite à examiner à nouveau ce projet de loi, dans sa rédaction issue des délibérations du Sénat en première lecture.

Cet échec masque en réalité un accord entre les deux assemblées sur les objectifs fondamentaux du texte : la sauvegarde d'une cathédrale qui constitue à la fois un chef-d'oeuvre de l'art sacré, un monument national majeur de notre patrimoine et de l'imaginaire collectif français, voire européen, ainsi qu'un témoignage éminent de notre civilisation.

Les divergences avec le Sénat ont porté sur les modalités pour atteindre cet objectif partagé, en particulier sur le maintien de la possibilité, prévue par le texte du Gouvernement, de confier la gestion des fonds de la souscription à l'État ou à un établissement public, et sur l'autorisation à légiférer par ordonnance, figurant à l'article 9, pour prendre toute mesure propre à faciliter la réalisation du chantier. Le Sénat n'a pas jugé cette disposition utile et a supprimé l'article 9. Elle est pourtant indispensable au regard de l'ampleur du chantier de conservation et de restauration de la cathédrale, surtout en l'absence de diagnostic précis des dégâts engendrés par l'incendie.

En outre, les diverses adaptations au droit existant que cet article autorise sont précisément encadrées puisqu'elles sont limitées à ce qui est strictement nécessaire à l'atteinte de l'objectif de restauration dans les meilleurs délais et conditions de sécurité. Cela fera aussi l'objet d'un contrôle attentif par le Parlement lors de l'examen du projet de loi de ratification des ordonnances. Afin de nous permettre d'en suivre le processus, le président de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a d'ailleurs annoncé la création d'une mission d'information chargée d'assurer le suivi de l'application de la loi, et notamment de la rédaction des ordonnances.

En séance, le ministre de la culture s'est engagé à inscrire le projet de loi de ratification à l'ordre du jour des assemblées – alors que la Constitution n'oblige qu'à son dépôt. Pour toutes ces raisons, je vous proposerai de rétablir l'article 9 dans la rédaction issue des travaux de notre assemblée, tout en retirant du champ des dérogations les règles en matière de commande publique et de construction, qu'il est désormais possible d'exclure.

Je proposerai également d'autres modifications, qui tendent à rétablir le texte de l'Assemblée nationale sur plusieurs points. Ainsi, à l'article 1er, je propose de faire démarrer la souscription au 16 avril. En effet, le Président de la République a annoncé au soir de l'incendie que la souscription serait ouverte « dès demain », soit à partir du 16 avril. Dans la mesure où l'ouverture de la souscription à cette date constitue déjà une mesure rétroactive, je trouve préférable de limiter ce caractère rétroactif en ne faisant pas démarrer la souscription à une date antérieure.

À l'article 2, je propose de supprimer l'alinéa ajouté par le Sénat qui précise que la conservation n'inclut pas l'entretien courant et les charges de fonctionnement relevant des compétences de l'État. Ce n'est pas nécessaire puisque la charge de l'entretien de la cathédrale appartient à l'État au titre de ses compétences ordinaires. De plus, la précision du respect de la Charte de Venise et de l'application de la convention du patrimoine mondial de l'ONU n'est pas utile car la France est signataire de ces textes ; elle les appliquera donc.

Enfin, les exigences en matière de communication sur l'utilisation des matériaux apparaissent prématurées dans la mesure où la phase de diagnostic du bâtiment n'est pas encore achevée. Seul ce diagnostic permettra de déterminer l'ampleur et la nature des travaux à mener sur la cathédrale.

À l'article 3, je propose de rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale et de préciser que le recueil et la gestion des fonds versés dans le cadre de la souscription relèvent de l'État ou de l'établissement public – disposition supprimée par le Sénat. Cette possibilité est nécessaire dans l'attente de la désignation, voire de la création, de l'établissement public compétent.

Ensuite, il n'est pas pertinent, contrairement à ce qu'a prévu le Sénat, de rendre obligatoires les conventions entre le Centre des monuments nationaux (CMN) ou les fondations reconnues d'utilité publique et l'établissement public en charge de la conservation et de la restauration de la cathédrale, destinées à assurer le respect de l'intention des donateurs, ni de les soumettre à publicité en l'absence de volonté des parties. Le texte du Sénat reviendrait également à supprimer l'information des donateurs sur l'affectation de leurs dons, pourtant indispensable au respect de leur intention. Je préconise aussi de supprimer d'autres dispositions non nécessaires ou qui relèvent du domaine réglementaire.

À l'article 7, je souhaite revenir au texte que nous avons adopté pour rétablir la possibilité, supprimée par le Sénat, que le recueil et la gestion des fonds versés dans le cadre de la souscription relèvent de l'État ou de l'établissement public.

Il en va de même à l'article 8 : il conviendrait de retenir la rédaction issue de nos travaux concernant les missions de l'établissement public qui pourrait être créé, ses modalités de gouvernance, les conditions de nomination et de fonctionnement du conseil scientifique qui lui sera rattaché, ou encore les conditions de dissolution de l'établissement. Toutefois, il me semble intéressant de retenir la précision pertinente apportée par le Sénat : l'établissement devra être placé sous la tutelle du ministère de la culture.

L'article 8 ter doit être conservé : il affirme le principe de l'information et la consultation de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA). Mais je vous proposerai de supprimer l'article 8 bis, qui n'est pas opportun et dont la rédaction n'est pas satisfaisante.

Enfin, je ne reviens pas sur l'article 9, dont j'ai déjà parlé.

En conclusion, chers collègues, cette nouvelle lecture nous permettra de répondre à la nécessité de rebâtir la cathédrale Notre-Dame de Paris dans les meilleures conditions. En sécurisant le parcours des dons, en créant éventuellement un établissement public, et en anticipant le chantier, nous pouvons atteindre cet objectif partagé.

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