Intervention de Danièle Langloys

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 9h20
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Danièle Langloys, présidente d'Autisme France :

Je n'ai rien à dire sur la psychiatrie, science médicale. Nous avons besoin de psychiatres pour poser les diagnostics de troubles neurodéveloppementaux, et aussi de soutien psychologique. Mais la psychanalyse est un système de croyance fondé sur des notions archaîques : le père organise le rapport à la loi, la mère est fusionnelle… Que des adultes consentants apprécient la psychanalyse et souhaitent développer ce système de partage avec un professionnel m'importe peu, mais on n'a pas à imposer un système de croyance à des personnes vulnérables qui ne peuvent pas comprendre de quoi il s'agit, ni à des familles contre leur gré. Or, c'est ce qui se passe car la formation des travailleurs sociaux est essentiellement guidée par la psychanalyse. En 2016, dans le cadre du troisième plan « Autisme », un audit avait été conduit pour tenter de cerner la formation à l'autisme des travailleurs sociaux. Seuls 14 % d'entre eux avaient une formation digne de ce nom sur l'autisme, classé en 2010 par la HAS dans les troubles neurodéveloppementaux – avec trente ans de retard sur l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Comme c'est un trouble de la maturation du système nerveux central, ce que l'on sait faire, c'est utiliser la plasticité cérébrale pour aider ces enfants, quel que soit le type de trouble qui les affecte, afin qu'ils deviennent le plus autonomes et le plus épanoui possible en contournant leurs difficultés. Le traitement de l'autisme par la psychanalyse ne fait pas partie des recommandations établies en 2012 par la HAS pour les enfants autistes et elle n'a strictement rien à faire dans le traitement de ces troubles.

Les psychologues, les travailleurs sociaux mais aussi les médecins et particulièrement les pédopsychiatres, dont les conceptions sont idéologiques, doivent être formés à la prise en charge des troubles neurodéveloppementaux. Il est aussi nécessaire que l'ASE accepte l'expertise des centres de ressources autisme, pour éviter ce qui s'est passé à Grenoble pour Rachel, où cette expertise a été rognée. Il n'est pas supportable que l'ASE se permette de poser des diagnostics ; c'est une forme d'exercice illégal de la médecine. C'est pourtant ce qu'ont fait les travailleurs sociaux dans le cas de Rachel et dans bien d'autres dossiers en se permettant de poser le diagnostic de syndrome de Münchhausen par procuration, qui n'existe pas pour l'autisme. Il n'y a aucune occurrence documentée au monde, pour la raison que l'on ne peut pas rendre un enfant autiste : en l'état actuel des connaissances, on naît autiste et on meurt autiste. Cela ne les a pas gênés, et c'est gravissime. Le cas de Rachel n'est pas le seul connu d'exercice illégal de la médecine non sanctionné ; c'est pourtant le problème quand il y a eu des dévoiements aussi graves dans certains dossiers. Je ne dis pas que ce soit la règle et, dans certains départements, les juges parviennent à corriger les dégâts causés par l'ASE. Maître Sophie Janois, avocate spécialisée dans ces dossiers, reconnaît volontiers que, dans un grand nombre de cas, le juge des enfants dit que ce qui s'est passé n'est pas supportable, que l'ASE s'est trompée, et le problème est réglé. Malheureusement, dans un non moins grand nombre de cas, le juge des enfants ne fait que suivre ce que propose l'ASE, sans aucun contrôle, et la situation devient dramatique.

Ce réflexe n'est pas le placement des enfants. À une mère, seule avec deux enfants autistes après que le père est parti, qui avait visiblement besoin d'aide, on a apporté pendant quatre mois, six heures par jour, une assistance éducative pour l'aider à remettre de l'ordre dans sa maison et voir comment faire avec ses deux garçons, particulièrement difficiles à élever. Après quoi, la mère est repartie sur de bons rails, parce qu'on l'a aidée. En France, on a toujours pour premier réflexe de punir alors que l'on devrait d'abord aider. Ce que nous sommes en droit d'attendre de l'ASE, c'est une aide, et cette aide doit être organisée avec des professionnels bien formés. La moitié des enfants autistes en France ne sont pas diagnostiqués ! Cela doit cesser, parce que c'est de la maltraitance de ne pas fournir à ces enfants les soins dont ils ont besoin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.