Intervention de Alexandre Freschi

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h25
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Freschi :

J'en viens à la question de l'agriculture biologique, qui reste une composante majeure dans la transition agro-environnementale qu'il faut initier.

En 2017, 12,5 millions d'hectares étaient cultivés biologiquement ou sont en cours de conversion dans l'Union européenne, soit 7 % des terres agricoles, représentant deux millions et demi d'hectares de plus par rapport à 2012. C'est l'Autriche qui possède la plus forte part de terres cultivées biologiquement, avec près de 25 % de sa surface agricole utile. À l'opposé, Malte figure en dernière position, avec seulement 0,4 %. La France, quant à elle, compte 7,5 % de sa surface agricole utile en culture biologique. Selon l'Agence bio, l'année 2018 a été une « année record » pour le bio en France, puisque 5 000 exploitations se sont converties. Désormais, 10 % des agriculteurs français pratiquent l'agriculture biologique.

Nous avons donc choisi d'effectuer un déplacement en Autriche, champion européen de l'agriculture biologique, afin de mesurer les spécificités de la politique qui y est menée en la matière. L'Autriche a des points majeurs de différence avec la France, en particulier sa surface agricole utile, qui est près de dix fois inférieure à celle de la France, ainsi que la prédominance d'exploitations familiales. Toutefois, les points de similitudes sont nombreux : la part de l'agriculture dans le PIB et surtout la présence importante de zones montagneuses, c'est-à-dire d'une agriculture soumise à des handicaps naturels (60 % du territoire autrichien est recouvert par les Alpes). Le même phénomène de concentration des exploitations est également constaté. L'Autriche est un allié important et traditionnel de la France dans les négociations sur la PAC, même si elle semble particulièrement attachée au deuxième pilier, qui rassemble 60 % des aides de la PAC.

Concernant l'agriculture biologique, plusieurs constats nous ont frappés. L'Autriche se définit comme le coeur de la « ceinture verte » de l'Europe, et a ainsi pris très tôt des initiatives sur ce sujet, dès les années 1980, en fixant dans son code alimentaire des lignes directrices sur la production biologique. Il ne s'agit pas de dispositions contraignantes mais de conseils d'experts adressés au Ministère. Cette « soft law » a permis de commencer à faire connaître très tôt le bio en Autriche.

Il est intéressant de constater aussi que l'Autriche ne propose pas d'aide à la conversion, mais seulement des aides au maintien en agriculture biologique (contrairement à la France qui favorise désormais la conversion).

Toutefois, le « bio » est vu, non pas comme un objectif en soi, mais comme un facteur d'élévation des critères de durabilité dans l'ensemble de l'agriculture. En effet, il nous a été montré que le marché du bio est nécessairement contraint, et que toute l'agriculture n'a pas vocation à être labellisée, sans quoi la plus-value en termes de revenu sera nécessairement diminuée. Mais le bio doit servir d'aiguillon pour accroître la durabilité de toutes les agricultures. Le même problème est constaté ailleurs, notamment au Danemark où nous nous sommes rendus l'année dernière, et qui avait aussi fait le choix d'une massification de l'agriculture biologique.

Nos interlocuteurs nous ont également fait comprendre que l'agriculture biologique allait forcément « plafonner », dans la mesure où le marché autrichien était déjà saturé. L'agriculture biologique pose également la question de son exportation, celle-ci ayant nécessairement un impact négatif sur l'environnement. L'Autriche exporte environ 65 % de sa production biologique, surtout vers l'Allemagne et l'Italie, ce qui constitue une contradiction avec l'enjeu de durabilité. Par ailleurs, la France importe 31 % de ses produits biologiques en moyenne, et en particulier 57 % de ses fruits.

Nos interlocuteurs se sont également montrés très intéressés par l'idée, développée dans notre rapport, de créer un Observatoire européen des prix et des marges, afin notamment de mesurer la prédominance des grandes surfaces dans le processus de formation des prix, y compris en ce qui concerne l'agriculture biologique. En effet, l'Autriche connaît également cette problématique, dans la mesure où les trois plus grandes surfaces détiennent 86 % du marché. Mais il nous a également été précisé que la grande distribution a été en partie à l'initiative de la transformation vers le bio, ce qui nous fait penser qu'il est nécessaire que tous les acteurs de la chaîne industrielle soient impliqués dans ce mouvement, ce qui n'est pas suffisamment le cas en France.

Notre déplacement a également été l'occasion de constater qu'il manque sans doute en France un organisme public permettant de faire la promotion des produits issus de l'agriculture biologique et de garantir la qualité des produits labellisés. En Autriche, cet organisme est une branche spécialisée de l'organisme payeur des aides de la PAC, c'est-à-dire l'équivalent de l'Agence de service et de paiement française.

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