Commission des affaires européennes

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 9h25

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PAC
  • bio
  • biologique
  • commerciale
  • commerciaux
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  France Insoumise    PCF & ultramarins    En Marche    MoDem  

La réunion

Source

Jeudi 4 juillet 2019

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 9 h 25.

I. Examen du rapport d'information de M. Patrice Anato et Mme Danièle Obono sur la prise en compte des enjeux du développement durable dans les accords de libre-échange de l'Union européenne

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est à nouveau la politique commerciale européenne qui est à l'ordre du jour de notre réunion aujourd'hui, et je crois que le timing est parfait car cela rejoint les préoccupations actuelles. En effet, nous examinons le rapport de Patrice Anato et Danièle Obono sur la prise en compte des enjeux du développement durable dans la politique commerciale européenne. Comme vous le savez, la Commission européenne a annoncé vendredi dernier la conclusion des négociations avec le MERCOSUR. Or, les rapporteurs se sont justement rendus à Brasilia dans le cadre de leurs travaux. C'est dire que leur rapport est vraiment d'actualité et leur éclairage bienvenu, sur l'accord avec le MERCOSUR, bien sûr, mais également sur le CETA, puisque cet accord doit être examiné par notre Assemblée au cours de cette session extraordinaire.

Au-delà de ces deux accords, le développement durable figure parmi les objectifs de la politique commerciale européenne, comme de l'ensemble des politiques européennes d'ailleurs. Il est donc important, compte tenu de ces échéances mais aussi de l'importance des enjeux du développement durable, de savoir s'il est bien pris en compte et, si ce n'est pas le cas, comment faire en sorte qu'il le soit.

Chers collègues, vous avez la parole.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le rapport que nous vous présentons aujourd'hui ne pouvait pas être plus d'actualité. Vous le savez, la Commission européenne a annoncé vendredi la conclusion des négociations avec le MERCOSUR, ouvrant la voie au plus vaste accord commercial jamais signé par l'Union européenne. De plus, compte tenu des enjeux d'un tel accord, en particulier dans le domaine du développement durable, c'est justement au Brésil que nous nous sommes rendus, ma collègue Danièle Obono et moi-même, afin de mieux appréhender notre sujet.

Le développement durable a été défini, dans le rapport Brundtland, publié en 1987, comme « un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Plus précisément, sur la base de ce rapport, le sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 a consacré les trois piliers du développement durable : un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable.

Si le développement durable est aujourd'hui intégré à la politique commerciale européenne, dont il est l'un des objectifs affichés, ce ne fut pas toujours le cas. Un bref historique de la politique commerciale européenne est nécessaire afin de mieux mesurer le chemin parcouru.

La politique commerciale est une compétence de l'Union européenne depuis 1958, progressivement élargie au fil des traités successifs jusqu'à devenir une compétence exclusive. Pendant des décennies, elle s'est principalement exercée dans le cadre multilatéral du GATT, dont les objectifs sont clairement affichés dans son préambule. Je cite : « le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein-emploi et d'un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la demande effective, la pleine utilisation des ressources mondiales et l'accroissement de la production et des échanges de produits ». Il n'était donc pas question du développement durable et toutes les négociations commerciales jusqu'en 1995 ont quasi exclusivement porté sur la réduction des droits de douane.

1995, c'est la création de l'OMC par les Accords de Marrakech et l'intégration du développement durable parmi les objectifs de l'OMC, au même titre que ceux précédemment cités. Toutefois, depuis cette date, rien n'a avancé en matière de développement durable dans le cadre des négociations commerciales multilatérales. Le cycle de Doha, lancé en 2001, est bloqué sur ce sujet comme sur l'ensemble des sujets commerciaux.

Dès lors, l'Union européenne a fait un choix stratégique. Tout en participant aux négociations au sein de l'OMC, elle a réorienté depuis 2006 sa politique commerciale vers le bilatéralisme, c'est-à-dire la négociation d'accords commerciaux avec ses principaux partenaires économiques, parmi lesquels la Corée du Sud, le Canada, le Japon, le Vietnam, l'Australie ou encore le MERCOSUR.

Le passage au bilatéralisme, où l'on ne négocie qu'à 2 et non à 164 comme à l'OMC, a par ailleurs permis d'élargir le champ des accords commerciaux à de nouveaux sujets : la propriété intellectuelle, les marchés publics, l'investissement ou encore la coopération réglementaire. On parle ainsi d'accords de « nouvelle génération »

Or, de tels accords ont une portée bien plus large que la seule réduction des droits de douane. Ils ont donc suscité de nombreuses inquiétudes au sein de la société civile. Celles-ci ont été renforcées par la prise de conscience des enjeux du développement durable et, en particulier de la lutte contre le changement climatique, et des conséquences potentiellement négatives des accords commerciaux sur ceux-ci. Face à ces inquiétudes et à une contestation grandissante de la politique commerciale, les autorités européennes ont été contraintes de réagir et de prendre en compte le développement durable dans les accords commerciaux au point d'en faire un objectif de celle-ci.

Cette prise en compte, exigée par le Conseil dans tous les mandats de négociation qu'il donne à la Commission, a deux dimensions.

La première est la dimension substantielle : les accords commerciaux de l'Union européenne définissent un standard en matière sociale et environnementale constitué notamment d'un ensemble de conventions internationales que le pays partenaire doit respecter : parmi ces conventions, on peut citer l'Accord de Paris et les conventions fondamentales de l'OIT.

La deuxième dimension est procédurale. Trois procédures favorisent la prise en compte du développement durable dans la politique commerciale. Premièrement, la société civile est associée à la mise en oeuvre des accords commerciaux via des organes consultatifs spécifiques composés d'ONG, de syndicats et de représentants des entreprises. Deuxièmement, l'impact des accords commerciaux sur le développement durable est évalué pendant les négociations et une fois ceux-ci en vigueur. Enfin, troisièmement, le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États a été juridictionnalisé et complété par de nombreuses dispositions « anti-abus » et garanties visant à protéger le droit à réguler des États, en particulier dans le domaine environnemental.

Que faut-il en penser ? Tout d'abord, le fait que la politique commerciale européenne prenne en compte le développement durable constitue incontestablement un progrès. Pendant des décennies, ce ne fut pas le cas. Désormais, l'Union européenne promeut au niveau international un standard de valeurs et de normes en matière de droits humains, de conditions de travail et de protection de l'environnement, ce dont il faut se féliciter.

Cela dit, le rapport n'ignore pas les insuffisances de cette prise en compte. Cinq ont particulièrement attiré notre attention.

La première est le caractère insuffisamment contraignant des dispositions relatives au développement durable dans les accords commerciaux. En effet, celles-ci présentent deux faiblesses : d'une part, elles sont rédigées de manière vague, si bien que leur portée est incertaine. Par exemple, dans l'accord avec la Corée du Sud, il est stipulé que « les Parties consentent des efforts continus et soutenus en vue de ratifier les conventions fondamentales de l'OIT ainsi que les autres conventions classées par l'OIT dans la catégorie des conventions à jour ». S'agit-il d'une obligation de ratifier les conventions ? Personne ne le sait. L'Union européenne et la Corée du sud sont d'ailleurs en contentieux sur ce point. D'autre part, les dispositions relatives au développement durable relèvent pour l'essentiel d'un mécanisme de règlement des différends qui est spécifique et non contraignant puisque la violation des dispositions relatives au développement durable ne peut pas faire l'objet de sanctions, au contraire de la violation des dispositions commerciales.

La deuxième faiblesse porte sur le caractère très limité de l'association de la société civile à la mise en oeuvre des accords commerciaux. En effet, tant les conditions de la création que des modalités de fonctionnement des différents organes représentatifs, sans oublier l'étroitesse de leurs compétences, les empêchent de jouer leur rôle de suivi et d'alerte. Leur mise en place et leur fonctionnement, pour commencer, est étroitement tributaire des rapports que le gouvernement du pays concerné entretient avec les représentants de la société civile et, notamment les ONG. Or, elle risque d'être particulièrement difficile au Brésil puisque depuis 2016, le gouvernement brésilien ne participe ainsi plus aux réunions avec la société civile organisées dans le cadre du MERCOSUR. Avec l'élection à la présidence de Jair Bolsonaro, les rapports se sont encore dégradés avec la rhétorique « anti-société civile » de certains membres d'extrême droite du gouvernement, à commencer par le ministre de l'environnement, lequel refuse de les recevoir. Ensuite, ces organes souffrent de la faiblesse de leurs compétences. En effet, ils sont simplement consultés, à la discrétion des Parties, et ils n'ont, dans le meilleur des cas, qu'un pouvoir d'avis et de recommandations. En outre, leur compétence est, sauf exceptions, limitée à la seule mise en oeuvre du chapitre relatif au développement durable, alors même que les enjeux du développement durable concernent la totalité de l'accord commercial.

Au final, les organes représentatifs de la société civile prévus par les accords commerciaux apparaissent plus comme une caution à la politique commerciale européenne qu'une véritable association capable d'influencer sur sa mise en oeuvre.

La troisième faiblesse que nous avons identifiée concerne l'évaluation des accords commerciaux. L'étude d'impact sur le développement durable, qui est très approfondie, est réalisée au cours des négociations afin que ses résultats puissent, en théorie, être pris en compte par les négociateurs européens. Or, les exemples sont nombreux où ce n'est pas le cas. Par exemple, le mécanisme de règlement des différends investisseurs-État n'avait pas été jugé nécessaire par l'étude d'impact du CETA mais s'est finalement retrouvé dans l'accord. La subtilité de ces études d'impact ex-ante est qu'elles sont réalisées par un consultant extérieur, si bien que la Commission européenne ne s'estime pas engagée par ses résultats.

L'autre problème des études d'impact est qu'elles sont commencées après l'ouverture des négociations et peuvent ne pas avoir été achevées avant la conclusion des négociations. C'est ainsi que les négociations avec le MERCOSUR ont été relancées en mai 2016 mais que l'appel d'offres pour l'étude d'impact n'a été lancé qu'en mars 2017, si bien qu'elle n'avait pas encore été publiée vendredi dernier 28 juin, date à laquelle les négociations ont été conclues. Ce genre de situation décrédibilise totalement les études d'impact et la volonté affichée de la Commission européenne de prendre en compte le développement durable dans la politique commerciale autant que celle d'associer la société civile à son élaboration.

Quatrième insuffisance : le principe de précaution est insuffisamment protégé. Le principe de précaution figure non seulement dans la Charte de l'environnement, qui a valeur constitutionnelle, mais également dans le Traité de Lisbonne. Il constitue une valeur européenne à part entière qui doit non seulement être défendue à l'intérieur de l'Union européenne mais aussi promue à l'extérieur. Or, il apparaît que la conception européenne du principe de précaution n'est pas reprise à l'identique dans les accords commerciaux. Bien plus, les termes « principe de précaution » sont parfois remplacés par les termes « approche de précaution », comme dans l'accord commercial avec le Japon. Enfin, le principe de précaution figure dans le chapitre relatif au développement durable qui, je l'ai dit, ne relève pas d'un mécanisme contraignant de règlement des différends, ce qui affaiblit encore sa portée.

Enfin, la cinquième insuffisance que nous avons constatée dans la prise en compte du développement durable porte sur le mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États : le RDIE. Prenant initialement la forme de tribunaux d'arbitrage privé, il a été juridictionnalisé à partir du CETA et sa procédure améliorée afin de préserver le droit à réguler des États, notamment en matière de protection de l'environnement.

Toutefois, malgré les garanties entourant désormais le RDIE, parce qu'il permet à des investisseurs d'attaquer des réglementations, il fait peser un risque sur le développement durable. En effet, exposé au risque de devoir potentiellement payer des milliards d'euros de compensation financière à des investisseurs, les États européens comme leurs partenaires pourraient hésiter à adopter des réglementations susceptibles de violer les droits qu'ils tirent des accords commerciaux, lesquels sont très protecteurs.

Par conséquent, présentés comme un instrument servant à promouvoir les standards européens sur la scène internationale, les accords commerciaux sont susceptibles de remettre en cause des réglementations favorables au développement durable au sein même de l'Union européenne.

Après avoir fait le constat de ces insuffisances, nous avons cherché à élaborer des propositions afin d'améliorer la prise en compte du développement durable dans la politique commerciale européenne. Celles-ci sont au nombre de 10 que je vais successivement et brièvement vous présenter.

Notre première proposition consiste à faire de l'Accord de Paris un « élément essentiel » des accords commerciaux. Un élément d'un accord international est dit « essentiel » lorsque sa violation par une Partie est susceptible de justifier la remise en cause de son application par l'autre Partie. L'Union européenne exige ainsi la présence, en tant qu'« élément essentiel », de deux dispositions dans les accords commerciaux ou, le cas échéant, dans les accords-cadres dans lesquels ceux-ci s'insèrent : le respect des droits humains et la lutte contre la prolifération des armes nucléaires. Le rapport propose qu'il en soit de même pour le respect de l'Accord de Paris, avec cette précision qu'il faudra évaluer le respect de celui-ci au-delà de sa seule ratification.

Notre deuxième proposition vise à renforcer l'implication de la société civile dans la mise en oeuvre des accords commerciaux. L'association de la société civile à la mise en oeuvre des accords commerciaux pourrait être renforcée sur trois points : d'abord, exiger que les Parties répondent aux avis et recommandations des organes représentatifs de la société civile, ainsi qu'à leur demande d'informations ; ensuite, permettre aux représentants de la société civile de participer, à leur demande, aux réunions de l'ensemble des Comités institués par les accords commerciaux, lesquels disposent de larges compétences dans leur mise en oeuvre ; enfin, : permettre aux organes représentatifs de la société civile de saisir formellement le Comité sur le commerce et le développement durable d'un manquement allégué d'une Partie à ses obligations et demander à l'autre Partie de lancer la procédure de règlement des différends.

La troisième proposition demande à renforcer la portée des dispositions relatives au développement durable. La rédaction des dispositions relatives au développement durable pèche par son caractère vague et imprécis. Plutôt que de demander à une Partie « des efforts constants et soutenus pour ratifier les conventions fondamentales de l'OIT », il nous semble plus efficace d'exiger leur ratification en bonne et due forme, le cas échéant après un certain délai.

Notre quatrième proposition vise à adapter le chapitre relatif au développement durable à la situation particulière de chaque pays. À la lecture des différends accords commerciaux de l'Union européenne, il apparaît que le chapitre relatif au développement durable est en quelque sorte copié-collé, d'un accord à l'autre. Nous proposons que l'Union européenne adapte son contenu à la situation de ses partenaires commerciaux vis-à-vis du développement durable.

À titre d'exemple, même si c'est désormais trop tard, l'accord avec le MERCOSUR aurait pu comporter l'obligation de respecter effectivement la convention n° 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux que le Brésil a certes ratifiée mais qui, de l'avis de nombreuses ONG rencontrées à Brasilia, n'est pas réellement appliquée ;

Notre cinquième proposition consiste à subordonner, pour certains produits particulièrement sensibles, l'accès au marché européen au respect de critères de durabilité. Si les agriculteurs européens s'inquiètent, légitimement, pour la survie de leurs filières face à leurs concurrents étrangers, les accords commerciaux peuvent avoir un impact négatif, notamment en matière environnementale, dans le ou les pays concernés. C'est ainsi qu'à Brasilia, les représentants des ONG nous ont longuement détaillé les conséquences qu'aurait une augmentation des exportations agricoles brésiliennes, notamment de viande bovine et de soja, dans le contexte politique actuel, pro-agrobusiness et anti-ONG : une accélération de la déforestation de l'Amazonie, la mise en danger des peuples tribaux ou encore une pression accrue sur les travailleurs agricoles.

L'Union européenne doit donc s'efforcer, même en ouvrant les marchés agricoles, d'en limiter les conséquences, à la fois pour les filières européennes mais également pour l'environnement dans les pays concernés, par exemple en subordonnant l'accès au marché européen des produits agricoles à des critères de durabilité : respect des normes sociales, non-déforestation, etc.

La sixième proposition requiert de renforcer l'évaluation de l'impact des accords commerciaux sur le développement durable. Renforcer l'évaluation, c'est d'abord exiger que l'étude d'impact sur le développement durable soit réalisée avant l'ouverture des négociations afin non seulement de pouvoir les orienter mais également d'apporter l'ensemble des informations quant à l'opportunité même de les ouvrir.

Renforcer l'évaluation, c'est également faire en sorte que l'évaluation ex-post ne s'arrête pas à la seule mise en oeuvre du chapitre relatif au développement durable mais porte sur l'impact de la totalité de l'accord commercial sur le développement durable, tant dans l'Union européenne que dans le pays concerné.

La septième proposition vise à limiter l'impact environnemental du commerce maritime et aérien induit par l'augmentation du commerce international. Plus de 90 % du commerce international des biens repose sur le transport maritime. Il y a donc une certaine contradiction à promouvoir, dans le cadre de la politique commerciale européenne, le développement durable alors même que l'objectif de celle-ci est avant tout d'accroître les échanges commerciaux avec des pays situés au bout du monde, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et, par conséquent, les émissions de CO2 et autres polluants des moyens de transport qui les rendent possibles.

Le rapport propose donc d'inclure dans les accords commerciaux des dispositions favorables à la limitation des émissions de gaz à effet de serre du transport international, maritime mais aussi aérien, par exemple en faisant référence aux mécanismes mis en place par l'association internationale du transport aérien et l'organisation maritime internationale.

La huitième proposition consisterait à intégrer dans les accords commerciaux de l'Union européenne le principe de précaution tel qu'il est défini dans le droit européen. La prise en compte du principe de précaution dans les accords commerciaux de l'Union européenne n'est pas satisfaisante, à la fois parce que sa formulation est en retrait par rapport à celle en vigueur dans le droit européen mais également parce qu'il ne figure en tant que tel que dans le chapitre relatif au développement durable, lequel n'est pas soumis à un règlement des différends assorti de sanctions.

Nous estimons nécessaire que la Commission européenne ne cède pas, dans les négociations commerciales, sur un principe qui est au coeur des préférences collectives européennes et qui, à l'heure de la multiplication des scandales sanitaires comme de la méfiance croissante des citoyens vis-à-vis de la politique commerciale, est plus que jamais à défendre sur la scène internationale. Non seulement sa formulation doit être précise et cohérente avec celle du droit européen mais il doit être intégré également en tant que tel dans les chapitres sur les obstacles techniques au commerce et les normes SPS.

La neuvième proposition est d'instituer un « veto climatique » dans le cadre du mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États. Malgré les améliorations qui lui ont été apportées, le RDIE est susceptible de permettre aux investisseurs de remettre en cause une réglementation s'inscrivant dans la lutte contre le changement climatique. C'est pourquoi nous proposons la création d'un « veto climatique » sur le modèle de ce qui existe déjà dans le CETA s'agissant des mesures fiscales. Le Comité conjoint du CETA a en effet la possibilité de déterminer, en cas de plainte d'un investisseur, si une telle mesure est conforme ou non au traité. Cette procédure permet de court-circuiter le RDIE en faisant prévaloir l'intérêt général sur les intérêts privés mieux que ne le feraient des juges.

Enfin, la dixième proposition demande à prendre en compte le développement durable dans les autres aspects de la politique commerciale européenne et pas seulement dans les accords commerciaux. Nous avons beaucoup parlé des accords commerciaux mais il faut avoir conscience que l'Union européenne a d'ores et déjà ouvert, voire conclu des négociations commerciales avec la majeure partie de ses partenaires. Dans ces conditions, l'instrument des accords commerciaux pour promouvoir le développement durable sera bientôt obsolète. C'est pourquoi nous proposons que l'Union européenne utilise un autre instrument relevant de la politique commerciale pour promouvoir le développement durable : le devoir de diligence.

Ce devoir de diligence existe aujourd'hui dans trois secteurs : les diamants, le bois et certains minerais. Ils imposent aux importateurs européens de ces produits de mettre en place des mécanismes de traçabilité et de certification qui garantissent qu'ils ont été produits dans des conditions légales, respectueuses des droits humains et des normes environnementales.

Ce devoir de diligence est établi par des règlements européens et par conséquent, unilatéralement par l'Union européenne. Ils ne sont pas exposés, dans leur contenu ou leur délai, aux contraintes et compromis inhérents aux négociations internationales En effet, ils concernent uniquement les importateurs européens de ces produits et c'est uniquement sur eux que pèse l'obligation de garantir le caractère durable de leur chaîne d'approvisionnement.

Cette voie du devoir de diligence nous semble aussi voire plus intéressante à explorer que vouloir intégrer à tout prix des mesures en faveur du développement durable dans les accords commerciaux qui sont soumis à un cadre juridique très contraignant.

C'est sur ce point que je voudrais terminer. Nos travaux ont mis en évidence à quel point le cadre juridique du commerce international contraint la prise en compte du développement durable. Nos propositions s'intègrent dans ce cadre mais il est évident qu'aller plus loin nécessitera de modifier ce cadre, lequel relève pour l'essentiel de l'OMC.

L'Union européenne peut être force de proposition pour modifier ce cadre mais outre la contrainte de l'unanimité, le libre-échange est dans son ADN depuis 1958 et le commerce prime toute autre considération. Elle vient de le montrer à nouveau en concluant les négociations avec le MERCOSUR sans même attendre les résultats de l'étude d'impact sur le développement durable.

Enfin, il est évident qu'il faudra un jour s'interroger sur notre modèle économique et la pertinence de commercer avec des pays situés à l'autre bout de la planète alors même que l'une des solutions pour limiter les émissions de gaz à effet de serre est le développement de circuits courts d'approvisionnement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette mission d'information sur la prise en compte du développement durable dans la politique commerciale de l'Union européenne, en plus d'être d'une brûlante actualité, a été passionnante et très instructive.

Je partage l'essentiel des constats relevés dans le rapport dont notre collègue Patrice Anato vient de faire une présentation générale. Il y a néanmoins un certain nombre de points de divergences dans l'approche générale, l'analyse et l'interprétation sur lesquels je souhaiterais revenir.

Comme d'autres organisations internationales, l'Union européenne a, à partir de 2006, et essentiellement sous la pression de la société civile, présenté dans son discours et dans ses textes le « développement durable » comme un objectif de sa politique commerciale. Le terme est mentionné dans les traités européens. Mais derrière l'affichage, la réalité de cette prise en compte est plus que contrastée.

D'abord, le « développement durable » ne se comprend ni ne s'utilise de la manière par tous et toutes. Qu'est-ce que la durabilité ? L'Union européenne a en effet retenu une acception très restrictive de cette notion, qui fait l'objet de nombreux débats et controverses scientifiques. Deux conceptions majeures de la durabilité s'opposent en effet.

D'une part, le concept de « durabilité faible » ou « substituabilité », compatible avec les économistes néoclassiques, selon lequel il y a substitution de la ressource naturelle (le capital naturel) par la richesse créée (le capital artificiel). C'est la conception qui prévaut dans beaucoup d'organisations internationales (Nations unies, Banque mondiale) et dans l'Union européenne. En s'y conformant, quelques ajustements économico-techniques suffisent pour pouvoir continuer à produire et échanger comme nous l'avons fait jusque-là.

A contrario, selon l'approche de la « durabilité forte », soutenue notamment par les ONG et les économistes systémiques, le rythme de consommation des ressources renouvelables ne doit pas excéder le rythme de régénération de ces mêmes ressources ; le rythme de consommation des ressources non renouvelables ne doit pas excéder le rythme auquel des substituts renouvelables et durables peuvent être développés ; enfin, le rythme d'émission de pollution ne doit pas excéder la capacité de l'environnement à absorber et assimiler cette pollution. Dans cette hypothèse, le stock de capital naturel ne doit pas baisser.

L'aporie dans laquelle se trouve aujourd'hui le « développement durable » dans la politique commerciale de l'Union européenne s'explique en grande partie par le fait de l'approche de « durabilité faible » privilégiée par cette institution. Mais l'Union européenne est loin de prendre en compte de façon conséquente même ce très faible niveau d'exigence.

Cette mission a commencé il y a 6 mois. Ces 6 mois ont été aussi ceux où la question climatique a été au centre de l'attention médiatique, ceux du mois le plus chaud de l'histoire de l'humanité, des épisodes de folie par manque d'eau en Inde, du rapport de l'ONU sur le début de la 6ème extinction des espèces, et des mois de manifestation de la prise de conscience collective de l'urgence dans laquelle nous sommes, des marches climat aux grèves des jeunes inspirées par l'activiste Greta Thunberg.

Pendant 6 mois nous avons entendu les alertes des associations et ONG, unanimes sur les effets dévastateurs sur l'environnement, les droits humains et la santé des accords de libre-échange. Notre rapport en rend compte à de nombreuses reprises, et c'est important que nous puissions tous et toutes nous accorder sur ce constat.

Le commerce international présente un cadre contraignant qui biaise les dispositifs. En effet, comme nous l'expliquons dans le rapport, le cadre juridique international, et par extension européen, admet que l'on prenne en compte les exigences du développement durable mais à la condition que les mesures adoptées par un État soient conformes aux principes du commerce international, lesquels prévalent toujours.

Ce cadre mine donc d'avance toute tentative de protéger les intérêts sociaux ou environnementaux au motif qu'une telle protection constituerait une restriction déguisée au commerce international comme ce fut le cas pour l'Union européenne dans l'affaire dite du « boeuf aux hormones » pour laquelle elle a été condamnée par l'organe de règlement des différends de l'OMC en 1996.

Pour ce qui est d'évaluer les impacts de ces accords commerciaux, notre rapport montre bien que si, en théorie, cette évaluation est présentée comme cruciale, ce n'est pas vraiment le cas. Pour ne citer qu'un exemple, l'étude d'impact sur le développement durable de l'accord Union européenne-Mercosur était toujours en cours alors même que les négociations se sont conclues le 28 juin dernier.

Ainsi apparaît clairement l'hypocrisie d'une évaluation privée de tout moyen. Comme l'explique le rapport, nous avons mesuré à Brasilia quelle sera la difficulté, une fois l'accord commercial avec le MERCOSUR en vigueur, d'en mesurer les effets environnementaux dans ce pays immense, deux fois plus étendu que l'Union européenne, dont certaines parties – notamment en Amazonie – échappent largement au contrôle de l'État brésilien. En matière d'évaluation, la volonté ne suffit pas, il faut les moyens et ceux-ci font défaut.

Nous expliquons aussi comment le principe de précaution ne peut être protégé dans les échanges internationaux car il est ainsi de nature si ce n'est bloquer, du moins compliquer certaines négociations. C'est le cas notamment de celles avec le MERCOSUR puisque le Brésil ne veut pas d'une approche européenne qu'il considère comme une mesure protectionniste.

Les accords de libre-échange sont en outre destructeurs. Comme nous le notons dans le rapport, nous ne manquons pas d'alertes sur ces effets. Seulement personne ne les écoute, de même que personne n'a tenu compte des conclusions de la commission dite « Schubert » sur le CETA, pourtant commandée par le Premier ministre lui-même. À Brasilia, nous avons longuement écouté les représentants de la société civile détailler les conséquences qu'aurait une augmentation des exportations agricoles brésiliennes, notamment de viande bovine et de soja, dans le contexte politique actuel, pro-agrobusiness et anti- ONG : une accélération de la déforestation de l'Amazonie, la mise en danger des peuples tribaux protégés ou encore une pression accrue sur les travailleurs agricoles.

Ce rapport regorge également d'exemples de destruction de l'économie locale par la mise en place même de ces accords : c'est en particulier le cas de l'agriculture qui, avant d'être une source d'échanges entre les pays, est une activité essentielle à la vie de leurs habitants. Au Brésil, par exemple, des filières exportatrices, en particulier de viande bovine et de soja, coexistent avec une agriculture familiale protégée qui, pas plus que certaines filières européennes d'ailleurs, n'est en mesure de supporter l'ouverture des marchés promise par les négociations Union européenne-MERCOSUR.

On retrouve également dans l'intégralité des rapports de toutes les ONG spécialisées sur la question que les mesures visant à ne serait-ce que tenir compte du développement durable, entendu sous son acception la plus faible, ne sont jamais contraignantes. En somme, la prise en compte du développement durable est théorique et de façade.

Pourtant, si nous avons tous les deux suivi les mêmes auditions, parfois fait les mêmes constats, nous ne tirons pas du tout les mêmes conclusions. Le libre-échange est pour moi incompatible avec une prise en compte effective du développement durable. Ce qu'a révélé pour moi cette mission, c'est que d'une certaine manière ce rapport est dépassé. Mon engagement politique a commencé dans les années 2000. En 1999, à Seattle, l'alliance des mouvements altermondialistes et écologistes exprimaient déjà la détermination face à un système économique qui entraînait l'humanité vers un mur. L'association ATTAC alertait de la perte de souveraineté en matière écologique, sanitaire et sociale de l'Accord multilatéral sur les investissements, le (faux) AMI. C'était il y a 20 ans. Les 10 propositions a minima présentées à la fin de ce rapport, et auxquelles je souscris, qui sont, de mon point de vue très mesurées, auraient pu avoir du sens il y a 20 ans.

Aujourd'hui, à l'heure où le GIEC nous dit que nous avons 12 ans pour diminuer drastiquement l'extraction d'énergies fossiles si nous voulons avoir un espoir de freiner le réchauffement climatique et sauver l'humanité, l'effet d'« amélioration » découlant de ces propositions est trop largement insuffisant. La raison en est simple : les échanges internationaux sont justement une des premières cause des émissions de gaz à effet de serre, à leur tour principale cause du changement climatique. Comme indiqué par mes soins dans le rapport, ces propositions ne résoudront pas la contradiction fondamentale entre, d'une part, le primat donné à l'économie de marché et au libre-échange dans le système économique mondial actuel, et, d'autre part l'impérieuse nécessité de la préservation de l'écosystème humain qui doit prévaloir sur tout le reste. C'est la matrice même du commerce mondial qu'il faudrait changer pour permettre qu'un développement écologiquement soutenable et socialement durable ne soit pas seulement théoriquement « pris en compte » mais soit bien l'objectif central et prioritaire de toutes les politiques, à commencer par l'économie.

C'est d'ailleurs en creux, une des conclusions qu'on retrouve aussi sous la plume commune. En effet, il est indiqué que le fait que cadre juridique international soit aussi contraignant pour le développement durable est cohérent avec les fondements et les objectifs du commerce international. L'idéologie qui le sous-tend est, depuis l'origine, libre-échangiste et les experts en charge du commerce international (travaillent avant tout à supprimer les obstacles aux échanges, quels qu'ils soient et quels que soient les secteurs concernés. Cette idéologie est contraire par elle-même au développement durable :

– l'objectif d'un accroissement illimité des échanges internationaux de biens a pour corollaire l'augmentation parallèle des émissions de CO2 des transports maritimes et aériens sans lesquels ils ne sont pas possibles ;

– non seulement les émissions de CO2 sont accrues par le développement du commerce international mais les principes fondamentaux de son cadre juridique, comme la non-discrimination entre les producteurs nationaux et étrangers, empêchent largement la mise en oeuvre d'une politique visant à favoriser les circuits courts.

Qu'on en juge : plus de 90 % du commerce international des biens repose sur le transport maritime, parfois sur des distances considérables, notamment lorsque les biens concernés viennent de Vietnam, du Brésil voire d'Australie ou de Nouvelle-Zélande. Or, celui-ci figure parmi les activités les plus polluantes qui soient en raison de l'utilisation du fioul lourd pour la propulsion des porte-conteneurs. En effet, ce carburant non seulement émet du dioxyde de carbone – à hauteur de 2,5 % des émissions mondiales – mais également de l'oxyde de soufre et de l'oxyde d'azote, qui accélèrent la formation de particules fines et ultrafines très dangereuses pour la santé humaine. Or, selon l'OCDE les volumes de fret international vont être multipliés par quatre d'ici 2050 et, sans amélioration de la performance environnementale des navires, les émissions augmenteront d'autant. C'est d'autant plus inquiétant que l'Organisation maritime internationale (OMI), pourtant chargée de la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto adopté en 1997, n'a rien fait jusqu'à l'adoption, enfin, d'objectifs de réduction des émissions de CO2 l'année dernière.

En effet, lors de la 72e session du Comité de la protection en milieu marin de l'OMI en avril 2018 a été approuvée, par les 171 membres de cette organisation, la stratégie de réduction des émissions du secteur du transport maritime, fixant un objectif chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 % d'ici 2050 par rapport à 2008. Cet objectif signifie en pratique que la plupart des nouveaux navires construits dans les années 2030 devront être « zéro émissions ». Il y a donc, dit le rapport, une « certaine contradiction » à soutenir, dans le cadre de la politique commerciale européenne, le développement durable alors même que l'objectif de celle-ci est avant tout d'accroître les échanges commerciaux avec des pays situés au bout du monde, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et, par conséquent, les émissions de CO2 et autres polluants des moyens de transport qui les rendent possibles.

Mais il y a plus qu'une « certaine contradiction » : il y a une contradiction tout court. Et pourtant nous n'en tirons pas les mêmes conclusions.

De mon point de vue, la conclusion logique, réaliste, raisonnable à tirer de cette mission, c'est qu'il est urgent de repenser notre système de production et d'échange. On ne peut pas continuer ce déménagement permanent du monde sans but ni raison écologiquement valables. Nous devons entièrement repenser, et planifier notre agriculture, notre économie dans le sens de la relocalisation, avec comme fil rouge l'impératif de la “règle verte”, qui devrait être le principe directeur de toutes nos politiques, en vertu duquel nous ne prélevons pas davantage sur la nature que ce qu'elle peut reconstituer, ni ne produisons plus que ce qu'elle peut supporter sur une année. Tout simplement.

Voilà la règle qui devrait être l'objectif et le critère d'évaluation de l'ensemble des politiques publiques de l'Union européenne, de la durabilité du développement, règle qui permettrait non seulement d'affirmer dans les textes, mais également de mettre en pratique, la priorité de l'intérêt général écologique sur les intérêts économiques particuliers, la seule à même de nous permettre de relever le défi qui est lancé à l'humanité par le changement climatique.

Comme le dit l'élue démocrate américaine Alexandria Ocasio-Cortez qui a déposé un projet de loi global de transition écologique (GreenNewDeal) : « nous serons tout ce que nous aurons le courage d'imaginer ». Enfermée dans le carcan du catéchisme libre-échangiste, aveuglée par les oeillères du dogme du tout-marché, l'Union européenne, telle qu'elle existe aujourd'hui, et ses gouvernements, passés et présents, sont incapables de faire preuve de ce courage et de cette imagination. C'est, au contraire, précisément, la voie que nous, à La France Insoumise, voulons tracer : celle d'un Avenir en commun.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tenais tout d'abord à remercier les rapporteurs pour la pertinence de leurs travaux et pour cette présentation conjointe.

Après avoir constaté que le développement durable a longtemps été pris en compte de manière marginale dans la politique commerciale européenne, vous rappelez qu'il en est devenu un objectif essentiel même si, à ce jour, sa prise en compte reste encore insuffisante. Vous soulignez dans votre rapport le rôle des États membres pour faire reconnaître l'importance du principe de développement durable et, en particulier, de l'engagement de la France dont la volonté politique, – et je cite votre rapport – « assortie d'une campagne efficace de promotion de ses idées, peut permettre de faire bouger les lignes au niveau européen ».

Permettez-moi de revenir quelques instants sur les engagements pris par le Gouvernement français pour renforcer la prise en compte du développement durable et répondre aux craintes suscitées, par l'entrée en vigueur provisoire de l'Accord du CETA avec le Canada en septembre 2017.

Face au constat – que vous semblez partager – que l'évaluation européenne de l'impact de l'Accord est insuffisante, le Gouvernement a souhaité mettre en place une évaluation approfondie de l'impact du CETA à l'échelle nationale. Après avoir instauré la Commission indépendante d'évaluation de l'impact du CETA, présidée par Katheline Schubert, sur l'environnement, le climat et la santé, le Gouvernement a présenté, dès le mois d'octobre 2017, un plan d'action, co-construit avec les députés de la majorité. Ce plan prévoit notamment la mise en place d'une mission d'inspection sur l'impact du CETA portant sur cinq secteurs agricoles sensibles dont le rapport a été présenté en décembre 2018 ainsi que la mise en oeuvre de l'évaluation macro-économique des impacts de l'Accord conduite par le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII).

Il faut souligner que ce degré d'évaluation est inédit et que cette initiative jette incontestablement les bases d'une nouvelle méthodologie de contrôle continue de la politique commerciale, qui a vocation, à terme, à s'appliquer aux autres accords à venir.

Je souhaite ensuite revenir sur certaines de vos propositions.

Le CETA impose explicitement le respect des obligations souscrites par le Canada et l'Union européenne dans les accords environnementaux multilatéraux. L'absence de mention de l'Accord de Paris dans le CETA est due à son absence de ratification au moment de la signature du CETA. Pourtant, des références explicites à l'Accord de Paris ont été intégrées à la déclaration interprétative conjointe, signée en octobre 2016 qui a force contraignante.

Concernant le statut d'« élément essentiel » de l'Accord de Paris, le futur accord entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande devrait créer un précédent : le Président de la République et la Première ministre néo-zélandaise ont, en effet, signé une déclaration conjointe en avril 2018 visant à faire du respect des dispositions de l'Accord de Paris une clause essentielle des accords de libre-échange.

En tant que députée bretonne et présidente du groupe d'étude « Économie maritime », j'ai été particulièrement sensible à votre 7e proposition de limiter l'impact du commerce maritime et aérien. Dans le cadre des négociations avec le Canada, Nicolas Hulot et Catherine McKenna, Ministre canadienne de l'Environnement et du Changement climatique, ont d'ailleurs signé, en avril 2018, le partenariat franco-canadien sur l'environnement et le climat qui comprend 9 axes de coopération, dont celui de la diminution des GES dans le cadre des négociations à l'Organisation maritime internationale.

En ce qui concerne la garantie du principe de précaution, l'instrument interprétatif commun de l'accord, qui est juridiquement contraignant, précise que « les parties sont tenues d'assurer et d'encourager des niveaux élevés de protection de l'environnement, de s'efforcer d'améliorer continuellement leur législation et leurs politiques en la matière de même que les niveaux de protection sur lesquels elles reposent ». Dans sa décision du 31 juillet 2017, le Conseil Constitutionnel a précisé que « l'absence de mention expresse du principe de précaution dans les stipulations de l'accord, qui relèvent d'une compétence partagée entre l'Union et les États membres, n'emporte pas de méconnaissance de ce principe ».

Pour conclure, permettez-moi d'inscrire nos débats d'aujourd'hui, et ceux à venir, dans le contexte géopolitique mondial : face au constat que l'interdépendance économique et les confrontations entre puissances sont de plus en plus fortes, la politique commerciale européenne me semble incontestablement constituer un levier de la politique climatique, mais aussi un outil de reconstruction du multilatéralisme mondial. Dans ce contexte, la ratification imminente du CETA, tout comme le suivi continu de sa mise en oeuvre, doivent assurer la garantie de nos ambitions sociales et environnementales mais aussi du jeu multilatéral.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mon intervention sera en deux parties. Je voudrais d'abord souligner très clairement que je partage complètement l'analyse faite par Mme Danièle Obono sur les traités de libre-échange qui se multiplient aujourd'hui au niveau planétaire. Effectivement, on ne mesure pas suffisamment à quel point il est urgentissime de repenser entièrement nos systèmes de production et d'échange.

Nous courons à la catastrophe en mettant en oeuvre des politiques qui sont contraires aux objectifs recherchés, en particulier dans l'Accord de Paris. On peut faire tout le baratin que l'on veut et chercher tous les artifices, la réalité est qu'il faut revoir la structure du commerce international. Cela ne veut pas dire que nous sommes opposés à des échanges commerciaux au niveau international, mais que ces échanges doivent d'abord être basés sur une coopération entre les États, sur des complémentarités de production avec un objectif central, celui de limiter absolument le transport des marchandises et des produits alimentaires.

Or, ce qui est mis en oeuvre aujourd'hui est tout le contraire. C'est une politique véritablement d'un autre monde, d'un ancien monde. Elle a d'ailleurs été développée essentiellement au XIXe siècle par des économistes, en particulier David Ricardo, un Anglais selon lequel les échanges internationaux doivent s'appuyer sur les avantages comparatifs. Cela signifie qu'on achète là où c'est le moins cher, sans tenir compte d'autres critères. C'est pour aller chercher les produits que les droits de douane ont été supprimés, sans tenir compte des conséquences, notamment dans le domaine environnemental, mais aussi dans le domaine social. À défaut de renverser cela, nous courons à la catastrophe. De notre part à tous, cela demande un courage extrême. Je l'ai expliqué dans un ouvrage, Pour une terre commune, publié en 2010. J'insiste sur la gravité de la situation. Le reste est de l'habillage et ne tient pas compte des priorités.

Sur le rapport en lui-même, je voudrais vraiment vous féliciter pour sa qualité. En dehors de l'analyse politique, je l'ai trouvé extrêmement intéressant et même courageux en quelque sorte. Il y a une lecture, un examen, un constat des réalités, en particulier la partie sur les insuffisances de la prise en compte du développement durable, ainsi que des propositions. Je crois que c'est un travail qui va nous aider dans notre réflexion politique, en apportant des éléments pour argumenter.

Je voudrais vous demander quelques précisions. Avez-vous réfléchi à la faisabilité de contrôles réels sur les produits qui vont entrer ? Aujourd'hui en France, nous perdons depuis des années des milliers de douaniers. Dans la perspective du Brexit, la pire des difficultés sera d'assurer un contrôle aux frontières suffisant dans les ports en lien avec le Royaume-Uni. Nous avons perdu des centaines d'inspecteurs sanitaires, qui auparavant faisaient des contrôles de la qualité de ce qui entrait dans notre pays. Quel contrôle sanitaire et phytosanitaire sera possible sur les produits agricoles, bruts ou transformés, qui vont être importés ? Le respect des normes a été développé en particulier par le Président Macron à l'occasion de son discours à Rungis. Il a affirmé que nous ne laisserions pas rentrer en France de produits qui ne respectent pas les normes sanitaires, sociales et environnementales. Comment mettre en oeuvre la parole du Président de la République ? Comment contrôler l'absence d'hormones dans des carcasses de boeuf venant d'Argentine, ou de produits phytosanitaires dans le soja qui arrive dans nos ports ?

Si ces contrôles ne peuvent pas avoir lieu, nous irons vers les avantages comparatifs, avec des conséquences terribles pour notre agriculture, qui va être complètement déstructurée dans notre pays, mais aussi pour l'agriculture des pays d'origine. On sait que la déforestation de la forêt amazonienne pour faire de l'élevage intensif aboutit à l'impossibilité de développer les cultures vivrières, et ensuite à la famine pour des populations entières.

Pour ma part, je suis complètement opposé à ces accords de libre-échange. Le Commissaire européen à l'agriculture Phil Hogan lui-même l'a dit lors d'une audition il y a deux ans. Je l'avais interrogé et il avait affirmé : « Nous devons vendre nos produits manufacturés ». La réalité est là. Des multinationales produisent des produits dont nous voulons couvrir le marché américain ; en contrepartie, nous abandonnons l'agriculture européenne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis tout à fait d'accord avec l'inspiration des rapporteurs, qui définissent des objectifs très clairs et très légitimes. Je suis tout de même très réservé sur un certain nombre de choses. Je ne voudrais pas que dans cette affaire, nous soyons hostiles au libre-échange, et favorable au protectionnisme.

André Chassaigne a cité David Ricardo, c'est très bien. Dans la lutte sociale en Angleterre, durant la première moitié du XIXe siècle, c'étaient les ouvriers qui étaient avec Ricardo, et les landlords, grands propriétaires fonciers, qui étaient contre. En France, quand nous avons eu une tentative protectionniste, incarnée par le Président Méline, la droite le disait sauveur de l'agriculture française, et dans les faubourgs ouvriers, le slogan était « Méline, pain cher ». Le libre-échange est, de manière générale, favorable globalement au consommateur. Je me souviens de mon professeur à la Sorbonne, qui était un homme très estimable et militant communiste : Jean Bruhat. Il nous rappelait que le protectionnisme de Méline était tout à fait contraire aux intérêts de la classe ouvrière.

Sur ce qui s'est passé au cours des trente dernières années, je dirais, pour citer Georges Marchais, que le bilan a été globalement positif. On a eu une diminution massive de la faim dans le monde et de la pauvreté, une augmentation considérable de la classe moyenne, même si, effectivement, rien n'est satisfaisant, et le bilan environnemental est loin de l'être. Je crois qu'il ne faut pas lier les deux choses. Le problème d'un libre-échange convenablement géré porte sur la manière dont sont gérées les externalités. Là où le Président Chassaigne a raison, c'est que les externalités ne sont pas suffisamment prises en compte. Je ne crois pas que ce soit une mesure à prendre unilatéralement en France ou en Europe, mais le kérosène des avions ou le fioul des bateaux n'ont pas à bénéficier d'une taxation exagérément favorable. C'est une distorsion de la concurrence. Il faut que les externalités soient prises en compte. C'est tout le sens de notre action en matière européenne.

Ma deuxième remarque, et c'est là que le maximalisme que j'ai pu entendre m'inquiète, c'est que nous avons des intérêts économiques et commerciaux, liés à la croissance et à la lutte contre le chômage. Nous, Européens, avons intérêt à pouvoir exporter. Il ne faut pas mésestimer ces intérêts. Nous sommes en face de gens qui sont nos adversaires dans ces négociations. Je ne me prononce pas sur le MERCOSUR, car il y aurait beaucoup à dire, mais ce qui est clair, c'est que cela a été jusqu'au bout un bras de fer géopolitique entre l'Europe et Trump. La pression exercée par les Américains pour empêcher les Argentins et les Brésiliens de signer a été considérable. Il s'est joué dans ce bras de fer une part du multilatéralisme. Je ne voudrais pas que nous perdions cela de vue.

Dans le CETA ou les accords avec la Corée du Sud (qui ont été très positifs pour notre industrie), il y a la volonté d'échanger mais aussi de réguler. Il ne faudrait pas, dans ce rapport, jeter le bébé avec l'eau du bain. Je comprends bien qu'on soit inquiets sur le MERCOSUR, parce que le président Chassaigne l'a dit très justement : c'est un accord très intéressant pour beaucoup de secteurs, mais dans lequel la variable d'ajustement est clairement les agriculteurs, et plus particulièrement les éleveurs. Il n'est pas normal qu'on sacrifie un secteur.

Globalement, je pense que, premièrement, nous devons continuer la politique d'organisation et de libéralisation des échanges. Deuxièmement, je ne voudrais pas qu'il y ait une solidarité entre les écologistes et M. Trump. Troisièmement, je crois que le mieux est l'ennemi du bien ; lors de la conclusion d'accords internationaux, il est vrai que l'on n'obtient pas tout ce que l'on voudrait et qui soit 100 % en phase avec des valeurs européennes. La mesure de cela n'est pas seulement nos convictions mais, comme dirait Max Weber, notre responsabilité. Il s'agit de savoir si nous y gagnons globalement, en tant que normateurs, que producteurs, que consommateurs, ou si nous y perdons. C'est un engagement relativiste, là où certaines déclarations ont un peu tendance à être absolutistes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mon intervention sera brève, les éléments essentiels ayant été rappelés par notre collègue Jean-Louis Bourlanges. Je voudrais cependant souligner à quel point le débat qui se déroule depuis quelques jours dans notre pays sur les accords commerciaux, et notamment concernant l'Accord avec le MERCOSUR, a pris des proportions excessives, et ce au sein même du groupe politique auquel j'appartiens. Il convient d'en venir à des échanges plus apaisés.

En réalité, les excès constatés dans le débat trouvent leur justification dans le fait que les accords, tels qu'ils ont été négociés, ne vont pas dans le bon sens. Depuis vingt ans que se déroulent les négociations relatives à l'Accord avec le MERCOSUR, les parlements nationaux n'en n'ont pas été informés et c'est seulement au terme de ces vingt ans qu'ils en sont saisis, en fin de course, alors qu'ils auraient dû connaître la teneur de cet accord bien auparavant. Cela nourrit des fantasmes, des interprétations diverses et variées en alimentant en définitive ce débat enflammé. C'est pourquoi je plaide en faveur d'une association plus étroite, de manière générale, des parlements nationaux aux politiques publiques européennes et a fortiori s'agissant des accords commerciaux : une plus grande transparence dans les négociations aurait en effet permis d'éviter la situation actuelle. Ayant relevé l'absence dans le rapport de la proposition de création d'un procureur commercial européen en charge de la vérification du respect des règles de concurrence, proposition qui avait été formulée par le Président de la République ainsi que par d'autres acteurs européens, je souhaiterais connaître les raisons pour lesquelles vous n'y faites pas référence.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nombre de choses ont été exprimées par notre collègue Jean-Louis Bourlanges, avec la verve que nous lui connaissons. Je souhaiterais revenir au coeur du sujet, qui augure de bien des débats pour les semaines et les mois à venir, à savoir la conciliation de la mondialisation et du libre-échange dont on connaît les bienfaits tant pour l'emploi que les consommateurs, et notamment celui de l'accès à un certain nombre de biens et services, avec les impératifs de la transition écologique.

J'ai récemment entendu une interview de notre collègue Adrien Quatennens, invité d'une radio du service public. Interrogé à propos de l'accord avec le MERCOSUR sur le choix d'en revenir à une certaine forme de localisme, à l'instar de ce que propose du reste le Rassemblement national, il a répondu par l'affirmative en précisant qu'il serait à l'avenir nécessaire de produire et de consommer localement. Cela nous paraît inquiétant. Nous connaissons tous, à cet égard, les conséquences induites par le fonctionnement d'une économie en circuit fermé, par les tentatives d'autarcie. La dépendance extérieure de l'Union européenne dans des secteurs essentiels comme celui de l'énergie est supérieure à 50 %, celle de la France bien que moindre, est également élevée. Compte tenu des ressources naturelles limitées, l'Union européenne importe des hydrocarbures, des métaux rares, etc… Aujourd'hui une production locale peut-elle concrètement satisfaire de tels besoins ? Par quel moyen pouvons-nous nous procurer des ressources, des biens et des services dont nous ne disposons pas à l'échelle du marché européen ? Deuxième puissance économique mondiale, l'Union européenne devrait logiquement rencontrer moins de difficultés que d'autres espaces économiques à tendre vers une plus grande autonomie. L'impuissance de l'Union européenne en la matière souligne une limite majeure du raisonnement en faveur du localisme. Je serais curieuse de savoir comment les partisans du localisme comptent s'y prendre pour revenir sur les acquis de l'économie mondialisée que nous avons mis des siècles à construire et qui s'appuie sur les avantages comparatifs des différents pays et les bienfaits des échanges commerciaux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La diversité de vos remarques laisse entrevoir la richesse des discussions à venir au cours des prochaines semaines. Notre rapport se fonde sur un certain nombre de constats partagés, à tout le moins sur le fait que si la préoccupation du développement durable a progressivement été intégrée dans les textes et ce, notamment sous la pression du mouvement social et associatif, la pratique n'est pas encore suffisante.

Nos divergences portent en particulier sur le degré de prise en compte du développement durable. J'estime, pour ma part, que le cadre actuel du libre-échange ne permet pas d'aller au-delà d'une inscription formelle dans les textes des accords commerciaux, hormis quelques mesures susceptibles de constituer des leviers d'action en faveur de l'intervention des ONG. Cela ne saurait suffire pour permettre une prise en compte effective du développement durable. Nous nous trouvons donc face à une divergence politique fondamentale, qui reflète deux visions du monde opposées, ainsi que le montrent les interventions de nos collègues Jean-Louis Bourlanges et Caroline Janvier : le libre-échange, horizon indépassable de l'humanité, pourvoyeur d'emplois et bienfaiteur, y compris de la classe ouvrière est fondé sur une théorie économique du XIXe siècle, qui a inspiré les politiques mises en oeuvre par les États européens. Dès l'origine, ces politiques ont cependant fait l'objet de contestations. S'agissant de leurs prétendus bienfaits, je tiens à rappeler que le libre-échange s'est appuyé sur l'exploitation de territoires et de populations, dépossédées de leurs ressources, qui ont subi l'expropriation, y compris par la violence. À l'heure actuelle, la division internationale du travail et l'approvisionnement de l'Union européenne en ressources rares dont elle est dépourvue, extraites dans des pays du Sud et notamment en Afrique, sont le résultat d'une telle conception du commerce international. Nous pourrions poursuivre le débat, passionnant sur les bienfaits du libre-échange, y compris pour la classe ouvrière en Europe mais cela nous éloignerait du cadre du rapport. La classe ouvrière européenne en a néanmoins payé le prix, parfois de manière extrêmement violente.

Pour le courant que je représente, il est nécessaire désormais de mettre en place un protectionnisme solidaire qui prendrait véritablement en compte le développement durable, de manière globale et systémique, en le faisant primer sur l'impératif commercial. Cette approche ne se résume pas à une position de telle ou telle formation politique ; elle s'inscrit à l'inverse dans une longue tradition qui a contribué à inscrire la question du développement durable au centre de débats politiques initialement portés par les premiers courants écologistes. Ces questions sont désormais au coeur de débats qui traversent largement la société, et notamment s'agissant du développement d'un modèle économique alternatif, de la relocalisation. Il n'est donc pas juste de les réduire à une référence au Rassemblement national, dont l'intérêt en la matière me semble être de pur opportunisme.

Je terminerai mon propos en répondant plus précisément à la question sur l'accord économique et commercial global avec le Canada, le CETA. Le rapport rappelle que cet accord comprend des mécanismes visant à améliorer la prise en compte du développement durable, et notamment la réalisation d'une étude d'impact, laquelle a été effectivement effectuée à la demande du Gouvernement français, au demeurant après les négociations. Ces dispositifs ne sont pas exempts de critiques, y compris sur l'évaluation qui constitue l'un des enjeux de nos débats. Ainsi que l'ont souligné des associations, cette étude d'impact réalisée par la commission Schubert a mis en relief une série de conséquences négatives en matière d'environnement. Cela figure en annexe du rapport. Je vous renvoie également sur ce point à l'analyse de l'Institut Veblen et de la fondation Nicolas Hulot. Or, il n'en a pas été tenu compte. Il existe donc un décalage entre l'affirmation de la prise en compte du développement durable et la réalité. Notre rapport essaie de rendre compte d'une telle contradiction. Cela est encore plus criant s'agissant de l'Accord avec le MERCOSUR.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie à mon tour pour l'ensemble des remarques et interventions. Je souhaite tout d'abord remettre en perspective le cadre du rapport. À l'issue des auditions qui se sont déroulées à Paris, Bruxelles et Brasilia, l'objectif était de dresser un état des lieux du libre-échange européen, d'en relever les insuffisances et de formuler des recommandations. Celles-ci ne s'inscrivent pas dans le maximalisme que semblait laisser entendre Jean-Louis Bourlanges. Nous estimons au contraire qu'« il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain ». Notre constat partagé est celui d'un effort, qu'il convient désormais de poursuivre et d'amplifier.

Ayant expressément indiqué que la France est bien placée dans la défense de l'environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique, les membres de la Commission de l'environnement de la Chambre des Députés du Congrès du Brésil ont d'ailleurs souhaité que nous soyons leurs porte-parole auprès du Gouvernement français afin d'aider leur pays à mettre en oeuvre effectivement l'Accord de Paris. Je considère donc que nous avons progressé même si cette avancée n'est pas totalement satisfaisante en matière de développement durable. Ainsi que l'a rappelé Liliana Tanguy, l'on peut en définitive se réjouir de l'engagement de la France dans la bonne direction en vue de placer l'Accord de Paris au coeur des accords commerciaux de l'Union européenne.

Pour répondre au président Chassaigne concernant la faisabilité des contrôles des produits qui vont entrer en France, il convient de rappeler que les contrôles ont désormais lieu, pour l'essentiel, aux frontières extérieures de l'Union : si la viande entre en France depuis Rotterdam, il n'y a pas, en principe, de contrôle aux frontières françaises avant son arrivée à Paris. Toutefois, je précise que la douane et les services vétérinaires ont toujours la possibilité d'inspecter des produits, même en provenance d'un autre État-membre.

Sur la question de M. Anglade sur le procureur commercial européen, c'est une proposition que nous n'avons pas retenue car elle n'a pas prospéré au niveau européen. Elle est en effet très difficile à mettre en oeuvre en pratique. On peut se demander comment un procureur européen pourrait avoir des pouvoirs d'enquête dans les pays étrangers et pourquoi ceux-ci l'accepteraient.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle est selon vous la place du numérique dans cette notion de développement durable issue, comme vous l'avez rappelé, du rapport Brundtland ? Avez-vous abordé le sujet ou pourrait-il constituer un sujet à part ? Aujourd'hui, il me semble essentiel de pouvoir concilier développement durable et numérique parce que le numérique est la condition du développement durable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le sujet du rapport n'était pas tant la notion du développement durable que le développement durable dans la politique commerciale européenne. Pour autant, il existe une conception « techniciste » du développement durable qui mériterait d'être analysée de manière plus approfondie mais ce serait l'objet d'un rapport à part entière, comme d'ailleurs la place du numérique dans le développement durable.

À l'issue de ce débat, la Commission a autorisé la publication du rapport.

II. Communication de MM. Alexandre Freschi et André Chassaigne sur le suivi des négociations de la Politique agricole commune

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes heureux, M. André Chassaigne et moi-même, de vous livrer le fruit d'un travail qui poursuit celui que nous avons entamé il y a un peu plus d'un an. Cette communication porte sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC). Je souhaite commencer par rappeler ce qui avait été proposé par la Commission européenne concernant la PAC pour la période 2021-2027, le 1er juin 2018. Nous avions alors, dès le mois de juillet 2018, présenté une résolution européenne relative à la non-conformité de ces propositions au principe de subsidiarité, et adoptée par l'Assemblée nationale le 25 août dernier.

En introduction, je ferai un bref rappel des propositions de la Commission européenne pour la PAC post-2020, qui peuvent être résumées en quatre mesures :

- d'abord, une réduction 15 % du budget, en termes réels. La PAC absorberait ainsi 28,5 % des crédits de l'Union européenne pour la période 2021-2027, contre 36 % aujourd'hui ; rappelons que la PAC représentait dans les années 1970 plus de 70 % du budget européen ;

- deuxième mesure, la mise en place de « plans stratégiques » définis par les États membres et contrôlés par la Commission, dans lesquels les États exposeraient la manière dont ils proposent d'atteindre les objectifs généraux de la PAC ;

- troisième mesure, la Commission propose également une réduction des paiements directs à partir de 60 000 euros et un plafonnement obligatoire pour les paiements supérieurs à 100 000 euros.

Ensuite, concernant le respect de l'environnement, la Commission propose la suppression de l'actuel procédé de verdissement pour le remplacer par trois nouveaux dispositifs. D'abord, un nouveau système de conditionnalité, dite « renforcée », établira un lien entre toutes les aides au revenu et la mise en oeuvre de pratiques agricoles respectueuses du climat. Les États devront également financer dans leurs plans stratégiques un programme écologique (ou « éco-programme ») au sein du premier pilier. Enfin, les États seront tenus de consacrer au moins 30 % de leur budget de développement rural (2e pilier) à des mesures de promotion de l'environnement et du climat.

L'objet de notre communication sera triple. Il s'agira d'abord de vous faire un court état des lieux des négociations en cours, et notamment un bilan de la Présidence roumaine qui s'est achevée. Nous ferons ensuite un point sur la question de l'agriculture biologique dans l'Union européenne, avec l'exemple de l'Autriche où nous nous sommes rendus le mois dernier. Enfin, nous tenterons de dessiner ce que nous pensons être les enjeux principaux du nouveau cycle de négociations qui va s'ouvrir sur la PAC.

Je commencerai donc par un bref état des lieux des négociations. La PAC étant soumise à la procédure de codécision, le Parlement européen et le Conseil ont débattu des propositions de la Commission européenne que je viens de rappeler. Les discussions au Parlement européen sont pour l'instant au stade de la commission Agriculture. Cette prise de position s'est faite par l'intermédiaire du rapport de Mme Esther Herranz Garcia, voté en mars dernier, sur les plans stratégiques. Ce rapport met en avant plusieurs éléments clé. D'abord, il demande le maintien du budget de la PAC. Ensuite, il met en avant une inquiétude quant au risque d'une subsidiarité trop importante, évoquant, je cite, le « redoutable spectre de la renationalisation ». La rapporteure critique le modèle des « plans stratégiques » qui complexifierait en réalité la gestion de la PAC, et propose donc de décaler la mise en place des plans stratégiques à 2023.

Le rapport demande à ce que 20 % du premier pilier soit consacré aux nouveau « éco-programmes » et 30 % du deuxième pilier à des objectifs environnementaux. Le rapport est en accord avec la proposition d'un plafonnement des aides directes à 100 000 euros. Ce plafonnement est toutefois artificiel, puisqu'il est rehaussé de l'aide aux éco-programmes, aux jeunes agriculteurs et de 50 % des salaires. Le plafonnement est donc, en réalité, beaucoup plus élevé et ne touche qu'un très faible nombre d'exploitations européennes. La rapporteure demande enfin de clarifier certaines définitions notamment celles de « d'agriculteur actif », de « nouveaux agriculteurs » et de « prairies permanentes », qui font défaut dans la proposition de la Commission.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les élections européennes ont bien entendu rebattu les cartes : on ne sait pas si la nouvelle Assemblée va décider de reprendre les travaux là où l'ancienne les a laissés ou si tout va être recommencé. Concernant la Commission Agriculture, je rappelle que 46 sièges sont à pourvoir. Compte tenu de la répartition potentielle des groupes, le PPE, le PSE et les Libéraux devraient pouvoir continuer à mener les débats. Il est toutefois probable, compte tenu du résultat des élections, que la Commission parlementaire chargé de l'environnement veuille jouer un rôle important dans la négociation de la nouvelle PAC. Enfin, il faut mentionner le fait que Mateo Salvini a annoncé son intention que l'Italie puisse prétendre au portefeuille agricole au sein de la future Commission européenne, ce qui n'a pas été le cas depuis 1972.

Nous pouvons en venir à présent aux positions du Conseil, qui, quant à lui, n'a pas pris aussi clairement position. La Présidence roumaine, qui a débuté en janvier et s'est achevée fin juin, s'était donnée pour objectif de dégager une « orientation générale partielle ». Toutefois, lors de la réunion informelle du 4 juin à Bucarest, les ministres de l'Agriculture ont déclaré qu'ils ne parviendront pas, avant l'été, à une position commune, même partielle. La Présidence roumaine l'a elle-même admis. En effet, plusieurs points majeurs bloquent la négociation.

D'abord, certains États membres, notamment la France, l'Allemagne et l'Espagne, refusent de donner leur accord sur un texte, même incomplet, sans visibilité sur l'enveloppe budgétaire allouée à la future PAC. Or, sur ce sujet, rien n'est tranché. Lors de la réunion des Ministres chargés des affaires européennes en avril dernier, le Commissaire européen au budget a appelé, je cite, les « amis de la PAC » à accepter une légère diminution. La Suède, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark constituent les États les plus opposés à un maintien des crédits de la PAC.

Les éco-programmes du premier pilier sont également source de fortes oppositions. En effet, certains États craignent la redondance avec les mesures agro-environnementales du 2e pilier (c'est le cas de l'Italie, la Pologne et la Bulgarie).

Concernant la conditionnalité environnementale de toutes les aides de la PAC, la France, l'Espagne et l'Allemagne souhaitent la maintenir au niveau proposé par la Commission, alors que d'autres demandent de supprimer plusieurs exigences de base. Cette conditionnalité pose également problème en termes de contrôle, notamment en ce qui concerne les petits agriculteurs, c'est-à-dire ceux qui ont moins de 2 000 euros d'aides annuelles.

Le débat de la convergence externe revient aussi régulièrement. En effet, sur le premier pilier, il y a un débat sur le partage des aides entre les États membres. Celles-ci sont plus faibles dans certains États, notamment à l'Est, et ces États réclament l'égalité. À l'inverse, l'Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas estiment que cette convergence ne serait pas juste dans la mesure où les revenus et les coûts des facteurs de production ne sont pas identiques dans toute l'Union.

Le sujet du plafonnement des aides au-delà de 100 000 euros a suscité, lui aussi, des divergences d'appréciation. La Slovaquie, tout comme l'Allemagne, la Roumanie, la République tchèque et l'Estonie, s'y sont opposés, étant potentiellement les plus touchés par cette mesure. En effet, plus de 80 % des aides directes vont aux 20 % des exploitations les plus importantes. Les exploitations moyennes et grandes représentent 16 % des exploitations de l'Union européenne à 28. Les plus grandes surfaces agricoles par exploitation en moyenne se situent en République Tchèque (130 ha), au Royaume-Uni (90 ha) et en Slovaquie (80 ha), mais il faut savoir que certaines exploitations représentent plusieurs centaines voire milliers d'hectares.

Lors du dernier Conseil, qui a eu lieu le 18 juin dernier, les ministres européens de l'agriculture ont indiqué qu'il restait encore beaucoup de travail avant de trouver une position commune. Plusieurs États, dont la France et l'Allemagne, ainsi que le Commissaire Phil Hogan, ont toutefois indiqué que des reculs sur l'ambition environnementale ne seraient pas acceptables. La Présidence roumaine s'est contentée de présenter un « rapport d'avancement », bien loin de son ambition initiale. La Présidence finlandaise a commencé le 1er juillet dernier.

Voilà pour ce qui concerne la position des États membres. J'ai eu la chance, en mars dernier, d'effectuer un déplacement à Bucarest, avec notre collègue Jean-Baptiste Moreau, membre de la Commission des affaires économiques, pour assister à une conférence interparlementaire qui nous a permis d'avoir plus d'informations sur la position des Parlements des États membres. Alexandre Freschi a également participé à une conférence interparlementaire en Croatie, et les débats ont globalement tourné autour des mêmes enjeux.

Plusieurs défis ont été soulevés lors des échanges, faisant bien entendu écho aux débats du Parlement européen et du Conseil. D'abord, la diminution du budget est rejetée par de nombreux États au motif qu'on ne peut pas faire mieux avec moins. Ensuite, le défi de la simplification : les syndicats ont insisté sur le fait que cet objectif ne devait pas seulement profiter aux administrations, mais aussi aux agriculteurs.

Le troisième défi est constitué par les enjeux de la flexibilité et de la mesure de la performance : plusieurs États ont souligné le risque de distorsion de concurrence entre les économies européennes.

Enfin, l'enjeu du renouvellement générationnel des agriculteurs est toujours revenu comme une problématique centrale, dans un contexte où les plus grandes exploitations reçoivent toujours une majorité des aides directes, et où mille fermiers disparaissent chaque jour en Europe.

Avec Jean-Baptiste Moreau à Bucarest, comme Alexandre Freschi à Zagreb, nous avons insisté sur trois points principaux. D'abord, la défense d'une PAC qui protège les exploitations à taille humaine, passant par un véritable plafonnement des aides et une définition précise et consensuelle de ce que l'on entend par « petite exploitation ». Ensuite, la définition d'une véritable ambition agro-écologique à l'échelle européenne. Enfin, la préservation d'une politique agricole véritablement commune. Je précise qu'avec Jean-Baptiste Moreau et Alexandre Freschi, nous avons les mêmes analyses pour défendre les orientations de la France.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'en viens à la question de l'agriculture biologique, qui reste une composante majeure dans la transition agro-environnementale qu'il faut initier.

En 2017, 12,5 millions d'hectares étaient cultivés biologiquement ou sont en cours de conversion dans l'Union européenne, soit 7 % des terres agricoles, représentant deux millions et demi d'hectares de plus par rapport à 2012. C'est l'Autriche qui possède la plus forte part de terres cultivées biologiquement, avec près de 25 % de sa surface agricole utile. À l'opposé, Malte figure en dernière position, avec seulement 0,4 %. La France, quant à elle, compte 7,5 % de sa surface agricole utile en culture biologique. Selon l'Agence bio, l'année 2018 a été une « année record » pour le bio en France, puisque 5 000 exploitations se sont converties. Désormais, 10 % des agriculteurs français pratiquent l'agriculture biologique.

Nous avons donc choisi d'effectuer un déplacement en Autriche, champion européen de l'agriculture biologique, afin de mesurer les spécificités de la politique qui y est menée en la matière. L'Autriche a des points majeurs de différence avec la France, en particulier sa surface agricole utile, qui est près de dix fois inférieure à celle de la France, ainsi que la prédominance d'exploitations familiales. Toutefois, les points de similitudes sont nombreux : la part de l'agriculture dans le PIB et surtout la présence importante de zones montagneuses, c'est-à-dire d'une agriculture soumise à des handicaps naturels (60 % du territoire autrichien est recouvert par les Alpes). Le même phénomène de concentration des exploitations est également constaté. L'Autriche est un allié important et traditionnel de la France dans les négociations sur la PAC, même si elle semble particulièrement attachée au deuxième pilier, qui rassemble 60 % des aides de la PAC.

Concernant l'agriculture biologique, plusieurs constats nous ont frappés. L'Autriche se définit comme le coeur de la « ceinture verte » de l'Europe, et a ainsi pris très tôt des initiatives sur ce sujet, dès les années 1980, en fixant dans son code alimentaire des lignes directrices sur la production biologique. Il ne s'agit pas de dispositions contraignantes mais de conseils d'experts adressés au Ministère. Cette « soft law » a permis de commencer à faire connaître très tôt le bio en Autriche.

Il est intéressant de constater aussi que l'Autriche ne propose pas d'aide à la conversion, mais seulement des aides au maintien en agriculture biologique (contrairement à la France qui favorise désormais la conversion).

Toutefois, le « bio » est vu, non pas comme un objectif en soi, mais comme un facteur d'élévation des critères de durabilité dans l'ensemble de l'agriculture. En effet, il nous a été montré que le marché du bio est nécessairement contraint, et que toute l'agriculture n'a pas vocation à être labellisée, sans quoi la plus-value en termes de revenu sera nécessairement diminuée. Mais le bio doit servir d'aiguillon pour accroître la durabilité de toutes les agricultures. Le même problème est constaté ailleurs, notamment au Danemark où nous nous sommes rendus l'année dernière, et qui avait aussi fait le choix d'une massification de l'agriculture biologique.

Nos interlocuteurs nous ont également fait comprendre que l'agriculture biologique allait forcément « plafonner », dans la mesure où le marché autrichien était déjà saturé. L'agriculture biologique pose également la question de son exportation, celle-ci ayant nécessairement un impact négatif sur l'environnement. L'Autriche exporte environ 65 % de sa production biologique, surtout vers l'Allemagne et l'Italie, ce qui constitue une contradiction avec l'enjeu de durabilité. Par ailleurs, la France importe 31 % de ses produits biologiques en moyenne, et en particulier 57 % de ses fruits.

Nos interlocuteurs se sont également montrés très intéressés par l'idée, développée dans notre rapport, de créer un Observatoire européen des prix et des marges, afin notamment de mesurer la prédominance des grandes surfaces dans le processus de formation des prix, y compris en ce qui concerne l'agriculture biologique. En effet, l'Autriche connaît également cette problématique, dans la mesure où les trois plus grandes surfaces détiennent 86 % du marché. Mais il nous a également été précisé que la grande distribution a été en partie à l'initiative de la transformation vers le bio, ce qui nous fait penser qu'il est nécessaire que tous les acteurs de la chaîne industrielle soient impliqués dans ce mouvement, ce qui n'est pas suffisamment le cas en France.

Notre déplacement a également été l'occasion de constater qu'il manque sans doute en France un organisme public permettant de faire la promotion des produits issus de l'agriculture biologique et de garantir la qualité des produits labellisés. En Autriche, cet organisme est une branche spécialisée de l'organisme payeur des aides de la PAC, c'est-à-dire l'équivalent de l'Agence de service et de paiement française.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En conclusion, nous pouvons tirer de notre travail de suivi plusieurs enseignements.

D'abord, l'idée qu'il ne faut pas opposer les modèles, qui est très importante pour nous. L'agriculture conventionnelle doit également avoir pour objectif de protéger l'environnement avec des productions de qualité, sans pour autant viser nécessairement une labellisation en agriculture biologique. Le bio doit tirer vers le haut l'ensemble de la production agricole. De plus, nous considérons que le bio n'est pas seulement un mode de production, mais que derrière le logo « AB » il doit y avoir une démarche sociétale globale, en lien avec les grands cycles naturels. C'est tout l'enjeu des négociations en cours sur les modalités du nouveau « verdissement » de la PAC, notamment au sein du premier pilier !

Ensuite, les critères du bio peuvent eux-mêmes être améliorés. Nous voulions attirer votre attention sur le récent règlement européen du 30 mai 2018. Celui-ci pose en effet les bases d'une nouvelle définition du « bio ». Les actes d'application restent à être adoptés, pour une entrée en vigueur en janvier 2021. Nous sommes en effet dans un contexte où le marché du bio bat des records partout en Europe. Le chiffre d'affaires des grandes surfaces françaises lié au bio a plus que doublé entre 2011 et 2018.

Le bio n'est désormais plus une « niche » mais fait face au risque de son « industrialisation », ce que pointent déjà certains syndicats et associations, en particulier la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB), qui a notamment publié une « Charte des valeurs des productrices et producteurs bio » dès avril 2016, pour faire face aux dérives anticipées du bio, et a lancé une pétition contre le chauffage des serres en agriculture biologique, qui a déjà récolté près de 80 000 signatures.

Plusieurs questions ont été soulevées, notamment le chauffage des serres pour les cultures maraîchères biologiques, l'épandage d'effluents d'élevage pour fertiliser les champs bio ou encore la taille des élevages de poules pondeuses. Une étude du mois dernier de l'association « 60 millions de consommateurs » montre ainsi que, sur 130 produits analysés, certains oeufs et produits laitiers contiendraient plus de polluants en agriculture biologique qu'en conventionnel. La nouvelle définition européenne du bio ne met donc aucun garde-fou pour lutter contre l'industrialisation des cultures et des élevages biologiques. Une attention toute particulière devra donc être portée sur ce sujet.

Enfin, je conclurai par quelques enseignements sur l'avenir des négociations européennes. La position française visant à ne pas se prononcer avant la définition du budget de la PAC nous paraît être la bonne, tout en commençant à négocier sur les contours que prendra le futur « verdissement ».

Il nous paraît également important, pour arriver à un consensus, d'entendre les critiques formulées par certains États, en particulier à l'encontre des aides du premier pilier. Ainsi, les paiements directs peuvent être rendus plus efficaces, notamment pour la transition agroenvironnementale, et ce serait tout l'objet des éco-programmes.

Ensuite, la France doit selon nous défendre trois autres axes majeurs : d'abord, un meilleur ciblage des aides vers les jeunes agriculteurs. En effet, l'enjeu du renouvellement générationnel des agriculteurs nous paraît être absolument central. Il faut également défendre la création d'un mécanisme assurantiel plus efficient qui permette aux agriculteurs de ne pas être exposés aux aléas du marché et de défendre une véritable souveraineté alimentaire. Enfin, un plafonnement doit être mis en place, au service de l'équité dans la distribution des aides.

Ce sont là, selon nous, les conditions pour maintenir et renforcer ce qui est probablement l'une des politiques les plus emblématiques et les plus efficaces de l'Union européenne. Nous espérons que vous trouverez ce rapport globalement positif.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les négociations du CFP vont être très importantes pour l'avenir de la PAC. Lors de nos réunions, comme celles de la COSAC, on sent bien les positions respectives des différents Etats-membres à propos de la PAC. À propos du bio, il est en effet nécessaire d'améliorer les critères. Alexandre Freschi a souligné le fait que la grande distribution a fortement participé au développement du bio : cela signifie aussi que le consommateur a fait pression en faveur du développement de cette filière.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous nous trouvons dans une période de bouleversements dans tous les domaines : évolutions climatiques, numériques, technologiques… Par ailleurs le budget européen n'est pas en croissance. Comment concilier toutes ces contraintes avec la nécessité de faire évoluer notre agriculture, qui est une question d'autonomie et de souveraineté alimentaire ? Comment peut-on faire en sorte qu'il n'y ait pas une concurrence budgétaire entre la PAC et les investissements en faveur des nouvelles technologies ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La question est pertinente. Il y a à la fois la crainte que le nombre d'agriculteurs en France baisse ces prochaines années et la nécessaire prise en considération des évolutions technologiques, qui peuvent rendre le métier plus facile et plus attractif. Le dispositif « FarmTech » invite à réfléchir sur la manière la plus adaptée d'intégrer les outils technologiques dans la production agricole.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La PAC me semble extrêmement prioritaire. La PAC est historiquement la première politique européenne. L'agriculture est un bien commun de l'humanité et donc un bien commun de la population européenne. Notre objectif c'est de nous battre pour que le budget agricole reste le plus élevé possible.

Les évolutions technologiques concernent aussi l'agriculture : il s'agira de suivre l'impact que peuvent avoir les évolutions agronomiques sur les modes de culture. Certains outils seront aussi utilisés pour permettre que l'agriculture soit plus respectueuse de l'environnement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez assisté à des réunions interparlementaires sur la politique agricole : comment avez-vous ressenti les choses ? Les rencontres permettent de repérer les députés actifs, qui représentent le point de vue de leur pays. Quels pays ont été les plus en pointe au sujet de la hausse ou de la baisse des moyens dévolus à la PAC ?

Vous avez également parlé de simplification. Les syndicats agricoles ont beaucoup complexifié la PAC. Il faudrait peut-être aussi évoquer ces sujets avec eux. Enfin, nous avons parlé des accords de libre-échange et notamment du monde agricole. N'y a-t-il pas un risque que les accords de libre-échange et la PAC soient opposés ? Aujourd'hui l'Europe aide, accompagne, essaie de développer une nouvelle agriculture, et en parallèle elle conclut des accords où le monde agricole notamment français se sent attaqué. N'y a-t-il pas un paradoxe ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce qui est intéressant c'est qu'il y a beaucoup de liens entre le sujet traité par nos collègues sur le libre-échange, qui fait écho à ce qui se passe avec le MERCOSUR, et l'avenir de l'agriculture en Europe. Est-ce que l'Europe est prête à avoir une agriculture à la fois plus vertueuse, plus productive et susceptible de devenir un modèle face à nos concurrents mondiaux ?

Le sujet des OGM n'a pas été évoqué ce matin. Or le MERCOSUR laisse la porte ouverte à l'introduction de plantes OGM en Europe.

S'agissant de la future PAC, je m'interroge sur le modèle agro-environnemental européen. Donner des aides à la conversion pour le bio, cela peut être utile, mais le bio utilise encore des produits phytosanitaires homologués. Pour 80 % de terres agricoles qui sont l'immense majorité des cultures en Europe : ne faut-il pas se poser la question de l'aide à la transformation de l'agriculture de conservation ? Il y a plusieurs problèmes à régler : la qualité agronomique de nos sols, les problèmes d'érosion, de fertilisation, et surtout d'infiltration.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lors des conférences interparlementaires, nous avons eu des échanges importants, notamment avec la Roumanie. Deux divergences avec la Roumanie sont apparues sur la convergence et le plafonnement. Avec l'accord de la présidente, je souhaiterais écrire une note à l'attention de notre collègue roumain pour montrer que les divergences peuvent être réduites à condition d'expliquer ce que sont le plafonnement et les difficultés liées à la convergence externe. Il faut s'expliquer là-dessus en toute franchise. Ensuite, la priorité pour l'agriculture française c'est d'aller vers la labellisation, vers la recherche de la qualité au sens large, sans se limiter à l'agriculture biologique. C'est de cette façon que nous maintiendrons notre agriculture.

III. Communication de M. Pieyre-Alexandre Anglade sur la lutte contre la désinformation

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Un peu plus d'un mois après les élections européennes, je souhaitais profiter de cette communication pour revenir avec vous sur l'un des grands enjeux politiques de ce scrutin, à savoir la lutte contre la manipulation de l'information en période électorale.

Pour prendre toute la mesure de cet enjeu, je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler le contexte des élections européennes. Comme vous le savez, ces élections européennes faisaient suite à une législature marquée par une crise migratoire, le Brexit bien évidemment, et plus globalement une impasse politique, marquée par l'absence de dirigeants nourrissant une véritable vision pour l'Union. Les attentes des citoyens européens étaient donc grandes, ce qui s'est d'ailleurs ressenti dans les taux de participation enregistrés dans toute l'Europe. Ces élections européennes succédaient aussi à un certain nombre de scrutins qui avaient fait l'objet de campagnes de désinformation. Sur ce point, les exemples ne manquent pas, que ce soit aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Catalogne ou bien évidemment en France. La méfiance était donc de mise à l'approche de ce scrutin qui, dans son mode d'organisation même, comportait de vrais risques en matière de sécurité. Rappelons qu'il s'agissait d'une accumulation de vingt-huit scrutins nationaux, soit autant de fenêtres de tir pour la dissémination de fausses informations. Rappelons également que la méconnaissance de certains citoyens sur ce que fait et ce qu'est l'Union européenne constituait un terreau favorable à leur propagation.

Dès lors, pour bien prendre la mesure des risques de désinformation et de déstabilisation des scrutins nationaux, deux types de réponses ont pu être donnés :

- une réponse réglementaire, privilégiée par certains États membres dont la France, la Suède, l'Italie et l'Allemagne ;

- une réponse plus incitative, apparentée à l'autorégulation, privilégiée par les institutions européennes.

En France, vous le savez, nous avons voté un texte qui s'attaque à la diffusion massive et rapide des fausses nouvelles en période électorale, en nous concentrant sur les tuyaux de propagation que sont les réseaux sociaux et les médias sous influence d'un État étranger. Parmi les mesures phares de cette loi, citons l'obligation de transparence pour les plateformes, qui doivent désormais signaler les contenus sponsorisés en publiant le nom de leur auteur et la somme payée, et la création d'une action judiciaire en référé pour pouvoir faire cesser rapidement la circulation de « fake news ».

À l'issue des élections européennes, l'on peut dire que le bilan de l'application de la loi est positif. C'est dans un esprit de conformité avec cette loi, par exemple, que certaines plateformes comme Twitter ont offert à leurs utilisateurs la possibilité de signaler des contenus qui s'apparentent à des fausses nouvelles. Cette loi a par ailleurs permis de favoriser une plus grande transparence relative aux montants dépensés pour publier des publicités sur les réseaux.

Seule ombre au tableau, les problèmes rencontrés par certaines plateformes dans l'appréhension des publicités d'appel au vote. Ce problème particulier de conformité peut s'expliquer par une différence d'approche culturelle, pour des opérateurs basés originellement aux États-Unis, là où les publicités d'appel au vote sont toujours considérées comme non neutres et donc passibles d'une forme de censure – quel qu'en soit l'émetteur. Cette différence d'appréhension de la neutralité entre le législateur français et des opérateurs de plateforme de culture américaine peut notamment expliquer pourquoi des campagnes d'appel au vote, lancées par exemple par le Gouvernement et Greenpeace, se sont retrouvées censurées en France.

Cette ombre au tableau me laisse penser que les plateformes doivent être accompagnées dans l'application de la loi. Je salue à ce titre les lignes directrices que propose le CSA à ce sujet, pour éviter de tomber dans l'écueil de la suppression préventive d'un trop grand nombre de contenus. Globalement, l'application de cette loi et la mise en conformité des acteurs du numérique avec ses dispositions ont été positives.

J'ai par ailleurs reçu confirmation lors de mes auditions que le scrutin électoral du 26 mai s'est déroulé sans incident dans notre pays. Aucune attaque informatique visant à affecter la disponibilité des systèmes d'information ou à altérer la confidentialité etou l'intégrité des données liées au vote n'a été décelée par les dispositifs de supervision.

S'agissant de la stratégie des institutions européennes face aux campagnes de désinformation en période électorale, priorité a été donnée à l'accompagnement des plateformes dans une démarche proche de l'autorégulation.

C'est dans cette logique que la Commission européenne a mis en place un code de bonnes pratiques à destination des plateformes en avril 2018, afin que ces dernières intensifient leurs efforts dans la lutte contre la désinformation en ligne. Ce code vise essentiellement à contrôler les placements de publicité et à garantir la transparence des contenus sponsorisés, en particulier dans le domaine de la publicité à caractère politique. Or plus d'un an après l'entrée en vigueur de ce code de bonnes pratiques, il s'avère que le bilan est plus que nuancé.

Certes, les plateformes ont su couper les sources de revenu des éditeurs de « fake news ». C'est notamment le cas de Google, qui affirme avoir bloqué l'accès à sa régie publicitaire à 320 000 éditeurs de publicités malveillantes. Je note aussi avec beaucoup d'intérêt les efforts des services de messagerie cryptée pour endiguer la diffusion de fausses informations. À titre d'exemple, le nombre maximal de personnes pouvant participer aux boucles Whatsapp a été réduit. De plus, il n'est plus possible de partager de contenus à plus de 5 groupes. C'est ce genre de mesure responsable et proportionnée qui permet d'éviter de faire des messageries sécurisées le nouveau vecteur de désinformation de la société.

Mais dans l'ensemble, la Commission a émis de nombreuses réserves quant à la bonne volonté et, surtout, à la transparence des plateformes dans la mise en oeuvre de ce code de bonnes pratiques.

En mars dernier, la Commission dénonçait le peu d'efforts consentis par ces plateformes pour fournir des informations fiables quant aux contenus sponsorisés à des fins politiques et aux placements de publicité hébergés en leur sein. La Commission reprochait en particulier à Facebook de ne pas avoir fait rapport des résultats de ses activités en matière de surveillance du placement de publicités et de ne pas avoir divulgué le nombre de faux comptes supprimés à cause d'activités malveillantes ciblant principalement l'Union européenne. Dans le même temps, Twitter a aussi fait l'objet de critiques pour le manque de données montrant son engagement à améliorer la surveillance des placements publicitaires.

À l'issue des élections européennes, la Commission a regretté une nouvelle fois le manque général de transparence des plateformes, l'absence de détail dans les informations fournies pour identifier les acteurs malveillants et les États membres ciblés, la faiblesse de leur coopération avec les vérificateurs de faits et le peu de moyens mis à disposition des utilisateurs pour leur permettre de détecter la désinformation en ligne. L'on est donc en droit de considérer que cette opacité illustre les limites de l'autorégulation appliquée au numérique, mais surtout qu'elle contrevient au droit à une information fiable et éclairée dont tous les citoyens européens devraient bénéficier.

Comme vous pouvez vous en douter, pendant que les plateformes peinent à se conformer au code de bonnes pratiques, les campagnes coordonnées de désinformation continuent d'être diffusées sur notre continent, si l'on en croit la communication de la Commission européenne et de la Haute représentante du 14 juin, justement consacrée à la mise en oeuvre du plan d'action contre la désinformation.

Il est notamment indiqué dans cette communication que plus de 600 groupes et pages Facebook opérant en France, en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni, en Pologne et en Espagne auraient diffusé des campagnes de désinformation, des discours de haine ou utilisé de faux profils pour promouvoir artificiellement les idées de partis qu'ils soutenaient. Ces pages ont généré 763 millions de vues. J'ajoute également que les représentants de Facebook n'ont pas su nous donner le détail de ces campagnes de désinformation en termes d'impact sur notre territoire.

Mais les manquements des plateformes au code de bonnes pratiques lancé par la Commission ne sont les seuls signaux faibles dans cette lutte contre la désinformation en ligne à l'échelle européenne.

L'Union européenne fait aussi face à des faiblesses structurelles en matière de collaboration entre les États membres. Les interlocuteurs des réseaux de lutte contre les cyber-attaques et la manipulation de l'information ont encore du mal à se connaître et à s'identifier, tant la nature et l'origine des points de contact diffèrent entre chaque États membres – certains envoient des représentants de leur ministère de l'Intérieur, d'autres de la Justice, ou d'autres encore des représentants des Affaires étrangères, ce qui montre que l'approche n'est pas la même d'un État membre à l'autre.

Une solution consisterait à créer un réseau européen d'Ambassadeurs pour le numérique susceptible de coordonner les différents aspects de protection des scrutins électoraux. Mais il n'existe à ce jour que six Ambassadeurs pour le numérique dans toute l'Union européenne, ce qui ne permet pas encore de constituer un réseau intégré et efficient.

La Commission rendra compte, avant la fin de l'année, de la mise en oeuvre de son « paquet électoral » et évaluera l'efficacité du code de bonnes pratiques. Je pense qu'il faudra alors décider d'aller plus loin.

Déjà, l'agence européenne de cybersécurité (l'ENISA) encourage l'Union européenne à adopter une réglementation propre. Je pense que c'est inévitable. La réponse à la désinformation ne peut s'arrêter aux frontières nationales, compte tenu de la dimension continentale du problème et des difficultés structurelles de collaboration entre les États membres à ce niveau. Les fausses informations, problème global par essence, doivent faire l'objet d'une réponse européenne commune. Par ailleurs, pour remédier aux problèmes de collaboration entre les États membres dans la coordination des différents aspects de la protection des scrutins électoraux, je pense que les institutions européennes gagneraient à explorer l'idée d'une Agence européenne de protection des démocraties, suggérée par le Président de la République et susceptible de fournir des experts européens à chaque État membre pour protéger son processus électoral contre les cyberattaques et les manipulations.

Enfin, je profite de cette communication pour relayer la démarche initiée par la désormais ex députée européenne néerlandaise Marietje Schaake sur la mise en place d'une commission parlementaire paneuropéenne, composée de députés européens et de députés nationaux, compétente pour évaluer l'impact des plateformes numériques sur le fonctionnement de nos démocraties et pour assurer le suivi des actions de lutte contre la manipulation de l'information, à l'échelle européenne comme à l'échelle des États membres.

La coopération entre les parlementaires européens et les parlementaires nationaux est absolument fondamentale. La capacité à avancer sur les sujets communs est nécessaire, comme on le voit sur les accords commerciaux.

Les dernières élections européennes l'ont largement démontré : l'Europe dans laquelle nous vivons est interdépendante, et une véritable opinion publique européenne est en train d'émerger. Nous avons donc plus que jamais notre mot à dire sur la capacité des États membres à protéger les processus démocratiques, et sur les actions menées dans ce sens par tous les acteurs du numérique. L'objectif est à mon sens aussi crucial que rassembleur : il s'agit de ne pas céder à la manipulation des peuples à grande échelle.

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

l Textes actés

Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø Fiscalité

- Proposition de décision d'exécution du Conseil autorisant la Tchéquie à appliquer le mécanisme d'autoliquidation généralisé dérogeant à l'article 193 de la directive 2006112CE (COM(2019) 283 final - E 14116).

Ø Transports, politique spatiale

- Proposition de Décision du Conseil sur la signature, au nom de l'Union européenne, et sur l'application provisoire de l'accord concernant les limites de durée applicables aux contrats de fourniture d'aéronefs avec équipage entre les États-Unis d'Amérique, l'Union européenne, l'Islande et le Royaume de Norvège (COM(2019) 256 final - E 14079).

- Proposition de décision du Conseil sur la conclusion, au nom de l'Union européenne, de l'accord concernant les limites de durée applicables aux contrats de fourniture d'aéronefs avec équipage entre les États-Unis d'Amérique, l'Union européenne, l'Islande et le Royaume de Norvège (COM(2019) 254 final - E 14083).

- Proposition de règlement du parlement européen et du conseil modifiant le règlement (CE) nº 7152007 relatif à la réception des véhicules à moteur au regard des émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6) et aux informations sur la réparation et l'entretien des véhicules (COM(2019) 208 final - E 14105).

l Textes actés de manière tacite

La Commission, a pris acte tacitement des documents suivants :

Ø Budget de l'union européenne

- Proposition de virement de crédits n° DEC 122019 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2019 (DEC 122019 - E 14126).

- Proposition de virement de crédits n° DEC 132019 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2019 (DEC 132019 - E 14127).

- Proposition de virement de crédits n° DEC 142019 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2019 (DEC 142019 - E 14128).

- Proposition de virement de crédits n° DEC 152019 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2019 (DEC 152019 - E 14129).

Ø Institutions

- Décision du conseil portant nomination des membres titulaires et des membres suppléants du Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail pour l'Italie (1006019 - E 14117).

- Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs Nomination de M. Severin Gruber, membre titulaire pour l'Autriche, en remplacement de Mme Cornelia Hocke, démissionnaire (1045119 - E 14118).

- Conseil d'administration du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle Nomination de M. Joseph Farrugia, membre titulaire pour Malte, en remplacement de M. Mario Spiteri, membre démissionnaire (1050519 - E 14119).

- Proposition de virement de crédits n° DEC 092019 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2019 (DEC 092019 - E 14123).

Ø Politique économique, budgétaire et monétaire

- Proposition de virement de crédits n° DEC 102019 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2019 (DEC 102019 - E 14124).

- Proposition de virement de crédits n° DEC 112019 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2019 (DEC 112019 - E 14125).

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø Politique étrangère et de sécurité commune(PESC

- Décision du Conseil modifiant la décision 2014512PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine (1022619 LIMITE - E 14111).

- Position commune 2001931PESC du Conseil relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme et règlement (CE) n° 25802001 du Conseil concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme - Exposés des motifs actualisés (1046619 ADD 1 LIMITE - E 14112).

- Position commune 2001931PESC du Conseil relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme et règlement (CE) nº 25802001 du Conseil concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme - Exposés des motifs actualisés (1046619 LIMITE - E 14113).

La séance est levée à 11 h 42.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Patrice Anato, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Jean-Louis Bourlanges, M. André Chassaigne, M. Alexandre Freschi, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Christine Hennion, Mme Caroline Janvier, M. Christophe Jerretie, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Danièle Obono, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Benoit Simian, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. – M. Bernard Deflesselles, Mme Françoise Dumas, Mme Marietta Karamanli, Mme Nicole Le Peih, M. Joaquim Pueyo