Intervention de Jean-Pierre Farandou

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 15h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Pierre Farandou :

Monsieur le rapporteur, les dimensions sociale, environnementale et économique sont en effet au coeur des préoccupations du futur président de la SNCF.

Oui, le rapport de M. François Philizot est très attendu et un certain suspense entoure sa remise, car il traite d'un sujet éminemment complexe, l'avenir des petites lignes. Je préfère pour ma part utiliser l'expression « lignes de desserte fine du territoire », car il n'existe pas de « grandes » ou de « petites » lignes, mais des lignes dont la vocation est différente. Cette appellation est plus signifiante car elle n'introduit pas de hiérarchie : toutes les lignes sont importantes aux yeux de la SNCF et des territoires.

Deux questions sont sous-jacentes : le service qui y est proposé, et le financement des infrastructures. S'agissant des infrastructures, SNCF Réseau a été clair puisqu'il a indiqué qu'il faisait son affaire de la régénération du réseau structurant. Des efforts sans précédent ont été consentis : 3 milliards d'euros investis, contre 1 milliard d'euros il y a seulement dix ans. On a changé de braquet pour porter un coup d'arrêt au vieillissement du réseau – 30 ans en France contre 17 ans en Allemagne – et commencer à le rajeunir progressivement.

Sur les lignes de desserte fine, SNCF Réseau, arguant qu'il ne pouvait pas tout faire, s'est tourné vers l'État, les régions et les autres collectivités territoriales pour solliciter leur aide. L'entreprise a forfaitisé – ce qui n'est pas plus mal – sa part d'investissements de régénération à 8,5 %, considérant qu'elle correspondait à peu près aux économies de maintenance qu'elle réaliserait dès lors que la voie en question serait rénovée.

Vous savez que la loi fixe désormais une règle d'or : SNCF Réseau ne peut plus dépenser sans contrepartie. C'est une bonne chose puisque cela permet, notamment, d'éviter le retour de la dette.

Le rapport de M. François Philizot éclairera bien entendu cette équation. Les chiffres sont connus : 300 à 350 millions d'euros sont consacrés chaque année aux lignes de desserte fine du territoire. Si la situation est meilleure – il y a quelques années, on atteignait à peine 150 millions d'euros –, des efforts restent à faire.

On peut penser que le rapport de M. François Philizot préconisera un effort supplémentaire. On se tournera alors vers les financeurs potentiels en leur demandant s'ils sont prêts à consentir un tel effort pour parvenir à la régénération complète de ces lignes, essentielles aux territoires.

Il ne s'agit pas uniquement d'infrastructures, mais aussi de services. Que veut-on faire de ces lignes ? À quelle fréquence veut-on y faire circuler les trains ? Un exemple : si l'on souhaite maintenir une ligne en exploitation mais avec une fréquence relativement faible, il est peut-être inutile de régénérer une double voie. Une voie unique télécommandée peut s'avérer tout aussi efficace. La question d'y faire circuler ou non des trains de fret peut se poser aussi, car ceux-ci sont plus lourds que les trains de voyageurs. L'effort à consentir en matière d'infrastructures dépend du service que l'on ambitionne de fournir sur les différentes portions du réseau à rénover.

Un mot de l'adaptation : SNCF Réseau a accompli en quelques années une révolution intellectuelle en la matière et il faut à cet égard rendre hommage à M. Patrick Jeantet. Elle se résume ainsi : appliquer depuis Paris les mêmes référentiels nationaux sur tout le territoire ne constitue pas une bonne solution.

Il faut en effet raisonner localement et procéder aux ajustements exigés par le contexte local. Les besoins, comme les solutions, ne sont pas les mêmes partout, ce qui a une forte incidence sur les coûts. Ainsi, il a été possible de rénover la Côte bleue, entre Marseille et Fos-sur-Mer, en économisant 20 % par rapport à ce qu'aurait coûté l'application des règles nationales. Dès lors que l'on s'adapte au contexte local, des économies très importantes peuvent être réalisées.

SNCF Réseau a d'ailleurs lancé un kit, dont elle est prête à discuter avec les collectivités territoriales. Cette boîte à outils permet de composer le meilleur programme possible, c'est-à-dire le mieux ajusté aux territoires concernés.

Avec le rapport de M. François Philizot, c'est bien l'avenir des lignes de desserte fine qui se joue. Je sens une convergence et une envie de trouver des solutions, qui passeront vraisemblablement par un petit effort financier supplémentaire. J'espère que nous saurons le faire ensemble.

Ai-je les moyens de mes ambitions ? C'est une bonne question à poser à un manager concernant un projet d'actionnaire. L'État est actionnaire, il a une vision, mis en place une trajectoire financière et consenti des efforts de grande ampleur.

Les cheminots rêvaient depuis des décennies d'une reprise de la dette, cela ne s'était jamais fait. Le geste, à hauteur de 35 milliards d'euros, est considérable, surtout lorsque l'on imagine la difficulté qu'a pu avoir Bercy à accepter ce type de montage qui alourdit d'autant la dette de notre pays.

La contrepartie de cette décision, c'est le respect de la trajectoire financière. Cela me tient à coeur et j'y consacrerai toutes mes forces. J'ai conclu avec l'État un contrat : la trajectoire doit être tenue. C'est possible, quand bien même cela est difficile et implique des efforts. Nous mettrons toute notre énergie pour que le système ferroviaire atteigne l'équilibre en 2022.

Nous y serons aidés par l'intelligence du mécanisme mis en place. Les dividendes de la partie transports financeront à hauteur de 60 % la partie infrastructures, ce qui rendra d'ailleurs les deux parties solidaires.

Oui, j'ai les moyens de mes ambitions ; cela étant, ce sera à moi de jouer. La direction d'entreprise est un art d'exécution. Il me faudra passer à l'acte et prendre des décisions concrètes afin de satisfaire les objectifs fixés tant par l'État que par le Gouvernement.

Comment transformer l'essai ? J'aime l'idée du collectif, car la SNCF n'est pas l'affaire d'un seul homme mais bien celle d'une équipe, à la composition de laquelle je suis en train de travailler. L'équipe de tête doit être parfaitement d'accord sur le projet sur lequel elle s'engage pour quatre ans, voire davantage, afin de mener l'ensemble des actions attendues.

L'encadrement, et plus particulièrement l'encadrement de proximité, joue un rôle clé. Vous imaginez bien qu'avec 145 000 agents, le groupe public ferroviaire a besoin du relais managérial. J'irai tout simplement à leur rencontre, ma méthode sera celle du dialogue. J'essaierai de me rendre sur le terrain chaque semaine pour écouter l'encadrement de proximité, le soutenir et expliquer le sens de notre action.

Il y a, je crois, un déficit de sens et d'explication. Les cheminots sont un peu perdus. Mettons-nous à leur place : après les réformes successives de ces six dernières années, ils peuvent se demander où tout cela les mène. Il me paraît très important de leur dire : « Le pays a besoin de vous, il a besoin de mobilité, de la SNCF et du ferroviaire. Vous avez, et vous l'avez toujours eu, un rôle à jouer ».

Tout au long de son histoire, la SNCF s'est placée au service de notre pays. Sa mutation lui permettra de sceller un nouveau pacte, au service des territoires et des attentes de nos concitoyens.

Une telle évolution est possible ; j'y mettrai toute mon énergie. La transformation se fera au fil du temps. Je baliserai la feuille de route tous les ans et c'est pourquoi je m'engage à venir vous expliquer où nous en sommes, ce que nous avons réussi et ce que nous n'avons peut-être pas complètement réussi. Admettons-le, les choses peuvent être difficiles. Mais on ne lâchera rien. Nous ferons tout ce que nous avons dit. Je me donne un mandat, c'est-à-dire quatre ans, pour lancer cette transformation et obtenir des résultats concrets, que les Français constateront.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.